Retour sur le 11 septembre 2001, dix ans
après
Manhattan
Transfer: Au cœur du sanctuaire
américain
René
Naba
René Naba
Samedi 10
septembre 2011
“L’Islam ne fait-il pas peur parce
qu’il est proche et que cette proximité
réveille des fantômes?
Il est un « autre » à part, né de la
même matrice abrahamique, héraut du même
monothéisme révélé qui n’a cessé, depuis
des siècles, de mettre des absolus en
concurrence autour de la Méditerranée et
de ses marches. Il est capable du même
totalitarisme messianique dont se rendit
coupable en son temps la chrétienté et
que l’on retrouve aujourd’hui en Israël,
et porte une prétention – bien familière
aux Occidentaux – à fournir aux régions
dans lesquelles il est majoritaire une
sorte d’universel de rechange puisant sa
légitimité dans le champ religieux. Au
terme d’une lente sécularisation,
l’Europe chrétienne troqua le
messianisme évangélique pour celui du
progrès. En terre d’Islam, le processus
commence à peine (…) Les Occidentaux
mesurent le pouvoir de telles
mobilisations messianiques (…) Il n’est
pas sûr, hélas, que le bombardement de
l’Afghanistan les désamorce.”
«Les belles paroles de
l’Occident», Libération, 24 octobre
2001, Sophie Bessis, auteur d’une
remarquable critique du modèle
occidental de civilisation (L’Occident
et les autres. Histoire d’une
suprématie, La Découverte, Paris, 2001).
Manhattan
Transfer: Au coeur du sanctuaire
américain
Comparable par son retentissement et
sa portée symbolique au sac de Jérusalem
(1099) et de Constantinople (1204), dont
il constituerait dans l’imaginaire du
fondamentalisme arabo musulman sa
réplique millénaire, le «mardi noir»
américain du 11 septembre 2001 n’est pas
le détonateur de la première guerre
moderne du XXI me siècle, mais le
dernier avatar colonial du XX me siècle
et les bombes humaines volantes qui ont
percuté les symboles économiques et
militaires de l’hyper puissance
américaine, -le Pentagone à Washington
et les tours jumelles du World Trade
Center à New York-, n’étaient pas
propulsées par du kérosène mais par près
d’un siècle de spoliations,
d’humiliations et de frustrations
accumulées depuis la promesse Balfour.
N’en déplaise aux spécialistes
occidentaux, le terrorisme ne résulte
pas d’une création ex-nihilo. Il ne
constitue pas non plus un phénomène sui
generis. Il se nourrit des meurtrissures
et des flétrissures, de l’impasse du
désespoir magnifié par une exaltation
sacrificielle. Ce n’est jamais de gaieté
de coeur qu’un adolescent à l’aube de sa
vie se ceinture à la dynamite pour se
faire déchiqueter par une explosion ou
qu’un père de famille universitaire
diplômé d’études supérieures se dévoue à
un patient apprentissage du pilotage
aérien pour se percuter sur un immeuble,
si prestigieux soit-il, si grisante soit
cette perspective.
Au même titre que d’autres
continents, l’Occident a engendré des
monstres, tel Hitler, et la défense du
«Monde Libre» ne relève pas de son
apanage exclusif. Elle participe
également de la contribution des peuples
du tiers-monde, asiatiques, arabes,
africains, toutes religions confondues,
dont plusieurs dizaines de milliers ont
combattu aux côtés des Européens et des
Américains contre les tyrannies du XX me
siècle. A cet égard, Verdun et Monte
Cassino constituent autant de victoires
alliées que de victoires arabes ou
africaines.
Alors qu’un prurit belligène s’est
emparé à nouveau des pays occidentaux,
en Afghanistan, en Irak ou en Libye,
attisé par les spectaculaires et
meurtriers attentats anti-américains,
-qui ont fait selon le décompte officiel
près de 3 000 morts ou disparus,- il
peut paraître judicieux de rappeler que
le monde arabo musulman a fourni près de
1.2 millions de combattants au cours des
deux guerres mondiales, dont 53. 000 ont
trouvé la mort sur les champs de
bataille de la Marne et d’ailleurs pour
la Libération de la France, leur
colonisateur de l’époque (1), et, que
près de 800 Maghrébins du «Régiment de
marche Nord-africain de Paris», relevant
de la 2me division blindée du Général
Leclerc, ont participé à la bataille
pour la libération de la capitale
française (2). Il en a été de même avec
les contingents indo pakistanais enrôlés
pour la défense de l’Empire britannique.
