Opinion
Dominique
Strauss Khan,
la déliquescence et non la quintessence
du socialisme part 1/2
René Naba
René Naba
Lundi 20 juin 2011
A deux semaines des dépôts des
candidatures aux primaires socialistes
en vue des élections présidentielles de
2012, retour sur l’invraisemblable
parcours de Dominique Strauss Khan, rare
exemple de sabordage politique en
direct.
1ère partie:
Un bellicisme impénitent, un philo
sionisme exacerbé
De par son comportement et son
positionnement, Dominique Strauss Khan
représente non la quintessence mais la
déliquescence du socialisme.
Grand bourgeois d’un quartier huppé
de Paris, élu d’une circonscription
populeuse de la région parisienne,
l’universitaire aura cultivé le paradoxe
jusqu’à ses plus ultimes extrémités,
jusqu’à son implosion finale.
Ténor du parti socialiste, son
courant se rangeait parmi le plus
libéral de la social-démocratie. Porte
étendard de la laïcité qu’il s’évertuait
à faire respecter aux autres, le
communautarisme est sa philosophie de
vie qu’il pratique au quotidien, tant
par le choix de sa circonscription
électorale, Sarcelles, que par son
inclination politique, que son
bellicisme impénitent, que son philo
sionisme exacerbé, que sa capacité
manipulatrice, que son socialisme
débridé, que son tropisme féminin qui
lui vaudra des déboires sur la scène
internationale jusqu‘à sa carbonisation.
Le démarrage de sa précampagne
électorale en Porsche a constitué une
incontestable faute de goût en même
temps qu’une faute politique, propulsant
DSK, plus que tout, mieux que quiconque,
comme le symbole honni d’une
institution, le FMI, qui signifie pour
des millions de travailleurs à travers
le monde «Fins de Mois Impossibles»;
comme le parfait représentant d’un parti
qui a déserté son socle historique, la
classe ouvrière, pour le secteur
tertiaire et le mirage de la modernité
urbaine et de la citoyenneté citadine, à
en juger par les dernières prescriptions
de Terra Nova, la tête pensante du
socialisme post industriel.
Vivant à Washington, le patron
français du Fonds Monétaire
International a adopté le même coûteux
tailleur que Barack Obama et le même
coiffeur qu’Hillary Clinton. Mais le
fait d’opter pour le même tailleur qu’un
président américain ne suffit pas pour
doter son bénéficiaire de l’étoffe d’un
président.
Cet adepte de l’Ecole de Chicago,
disciple de Milton Friedman, théoricien
de l’ultra libéralisme, présente en fait
le parfait profil d’un «Balladur de
gauche», même coquetterie, même
libéralisme, même goût des ors de la
République (1). Sa thèse est en fait
inspirée des travaux de l’économiste
néo-libéral Gary Becker, théoricien du
«capital humain».
Résident estival d’un pays arabe, le
Maroc, Dominique Gaston André Strauss
Kahn, de son vrai nom, est l’auteur
d‘une sentence mémorable sur «la
politique arabe de la France» qu’il
décrétera comme relevant de la
«supercherie», sans se douter que ce
jugement passé à la postérité révélera
la duplicité de son auteur en ce qu’elle
le renvoyait à sa propre image.
La filiation est lointaine et ne se
dément pas, remontant au grand manitou
du socialisme français, Léon Blum, qui
invoquera son «trop d’amour» pour son
pays «pour désavouer l’expansion de la
pensée et de la civilisation française»,
admettant « le droit et même le devoir
des races supérieures d’attirer à elles
celles qui ne sont pas parvenues au même
degré de culture».
Cette profession de foi surprenante
est paru dans le journal «Le Populaire»
en date du 17 juillet, sans que ce
vénérable humaniste, premier chef du
gouvernement socialiste de la France
moderne, artisan des premières conquêtes
sociales sous le gouvernement du Front
Populaire (1936), ne se doute que, lui
même, à son tour, subira, quinze ans
plus tard, les lois de l’infériorité
raciale de la part de ses compatriotes
non coreligionnaires.
«La fameuse politique arabe de la
France. C’est une supercherie que le
Quai d’Orsay réussit à vendre depuis des
décennies à l’ensemble de la classe
politique ! Elle nous permet de croire
que nous sommes ainsi à l’abri de toute
menace terroriste (…) cela me paraît
tout à fait absurde», affirmera DSK, en
Mai 2007 dans une interview croisée avec
Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur
à l’époque, à La Revue «Le Meilleur des
Mondes» qui passe pour être un relais
des thèses de la Foundation for the
Defense of Democracies, porte-voix des
néo conservateurs en France.
