Opinion
Le printemps arabe
et ses éventuelles répercussions sur la
diversité en France
René
Naba
René Naba
Mercredi 21 mars
2012
Les révolutions arabes de 2011 ont
induit une nouvelle dynamique dans les
rapports transméditerranéens sans pour
autant modifier la perception que se
font les Français des basanés de France.
Si le pouvoir français a salué
l’avènement de la démocratie dans le
Monde arabe, il n’entend pas pour autant
tolérer le succès des mots d’ordre de la
rue arabe sur le territoire national,
pas plus qu’il n’entend fluidifier ses
rapports avec la composante bariolée de
la population. Française.
Tel est le principal constat un an
après le renversement des dictatures
pro-occidentales, alors que la France
aborde la phase terminale de la campagne
présidentielle de 2012 par une
hiérarchisation des civilisations par
l’homme de confiance du président
français, Claude Guéant, ministre de
l’Intérieur et des cultes.
Le tabassage de militants
pro-palestiniens, le 12 février 2011, le
lendemain de la chute de Ben Ali
(Tunisie) et Moubarak (Egypte),
participant à une rencontre avec George
Galloway, l’ancien député travailliste
britannique, à Lyon, la ville dont le
maire est le socialiste Gérard Collomb,
en témoigne de même que les bavures
policières répétitives, les saillies
successives de son personnel politique
des «bruits et des odeurs», «au mouton
que l‘on égorge dans les baignoires»,
aux trois auvergnats, bonjour les
dégâts».
Sous Nicolas Sarkozy,
particulièrement, la concurrence
mémorielle a tenu lieu de politique de
concorde nationale par l’antagonisation
des diverses composantes de la société
française avec la caution des
représentants de la diversité, la 3eme
génération de Français issue de
l’immigration.
Premières révolutions démocratiques
du XXI me siècle, la singularité des
soulèvements arabes de 2011 réside dans
le fait qu’elles étaient dirigées contre
le pouvoir en place et contre leurs
protecteurs occidentaux.
Une révolution à double détente par
l’articulation de la logique de l’ennemi
extérieur sur l’ennemi intérieur. De
sorte que le triomphe de la démocratie
dans les pays arabes a constitué,
paradoxalement, un échec des grandes
démocraties occidentales, souteneurs des
dictatures au prétexte de guerre contre
le terrorisme et de lutte contre
l’intégrisme, alors que le soutien
inconditionnel et absolu des Occidentaux
aux dictateurs arabes a fait le lit de
l’islamisme.
Signe de l’aveuglement occidental, il
n’est pas indifférent de noter que le
principal barrage à l’Islamisme, (Ben
Ali) se soit réfugié dans le foyer de
l’intégrisme (l’Arabie saoudite).
Pas indifférent de noter que les
soulèvements arabes se sont produits au
terme d’une décennie de «guerre contre
le terrorisme», marquée par
l’élimination des principaux pivots de
l’influence occidentale dans la sphère
arabo musulmane (le commandant Massoud
Shah, Afghanistan, l’ancien premier
ministre sunnite Rafic Hariri (Liban),
l’ancien premier ministre chiite Benazir
Bhutto (Pakistan), les dirigeants des
deux pays situés aux extrémités de l’axe
de transformation du «Grand Moyen
Orient», dont l’objectif sous jacent
était la constitution d’une ceinture
d’états vassaux d’Israël.
Le printemps arabe a débouché sur un
automne glacial en ce que la
contestation populaire arabe a dérivé
vers une contre révolution par
l’intervention massive des Occidentaux
pour épargner des flammes de la
contestation la zone pétrolière du
Golfe. Il s’est ainsi concentré et
limité à la frange méditerranéenne et
républicaine du monde arabe, préservant
le système rétrograde des
pétromonarchies en même temps que les
intérêts stratégiques des Occidentaux.
La
simultanéité des soulèvements
La simultanéité des soulèvements en
Tunisie et en Egypte a confirmé l’unité
politique et la continuité historique de
la mémoire des luttes arabes, dépassant
le clivage Machreq Maghreb que les
théoriciens occidentaux s’appliquent à
propager en vue de maintenir le Monde
arabe en état de balkanisation. Pas
indifférent à cette occasion de noter
enfin que le soulèvement égyptien est
survenu le jour même de la proclamation
de l’Indépendance du sud Soudan par
démembrement d’un nouvel état arabe, le
Soudan, signe complémentaire de cette
unité de lutte.
Epilogue de dix ans de lutte contre
le terrorisme, l’Iran a été propulsé au
rang de puissance régionale, par effet
d’aubaine résultant de l’implosion des
deux pays sunnites qui lui étaient
limitrophes, l’Afghanistan et l’Irak,
qui faisaient office de ceinture de
sécurité.
Les
répercussions en France et sur la
diversité de sa population.
Les révolutions arabes de 2011 ont
induit une nouvelle dynamique dans les
rapports transméditerranéens sans pour
autant modifier la perception que se
font les Français des basanés de France.