Héritiers de l’Europe et témoins
privilégiés de ses déboires, les
Etats-Unis se sont portés à deux
reprises au XX me siècle au cours des
deux guerres mondiales
(1914-1918/1939-1945) au secours des
grandes démocraties européennes avant de
les supplanter en tant que puissance
planétaire, sans toutefois tirer profit
des égarements coloniaux de leurs
ancêtres européens.
Sur les débris du colonialisme
français et anglais, l’Amérique,
soutenant les indépendances du Maroc et
de l’Algérie dans la foulée de la folle
équipée tripartite (anglo-franco-israélienne)
de Suez, en 1956, a été accueillie en
héros par les peuples arabes, mais, au
mépris des enseignements de l’Histoire,
elle a fondé son hégémonie sur une
collusion avec les forces arabes les
plus conservatrices et des alliances
contre-nature avec les principaux
ennemis du monde arabe, dilapidant ainsi
son capital de sympathie par une
politique erratique illustrée par le
combat implacable qu’elle a menée contre
le nationalisme arabe renaissant.
Pis, au plus fort de la guerre
froide, elle instrumentalisera l’Islam
contre l’athéisme du bloc soviétique
faisant ainsi le lit de l’islamisme à la
faveur d’un partenariat avec l’Arabie
saoudite, le plus conservateur des pays
arabes, doublé d’une collusion
stratégique avec les puissances
régionales hostiles au monde arabe, la
Turquie et Israël.
Présentée par la diplomatie
américaine comme un partenariat des
grandes démocraties du Moyen-Orient,
l’alliance contre nature entre le
premier état génocidaire du XX me siècle
et les rescapés du génocide hitlérien a
été perçue par les populations de la
zone comme une opération de verrouillage
du monde arabe par l’ancien colonisateur
ottoman des Arabes et l’usurpateur
israélien de la Palestine, tous deux
promus, en la circonstance, au rôle de
«chiens de garde de l’impérialisme
américain» et bénéficiant à ce titre,
rien qu’à eux deux, des deux tiers de
l’aide militaire américaine à l’étranger
(3).
De surcroît, l’adhésion totale,
absolue, inconditionnelle et intangible
aux thèses les plus extrêmes de
l’establishment politique et militaire
israélien (Menahem Begin, Itzhak Shamir,
Ehud Barak, Ariel Sharon et Benyamin
Netannyahou), malgré toutes les
concessions arabes et palestiniennes,
finira par fragiliser considérablement
ses protégés et obligés arabes, à
marginaliser le monde arabe et à
sécréter une profonde révulsion à
l’égard de l’Amérique, un pays qui
présente pour ses contempteurs le double
inconvénient d’être à la fois le
protecteur d’Israël et des régimes
déconsidérés arabes.
Que les maîtres d’oeuvre des
attentats du 11 septembre se soient
recrutés dans leur écrasante majorité au
sein de la nouvelle bourgeoisie
saoudienne (quinze des dix neufs
opérateurs étaient de nationalité
saoudienne) donne la mesure de la cécité
politique américaine et de l’échec
cuisant d’une politique fondée sur une
occidentalisation forcenée de l’Arabie
Saoudite. Une politique concrétisée par
l’affectation d’un crédit annuel d’un
milliard de dollars de bourses scolaires
à 150.000 étudiants saoudiens des
universités américaines visait à
préserver une durable influence
culturelle américaine sur le Royaume
Wahhabite. Elle n’a finalement abouti,
paradoxalement, qu’à le consolider dans
son rôle de bastion du fondamentalisme
islamique (4).
Une diplomatie de la canonnière et la
négation des profondes aspirations des
peuples autochtones dans la plus pure
tradition coloniale européenne ont fini
par générer une réplique matérialisée
par l’usage de l’arme de la terreur dans
un combat asymétrique développant à son
paroxysme une culture de la mort avec
pour objectif, tant à New York, qu’à
Washington, qu’en Israël Palestine ou
ailleurs, une déstructuration de
l’adversaire à défaut de sa destruction.