Pour une personne qui bénéficie de
l’hospitalité d’un pays arabe pour ses
vacances estivales, en l’occurrence le
Maroc, qui a protégé ses
coreligionnaires français des
persécutions de Vichy, pour un homme qui
a courtisé assidûment le «vote beur» aux
dernières élections législatives de juin
2007 en vue de s’épargner une déconvenue
électorale, qui a sollicité le vote des
grands électeurs arabes -L’Arabie
saoudite et l’Egypte- pour sa nomination
à la direction du Fonds Monétaire
International, en un mot pour un homme
qui aspirait aux plus hautes
responsabilités, il paraissait malsain
et absolument contreproductif pour la
cohésion nationale de développer une
vision hémiplégique de la réalité.
Emule en cela de Philippe Val, l’ancien
directeur du journal satirique «Charlie
Hebdo», qui considérait que la politique
arabe de la France est à l’origine de
l’antisémitisme français. Mais DSK n’a
pas, lui, l’excuse de l’ignorance:
Depuis l’Algérie voisine de son Maroc
natal, les habitants de Sétif peuvent
témoigner que la politique arabe de la
France, du moins telle qu’ils l’ont vécu
dans leur chair, n‘était pas une
supercherie.
Rejeter sur l’étranger, en l’occurrence
l’Arabe, les turpitudes inhérentes à la
France, faire de l’Arabe le bouc
émissaire de tous les maux de la société
française, est un artifice de démagogie,
un argument commode de populisme
électoraliste.
Si pourtant soucieux du destin des
Juifs de France, comment DSK a-t-il pu
méconnaître leur histoire, oublier que
l’Affaire Dreyfus, par exemple, a éclaté
cinquante ans avant l’arrivée des
premiers arabes en France, que de
surcroît «Le commissariat aux questions
juives» du régime de Vichy avait été
précédé du «Bureau des affaires nord
africaines», dans l’entre deux guerres,
sans que cela n’entraîne la moindre
réaction?
A l’intention de Dominique Strauss
Kahn, le moindre élève d’une classe
élémentaire aurait pu rappeler que «La
politique arabe de la France» a surtout
consisté pour les pays arabes de voler
au secours de la France, à deux
reprises, au cours du XX me siècle, pour
l’aider à vaincre ses ennemis et à
conserver sa liberté, notamment en
1939-1945, en l’aidant à se débarrasser
du joug nazi dont une fraction
importante de la communauté nationale de
confession juive en a lourdement pâti.
Et que pour prix de la contribution
arabe à sa liberté, la France a amputé
la Syrie du district d’Alexandrette pour
le céder à la Turquie, son ennemi de la
Première Guerre Mondiale (1914-1918), et
carbonisé au napalm les habitants de
Sétif (1945), après la deuxième Guerre
Mondiale (1939-1945) fournissant dans la
foulée à Israël la technologie nucléaire
du centre de Dimona (Néguev).
A- Un
belliciste impénitent:
Bon nombre de disciples socialistes
de Léon Blum imbus de la mission
civilisatrice de la France
s’engouffreront dans cette voie qui
s’est souvent confondue avec
l’impérialisme, de Robert Lacoste en
Algérie avec ses ratonnades, en 1955, à
Guy Mollet et son expédition punitive de
Suez contre l’Egypte, en 1956, à Lionel
Jospin et sa qualification de
«terroriste» au Hezbollah libanais, en
2000. DSK leur a emboîté le pas,
nullement découragé par les conséquences
de ce bellicisme à tout crin.
Alors que l’invasion américaine de
l’Irak tournait au désastre, DSK
préconisait une intervention contre
l’Iran, vainqueur par effet d’aubaine
des interventions occidentales contre
l’Afghanistan et contre l’Irak, que les
deux pays sunnites endiguaient: «On
mesure que les Américains se sont
trompés de cible: la menace ne venait
pas de l’Irak, mais de son voisin
perse».
«La politique qui est aujourd’hui
conduite en Iran sous la houlette d’Ahmadinejad
comporte de nombreuses expressions du
totalitarisme qui, en tant que telles,
doivent être combattues. À ce propos,
c’est pour moi une grave erreur d’avoir
prétendu, comme l’ont fait Jacques
Chirac et son ministre des Affaires
étrangères, Philippe Douste-Blazy, que
l’Iran jouait «un rôle stabilisateur»
dans la région. Cela entraîne une
confusion sur la nature réelle de ce
qu’est le régime iranien actuel. Cela
revient à envoyer un message erroné à un
pays qui use largement de sa capacité de
nuisance on le voit au Liban via le
Hezbollah, en Irak ou avec le chantage
nucléaire qu’il cherche à exercer».
Il n’a échappé à personne que Dominique
Strauss Khan ne déplorait pas le
bellicisme américain, juste l’erreur de
ciblage de l’Irak plutôt que de l’Iran.