Si le passif colonial tarde à être
purgé, c’est en raison du fait que
l’histoire coloniale s’est terminée dans
la douleur pour l’amour propre national
par trois défaites militaires
consécutives (1940, Dien Bien Phu,
Algérie), les deux dernières infligées
par les anciens colonisés, parce
qu’aussi la thématique de l’immigration
constitue une bonne rente de situation
électorale.
L’immigration arabo musulmane de
France est une immigration de créance
dont une lecture biaisée de l’histoire
en retarde une prise de conscience
salutaire quant à la réelle contribution
des peuples basanés à la liberté et à
l’indépendance de la France.
Les périodes de crise se
caractérisent par la montée de
l’individualisme, illustrée par des
formules criantes d’égoïsme –telles que
«chacun son beefsteak, sauve qui peut,
après moi le déluge»–, amplifié par une
exacerbation des tensions et un
affaissement du sens moral, sur fond de
programmes de téléréalités articulés sur
le principe de la délation et de la
dénonciation, deux tares dont la France
en a pâti sous Vichy et le régime de la
collaboration nazie.
Le démembrement des grandes matrices
formatrices de la conscience nationale
et de la solidarité sociale (armée,
école) ont aggravé les tendances
profondes de la société française qui se
trouve en ce début du XXI me siècle en
phase de délitement social du fait de la
désindustrialisation, de délocalisation
et de l’accentuation des antagonismes
sociaux amplifiée par une politique
sarkozienne d’exacerbation
communautariste.
Islam,
religion étrange ?
La laïcité contemporaine, loin d’être
un creuset de l’unité dans la diversité,
est le réceptacle d’un nationalisme
fermé.
Alors que l’Islam pourrait faire
office de facteur de pacification dans
les zones péri urbaines (BAC -Brigade
anti chaytane), les banlieues sont
perçues comme des zones productrices de
délinquance, quand bien même la France
leur doit certaines de ses titres de
gloire (Coupe Davis 1982, Mundial de
Foot 1998, les médailles olympiques de
l’athlétisme) et que les personnalités
préférées des Français sont généralement
distingués parmi la communauté des
basanés (Zidane, Omar Sy, Yannick Noah
etc…)
Par glissement, l’Islam est perçu
comme une religion étrangère aux mœurs
et croyances françaises, par définition
judéo chrétiennes et gréco-latines, puis
par dégradation successive, une religion
d’étrangers, une religion étrange.
Bon nombre d’intellectuels musulmans,
plutôt que d’assumer un rôle pédagogique
de par leur visibilité, font office de
facilitateur d’islamophobie, par leurs
imprécations pseudo scientifiques sur
leurs anciens compatriotes.
L’universitaire franco tunisien Abdel
Wahhab Meddeb avouera sans fausse honte
avoir été un «intégriste de laïcité»
dans sa défense et illustration du
régime Ben Ali, et l’algérien Mohamad
Sifaoui assume un rôle analogue dans la
dénonciation du terrorisme islamique et
des complots parfois imaginaires.
Les Français,
les véritables indigènes de la France
Les élections présidentielles sont
traditionnellement l’occasion de la mise
en route des lois mémorielles. Chaque
élection y apporte son lot. Sous
Sarkozy, cela a été la loi sur la
criminalisation de la négation du
génocide arménien et la loi sur la
répression de la stigmatisation des
Harkis. Auparavant, la loi Taubira sur
l’esclavage et la traite négrière, de
même que la loi Gayssot sur la négation
du génocide juif.
Ne manque plus qu’une loi générale
célébrant sur «le rôle positif des
colonisés» et la criminalisation de la
négation du rôle positif des colonisés
vis à vis de leur colonisateur.
Tant il est vrai que pour purger le
passif post colonial, il importe que les
Français se pénètrent de la réalité
étymologique qu’ils constituent les
Indigènes de France. Ce jour là, un
grand pas aura été accompli dans le
règlement du contentieux qui empoisonne
la vie publique nationale depuis un
demi-siècle.
Il incombe de faire œuvre de
pédagogie, sans relâche, pour que ceux
qui se considèrent comme «les vrais
français» admettent que ce sont eux les
Indigènes de France consentent de
traiter à leur image ce qu’ils
considèrent comme leurs indigènes.
Sur le flanc sud de l’Europe se
dresse désormais un monde rebelle, un
bouleversement en passe de modifier un
déplacement du centre de gravité de
l’ensemble euro-méditerranéen tant dans
les rapports interétatiques que la
perception de l’imaginaire occidental de
la rue arabe.
Plutôt que poursuivre sa fuite en
avant, la France se devrait de retourner
sur ses pas et intégrer dans sa mémoire
le fait que son siège permanent au
Conseil de sécurité avec droit de véto,
un privilège dont elle abuse parfois,
lui a été dévolu non par ses exploits
militaires mais par sa possession
d’empire.
Référence :
Conférence René
Naba 22 janvier 2012, tenue à
l’invitation de Moustapha Dali,
animateur du réseau Tarigui pour le sud
de la France.
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
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