Telle est du moins l’une des
explications au déchaînement de violence
sans précédent contre les objectifs
américains dont le Moyen-Orient d’abord,
puis l’Afrique, enfin le sanctuaire
national (Homeland) américain, ont été,
depuis deux décennies le théâtre, que
cela soit à Beyrouth, contre la
chancellerie et le P.C. américains en
1983-1984, à Khobar et à Riyad, contre
des bases américaines en Arabie Saoudite
en 1995, à Dar es-Salam (Tanzanie) et à
Nairobi (Kenya), contre les ambassades
américaines dans ses deux capitales
africaines en 1998, ou encore au large
des côtes yéménites contre un bateau de
guerre le «USS Cole» en 2000 et enfin à
Washington et New York en 2001.
Au nom de la realpolitik, les
Etats-Unis ont lié leur sort régional au
régime politique le plus antinomique du
système américain. Pacte fondateur d’un
partenariat stratégique scellé entre
deux pays qui ont tout de même le point
commun d’être codétenteurs du record
mondial des exécutions capitales, le
“Pacte du Quincy” (5) s’est révélé être,
lui aussi, une alliance contre nature
entre une puissance qui se veut la plus
grande démocratie libérale du monde et
une dynastie qui se revendique comme la
plus rigoriste monarchie théocratique du
monde.
Conclu en février 1945 entre le
président Franklin Roosevelt et le Roi
Abdel Aziz, à bord du croiseur américain
Quincy, ce pacte a assuré la stabilité
du ravitaillement énergétique mondiale
et la prospérité économique occidentale,
parfois au détriment des intérêts des
autres producteurs du tiers-monde, sans
pour autant donner satisfaction aux
revendications légitimes arabes
notamment à propos de la question
palestinienne.
En application de ce pacte, qui a
donné lieu aux plus invraisemblables
dérives, l’Amérique a assumé un rôle
étymologiquement rétrograde, en négation
avec les valeurs qu’elle professe.
Parangon de la démocratie et du
libéralisme dans le monde, elle s’est
posée en «parrain» du royaume le plus
hermétique de la planète, s’opposant aux
expériences de modernisation et de
démocratisation du tiers-monde, comme ce
fut le cas, en Iran, en 1953, lors de la
nationalisation des installations
pétrolières par le dirigeant
nationaliste Mossadegh, en Egypte, en
1967, contre le chef de file du
nationalisme arabe, Gamal Abdel Nasser,
ou encore dans le pré carré américain,
au Guatemala, en 1954, et au Chili, en
1973, contre le président socialiste
démocratiquement élu Salvador Allende,
renversé par une junte militaire le 11
septembre 1973, curieusement à la date
anniversaire des attentats de Manhattan
et de Washington, avec le soutien actif
des Américains.
Toujours en application de ce même
pacte, l’Amérique a décrété à la suite
de l’invasion du Koweït en 1990 une
mobilisation internationale contre
l’Irak anéantissant pratiquement ce pays
jadis à l’avant garde du monde arabe, le
maintenant en état d’apoplexie, sous
embargo près de douze ans après les
hostilités, nourrissant ainsi le procès
de la partialité occidentale par sa
mansuétude à l’égard d’Israël, suscitant
en contrepoint une volonté de
réhabilitation des peuples arabes et
musulmans qui s’est confondue pour
beaucoup de militants islamistes avec
une soif de revanche.
Don du ciel pour une infime minorité
de dirigeants et de privilégiés, le
pétrole a surtout constitué une source
de convoitises pour les pays arabes et
musulmans et une source de malheur pour
leur population, au point que par quatre
fois en une décennie (1980-1990), fait
unique dans l’histoire, quatre armadas
occidentales se sont déployées au large
du Moyen-Orient pour assurer la sécurité
du ravitaillement énergétique des pays
occidentaux en brut arabe, en 1982 au
large de Beyrouth, lors du conflit
libanais, en 1986, le long du golfe
arabo-persique durant le conflit irako
iranien, en 1990-1991, contre l’Irak, de
nouveau en 2003, contre l’Irak.
Depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale, les Etats-Unis ont procédé à
leur déploiement géostratégique selon la
configuration de la carte de l’Amiral
Harrison conçue en 1942 en vue de
prendre en tenaille la totalité du monde
eurasiatique.
En application de la «théorie des
anneaux maritimes», ils ont ainsi
articulé leur présence sur un axe
reposant sur trois positions charnières:
le détroit de Behring, le Golfe
arabo-persique et le détroit de
Gibraltar, en vue de provoquer une
marginalisation totale de l’Afrique, une
marginalisation relative de l’Europe et
à confiner dans un cordon de sécurité un
«périmètre insalubre» constitué par
Moscou-Pekin-Delhi-Islamabad, contenant
la moitié de l’humanité, trois milliards
de personnes, mais aussi la plus forte
densité de misère humaine et la plus
forte concentration de drogue de la
planète (6).