Ce faisant, il se trouvait sur ce point
sur la même longueur d’onde que Bernard
Kouchner, ministre français des Affaires
étrangères, l’éphémère voltigeur de
pointe de la diplomatie atlantiste du
nouveau gouvernement français, passé de
«Médecins sans Frontières» à «Va-t-en
guerre sans Frontières», sur la même
longueur d’onde surtout des ultra
faucons israéliens, sur la même longueur
d’onde que ses amis modernisateurs, les
«Sarkozystes de gauche», Romain Goupil,
André Glucksmann, et la cohorte des
transfuges de la gauche, qui ont
substitué la lutte des places à la lutte
des classes.
Une sentence édictée sans se
préoccuper du sort potentiel des
principales victimes par ricochet de
l’intervention occidentale contre
l’Iran, en l’occurrence leurs alliés
pétro monarchiques du Golfe, sans se
préoccuper aussi des griefs iraniens
contre la France.
Depuis l’avènement de la Révolution
Islamique, en 1979, la France s’est
trouvée en position de «co-belligérance»
face à l’Iran par son soutien massif à
l’Irak du temps de Saddam Hussein. Sous
la présidence Sarkozy, elle se retrouve
de nouveau en pointe contre l’Iran dans
le dossier nucléaire. La permanence
d’une attitude hostile lui avait valu
dans le passé de subir les effets des
dommages collatéraux, avec l’attentat
contre le quartier général français à
Beyrouth (59 morts), en 1983, la prise
d’otages Français au Liban (1984-1986)
et des attentats à Paris même
(1986-1988).
B – Un philo
sionisme exacerbé
Le socialisme est le cadet de son
souci, de même que l’humanisme. Ce qui
lui importe, l’objet même de son
engagement politique, c’est le lobbying
pro israélien, embrigader les Français
de confession juive dans cette croisade.
Longtemps l’homme a cherché à camoufler
cette profession de foi, faite à
l’époque où les laudateurs d’Israël
berçaient l’opinion sur la pureté de ses
armes, afin de ne pas entraver sa
candidature présidentielle, mais les
faits s’imposent dans toute l’évidence
des mots gravés dans le marbre de
l’imprimerie:
«Je considère que tout Juif de la
diaspora, et donc de France, doit,
partout où il peut, apporter son aide à
Israël. C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle il est important que les Juifs
prennent des responsabilités politiques.
En somme, dans mes fonctions et dans ma
vie de tous les jours, à travers
l’ensemble de mes actions, j’essaie
d’apporter ma modeste pierre à la
construction d’Israël». Déclaration sur
«Europe 1», en 1991, reprise par le
Magazine «La vie», le 11 avril 2002,
sous le titre «Trop Proche-Orient», un
article de Slimane Zeghidour (2).
L’idée a-t-elle effleuré l’esprit de
DSK qu’il apporte aussi sa modeste
pierre à la construction de la France,
le pays dont il a été le député, qui a
propulsé sa candidature à la tête du
Fonds Monétaire International, sa
modeste pierre à la paix
israélo-palestinienne? Aurait-il échappé
à Strauss-Kahn que la grande majorité
des juifs de gauche, la mouvance dont il
se réclame, justement parce qu’ils sont
de gauche, condamne le colonialisme
israélien?
La finalité ultime de l’engagement de
DSK en politique serait donc, non
l’amélioration des conditions de vie de
ses concitoyens, mais exclusivement le
lobbying pro israélien. Le socialiste
néo conservateur, si tant soit peu
soucieux des intérêts de son pays,
aurait pourtant dû se demander ce qu’il
peut faire pour la grandeur de son pays,
la France et non Israël, pour la
promotion de la justice, non de
l’injustice, de l’égalité, et non des
inégalités, de la liberté, et non
l’oppression.
Dans ce pays agité par un débat
cyclique sur l’identité nationale, ce
qu’il était impératif de faire à
l’ancien Directeur du FMI, bénéficiaire
de l’hospitalité du Maroc pour ses
vacances à Marrakech est, non la
légitimation de la soldatesque
israélienne, mais la mise en œuvre de la
promotion du droit du peuple palestinien
à une identité nationale et à la
souveraineté.
Partie 2/2
Références
1- Bakchich DSK, l’étoffe d’un
président dimanche 31 octobre 2010
par Pascale Tournier
2 – Cf. Les propos de Dominique
Strauss- Khan recueillis par Emile
Malet, Passages n°35, Février Mars
1991).