Si la guerre du Golfe en 1990-1991 a
permis aux Américains de prendre pied au
coeur des principaux gisements
pétroliers de la planète, la guerre du
Kosovo en 1999 leur a permis de
s’implanter au coeur de l’Europe
centrale, particulièrement en Albanie,
longtemps considérée comme un bastion de
l’orthodoxie communiste.
Dans le droit fil de leurs objectifs,
la guerre d’Afghanistan devraient leur
permettre, sauf accident, de parachever
leur mission en prenant pied, pour la
première fois de leur histoire, dans le
Caucase, plaçant l’Amérique au coeur du
dispositif énergétique mondial par sa
mainmise sur le Golfe et son contrôle
des voies de ravitaillement du brut
transcaucasien.
Face à ce premier conflit majeur du
XXI me siècle, l’Europe, qui se veut un
des pivots du troisième millénaire,
s’est retrouvée prestement marginalisée
par le duo anglo-américain, discrète
préfiguration de l’«Anglo-sphère»,
l’alliance Wasp (White Anglo-Saxon
Protestant), dont la mise sur pied est
préconisée par les disciples de Samuel
Huntington, l’auteur du «clash des
civilisations», en vue de constituer
sous égide anglo-saxon un directoire des
pays relevant de la civilisation
occidentale, de race blanche (29 pour
cent de la population mondiale) pour la
direction du «monde libre».
La refondation de la doctrine
stratégique de l’OTAN à l’occasion du
50ème anniversaire de l’alliance
atlantique, en mai 1999, par
l’adjonction des anciens pays du bloc
soviétique, est apparue à cet égard
comme un signe précurseur pour les
tenants de cette thèse.
Apportant sa caution militaire et
diplomatique aux Etats-Unis, sous
estimant sa capacité d’influence,
l’Europe apparaît au regard de la
communauté internationale comme
l’appendice de l’Amérique. Au point que
se pose dans toute sa brutalité la
question de savoir si l’Europe a abdiqué
son indépendance pour se résoudre au
rôle de promontoire outre-Atlantique de
l’Amérique, ou alors, renouant avec sa
vocation ancienne de foyer de
civilisation, elle développera sa propre
autonomie face aux Etats-Unis pour en
faire une « île au large des rives de
l’Eurasie », pour reprendre l’expression
du géographe Michel Foucher.
L’OCCIDENT chrétien a pensé purger
son passif avec le judaïsme et lui
témoigner de sa solidarité expiatoire en
créant l’Etat d’Israël en vue de
«normaliser la condition juive
diasporique et l’enraciner dans des
composantes nationales claires», selon
l’expression de l’écrivain israélien
Abraham B.Yehoshua (7). Mais il a dans
le même temps transmuté son contentieux
bimillénaire avec une religion longtemps
considérée par la chrétienté comme
«déicide» en un conflit israélo-arabe et
un conflit islamo judaïque, en négation
avec la symbiose andalouse.
L’Allemagne, responsable du génocide
juif du XX me siècle, la
Grande-Bretagne, auteur de la promesse
Balfour portant création d’un foyer
national juif sur la terre de Palestine,
au coeur de l’espace arabe, à
l’intersection de la rive africaine et
de la rive asiatique du monde arabe,
ainsi que la France par ses massacres
coloniaux massifs en terre d’Islam, sont
appelés à assumer, aux côtés des
Etats-Unis, un rôle à la mesure de leur
responsabilité antérieure dans la
naissance du conflit israélo-arabe et de
l’exacerbation du sentiment
anti-occidental dans le monde
arabo-musulman.
Israël, pour tragique qu’ait été la
souffrance des Juifs du fait des
persécutions le siècle dernier et
éminente leur contribution à la culture
du monde, ne saurait faire l’impasse sur
l’intérêt que portent 1,5 milliards de
Musulmans et 1,2 milliards de Chrétiens
à Jérusalem (8), une cité que le hasard
de l’histoire a vouée à être le Lieu
Saint des trois religions monothéistes,
ni concevoir sa pérennité sur la
spoliation du peuple palestinien.
Sauf à précipiter une nouvelle
fracture Nord-sud ou à attiser un
nouveau «choc des imaginaires» (9),
prélude à un nouveau conflit des
civilisations, l’Occident devra intégrer
ses nouveaux paramètres dans ses
rapports avec le monde non occidental,
tenir compte du fait que le Pakistan,
l’Arabie Saoudite, et au delà,
l’ensemble du monde musulman, malgré
toute leur grande bonne volonté
proaméricaine, sont, quant à eux captifs
de l’héritage d’Oussama Ben Laden, quel
que soit d’ailleurs le sort que le
destin a réservé à leur ancien frère
d’arme, tributaire paradoxalement d’une
part de leur considération à l’un des
vainqueurs de la redoutable armée rouge
dans la guerre d’Afghanistan, dont le
prestige dans le monde arabo-musulman
n’est supplanté que par celui des
nouveaux venus sur la scène
internationale, le Libanais Hassan
Nasrallah, le chef du Hezbollah double
vainqueur d’Israël, l’Irakien Moqtada
Sadr, grand décideur de la vie politique
irakienne, le Hamas palestinien à la
résistivité corrosive face à Israël,
voire même le chef palestinien Yasser
Arafat, dont la résistance opiniâtre
dans son réduit de Ramallah
(Cisjordanie) face aux assauts des
troupes israéliennes du général Ariel
Sharon, a conduit son plus sérieux
concurrent, le roi Abdallah II de
Jordanie, à l’élever au rang de «héros
du Proche-Orient de tous les temps»
(10), propulsé dans une dimension
héroïque à l’égal du mythique
révolutionnaire latino-américain Ernesto
Che Guevara ou du tombeur de l’apartheid
blanc en Afrique du sud Nelson Mandela.
Cinquante trois pour cent de la
population de l’ensemble musulman impute
aux Etats-Unis et à Israël la
responsabilité du «fossé creusé entre le
monde occidental et le monde
arabo-musulman» et juge «arrogante,
provocatrice et partiale» la politique
américaine dans la zone, selon un
sondage de l’Institut Gallup pour le
compte du journal américain «US Today»,
réalisé en décembre 2001 et janvier
2001, auprès d’un échantillon
représentatif de la population de neuf
pays arabes et musulmans (11).
Point de fixation des conflits
latents de l’Islam et de l’Occident, le
conflit israélo-palestinien et d’une
manière générale le passif post-colonial
sera purgé non par la coercition mais
par la coopération des divers
protagonistes d’un contentieux qui a
gangrené tout le XX me siècle pour
déborder d’une manière apocalyptique sur
le nouveau millénaire.
Références
1-«La force noire mobilisée» cf.
«Paris Noir» de Pascal Blanchard,
Eric Deroo et Gilles Manceron,
Editions Hazan, septembre 2001,
ainsi que «Du Bougnoule au
sauvageon, voyage dans l’imaginaire
français René Naba (Harmattan 2002).
2-Cf: Un «creuset de la nation» à
réinventer: L’armée s’ouvre
timidement aux Beurs», Karim Bourtel,
cf Le Monde Diplomatique septembre
2001 ainsi que revue «Islam de
France» N°2-199 -«Appel pour la
création d’un mémorial des musulmans
morts pour la France. «Le Régiment
de marche nord-africain de Paris»
(RMNAP), commandé par le lieutenant
colonel Massebiau, était composé de
400 Algériens, 25O marocains, 250
tunisiens et 300 européens, soit 800
Maghrébins sur 1 100 hommes. Il sera
dissous au sein de la première armée
française à la fin de l’année 1944.
3 -Jusqu’en 1999, la Turquie a
été le troisième pays bénéficiaire
de l’aide militaire américaine après
Israël et l’Egypte. Rien qu’en 1997
l’aide américaine à la Turquie en
guerre contre les autonomistes
Kurdes a dépassé celle que ce pays a
obtenue pendant la totalité de la
période 1950-1983 de la guerre
froide. cf. «Les Etats-Unis entre
hyper puissance et hyper hégémonie,
le terrorisme, l’arme des puissants»
Noam Chomsky-Le Monde Diplomatique
Décembre 2001
4 -«Guerre des ondes/Guerre des
religions, la bataille hertzienne
dans le ciel méditerranéen» par René
Naba (Harmattan 1998)
5- Le «Pacte de Quincy», conclu
au terme de la rencontre en février
1945 sur le croiseur américain
Quincy entre le président américain
Franklin Roosevelt et le Roi Abdel
Aziz Ibn Saoud, fondateur du
royaume, s’articule sur cinq points.
La stabilité de l’Arabie Saoudite
fait partie des “intérêts vitaux”
des Etats-Unis qui assurent, en
contrepartie, la protection
inconditionnelle du Royaume contre
toute menace extérieure éventuelle.