«Je considère que tout Juif dans
la diaspora, et donc c’est vrai en
France, doit partout où il le peut
apporter son aide à Israël. C’est
pour ça d’ailleurs qu’il est
important que les Juifs prennent des
responsabilités politiques. Tout le
monde ne pense pas la même chose
dans la Communauté juive, mais je
crois que c’est nécessaire. Car, on
ne peut pas à la fois se plaindre
qu’un pays comme la France, par
exemple, ait dans le passé et
peut-être encore aujourd’hui, une
politique par trop pro-arabe et ne
pas essayer de l’infléchir par des
individus qui pensent différemment
en leur permettant de prendre le
plus grand nombre de
responsabilités. En somme, dans mes
fonctions et dans ma vie de tous les
jours, au travers de l’ensemble de
mes actions, j’essaie de faire en
sorte que ma modeste pierre soit
apportée à la construction de la
terre d’Israël».
Et dans son intégralité le
commentaire du journaliste Slimane
Zéghidour paru le 11 avril 2002 dans
Le Magazine «La Vie» intitulé «Trop
Proche-Orient», ainsi que les liens
y afférents:
Pour une fois unanimes, tous les
politiques hexagonaux, chefs de
parti et candidats confondus,
mettent en garde contre le risque de
«transposer en France le conflit du
Proche-Orient». Un appel nécessaire,
à un moment où des franges entières
de la communauté nationale épousent
les passions et les positions, qui
des Israéliens, qui des
Palestiniens. À cet égard, les
manifestations du week-end dernier
ont montré à la fois le caractère
pacifique de la majorité des
sympathisants de l’un ou l’autre
camp, et la violence, sinon le
fanatisme, de certains groupuscules
arabes et juifs. Notre classe
politique a raison de s’émouvoir,
mais elle est loin d’être innocente
en la matière: La pêche aux voix en
terrain confessionnel est un sport
national fort ancien. Depuis des
lustres, aucun candidat à la
présidence n’a manqué le pèlerinage
en Israël; aucun n’a manqué de se
recueillir, kippa sur la tête, au
pied du Mur des Lamentations.
Aujourd’hui, on commence à faire
étape à Alger. En attendant
d’honorer Bamako ou Ankara. Et
chaque visiteur d’y aller de sa
petite phrase attestant son «amitié
indéfectible» pour l’État juif. À la
veille des élections européennes de
mars 1986, Lionel Jospin, alors
secrétaire général du parti
socialiste, déclarait froidement, à
propos du transfert de la capitale
d’Israël de Tel-Aviv à Jérusalem,
une démarche pourtant contraire au
Droit International:«En tant
qu’individu, en tant qu’amoureux de
la beauté et de l’Histoire, je
préférerais de beaucoup que la
capitale soit à Jérusalem plutôt
qu’à Tel-Aviv». Il est vrai qu’à
l’époque le Likoud, au pouvoir en
Israël depuis 1977, cherchait à
structurer une communauté juive
jugée trop assimilée. «Structurer»,
cela passait par l’affirmation de la
«centralité» d’Israël par rapport à
la diaspora. D’où une conjonction
entre le souci de la communauté de
ménager l’appui de la France à
Israël et le besoin de tel ou tel
candidat d’un renfort de voix qui a
fini par devenir une composante
permanente de la vie politique
nationale.
On mesure l’évolution quand,
début 1991, Dominique Strauss-Kahn
affirme publiquement:«Je considère
que tout juif de la diaspora, et
donc de France, doit, partout où il
peut, apporter son aide à Israël.
C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle il est important que les
Juifs prennent des responsabilités
politiques.
En somme, dans mes fonctions et
dans ma vie de tous les jours, à
travers l’ensemble de mes actions,
j’essaie d’apporter ma modeste
pierre à la construction d’Israël. »
On conçoit que pareil discours
puisse générer un contre
communautarisme, musulman, cette
fois, au détriment de la cohésion
nationale. Tentation d’autant plus
forte que les grands partis (mis à
part le PC, les Verts et… le FN)
n’arrivent toujours pas à surmonter
leurs blocages culturels pour
s’ouvrir aux Français originaires du
Maghreb, qui représentent pourtant
près de 10% de la population. «Je
refuse le communautarisme», vient
toutefois de lancer Lionel Jospin.
Le Premier ministre candidat
ajoute:«Je ne jouerai jamais les
passions les unes contre les
autres». Espérons que sa déclaration
n’engagera pas que lui seul… Il y va
non seulement de la paix intérieure,
mais aussi de la position
diplomatique de la France, qui reste
un acteur de poids au Proche-Orient.
Or, un gouvernement français qui
craindrait de mécontenter telle ou
telle fraction de la population se
retrouverait bien vite paralysé. Ce
qui ferait le bonheur d’un Sharon ou
d’un Saddam. Signé S.Z. Fin de
citations
Sur le même sujet: «Le malaise
persistant des juifs de France», Le
Monde, 20 septembre 2003.
© René Naba
Publié le 21 juin 2011 avec
l'aimable autorisation de René Naba.
Publié sur René Naba.com
Les textes de René Naba
Les dernières mises à jour
|