Par extension la stabilité de la
péninsule arabique et le leadership
régional de l’Arabie Saoudite font
aussi partie des «intérêts vitaux»
des Etats-Unis. En contrepartie, le
Royaume garantit l’essentiel de
l’approvisionnement énergétique
américain, la dynastie Ibn Saoud
n’aliénant aucune parcelle de son
territoire, les compagnies
concessionnaires ne seraient que
locataires des terrains. Les autres
points portent sur le partenariat
économique, commercial et financier
saoudo américain ainsi que sur la
non ingérence américaine dans les
questions de politique intérieure
saoudienne. cf.Richard Labévière
«les dollars de la terreur».
6 – «Guerre des ondes.. » R.Naba
op. cité.
7-«la question juive posée au
monde», cf. Libération 29 novembre
2001, ainsi que «pour une normalité
juive»-Edition Liana Lévi 1992.
8- Pour une population de six
milliards de personnes, la
répartition des religions s’établit
comme suit: Musulmans 19,5 pour
cent, Catholiques 18,46 pour cent,
Hindouistes 14,03 pour cent,
protestants 9,14 pour cent,
Bouddhistes 5,87 pour cent,
Orthodoxes 3,25 pour cent, religions
chinoises 2,58 pour cent, Animistes,
1,63 pour cent, Agnostiques 1,49
pour cent, Athées 4,27 pour cent
(Source «peuples du
monde»-Libération samedi 19-dimanche
20 août 2000).
9- L’expression est de
l’islamologue franco-algérien
Mohamad Arkoune, professeur émérite
à La Sorbonne. Conférence à
l’Université de Balamand (Liban)
dans laquelle il plaide pour une
remise en question fondamentale des
perceptions aussi bien du monde
occidental que du monde musulman en
vue de «faire des événements du 11
septembre 2001 un +avènement+».
Journal «l’Orient-le Jour» du 16
avril 2002.
10- «La dimension héroïque de
Yasser Arafat sur les écrans des
télévisions arabes». Cf. dépêche AFP
14 avril 2002 qui reprend la
déclaration du Roi Abdallah II de
Jordanie à la chaîne américaine CNN
faite jeudi 11 avril 2002, après les
entretiens du Monarque Hachémite à
Amman avec le secrétaire d’état
Colin Powell qualifiant Yasser
Arafat de «héros du Moyen-Orient des
tous les temps». La dépêche rapporte
en outre que M. Arafat est
fréquemment qualifié par les
manifestants arabes de «Saladin» en
référence au vainqueur des Croisés,
ou encore à Omar Ibn Khattab, en
référence au deuxième Calife de
l’Islam qui reçut les clés de
Jérusalem.
11- Le sondage de l’Institut
Gallup a été réalisé sur un
échantillon de 9.924 personnes
originaires de 9 pays arabes et
musulmans (Arabie Saoudite,
Jordanie, Koweït, Liban, Maroc,
Pakistan, Turquie, Iran et
Indonésie), représentant la moitié
de la population de l’ensemble
arabo-musulman. Publié le 3 mars
2002 par le journal «Al-Qods A-Arabi»
de Londres, il donne les indications
suivantes: 77 pour cent des sondés
jugent «moralement injustifiables»
les bombardements américains contre
l’Afghanistan, contre 9 pour cent
qui leur trouvent une justification.
53 pour cent jugent la politique
américaine «partiale, provocatrice,
anti-arabe et anti-musulmane» et
considèrent que les Etats-Unis et
Israël sont «responsables du fossé
séparant le monde occidental et le
monde arabo-musulman». En outre, la
majorité des sondés mettent en doute
le fait que les opérations aient été
réalisées par des arabes, 18%
rejettent sur «les cercles
occidentaux» la responsabilité des
attaques du 11 septembre contre les
cités américaines. Les opinions les
plus favorables à l’Amérique ont été
recensées au Liban (41%) et en
Turquie (40 pour cent) suivis du
Koweït (28 pour cent) et de
l’Indonésie (27 pour cent). La
Jordanie et la Maroc à égalité (22
pour cent) arrivent en cinquième
position, suivis de l’Arabie
Saoudite (16 pour cent), de l’Iran
(14 pour cent) et du Pakistan (5
pour cent). 58 pour cent des sondés
ont exprimé des opinions hostiles au
Président George W Bush.
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Les dernières mises à jour
|