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Blog René Naba
Monde
arabe : Le Parti Baas
Monstres sacrés ou sacrés monstres?
Entre le Saladin babylonien et le Bismarck syrien,
une détestation inexpiable
René Naba
Paris le,
4 avril 2008
Le parti Baas (renaissance) arabe et socialiste a été
fondé par une équipe de jeunes nationalistes arabes dirigés par
Michel Aflaq, Zaki al-Arsouzi et Salah eddine Bitar, au cours
d’un congrès qui s’est tenu du 4 au 7 avril 1947 dans un café
de Damas. Il célèbre, en ce mois d’avril 2008, le 61me
anniversaire de sa fondation.
Une occasion de procéder à une rétrospective critique de ce
parti panarabe qui a longtemps gouverné la Syrie et l’Irak par
l’entremise de deux «Monstres sacrés » du Monde arabe: Hafez
al-Assad (Syrie) et Saddam Hussein (Irak), au moment où l’Irak
et le Monde arabe commémore le 5eme anniversaire de la chute de
Bagdad aux mains des Américains.
Surplombant leurs pairs de leur stature, ultimes porteurs de la
revendication nationaliste arabe dans un environnement ballotté
entre la contestation islamique et la mainmise américaine, ils
ont présidé aux destinées de deux pays qu'un implacable conflit
de légitimité sépare, mais dont l'alliance aurait pu
bouleverser les données stratégiques au Moyen-Orient.
Ils....Ce sont deux "Monstres Sacrés" du Monde arabe
à tout le moins dans sa version républicaine. Tous deux ont
structuré les assises de leur pouvoir autour de quatre piliers,
-le clan, la communauté, le parti Baas et l'armée-, tous deux se
sont affirmés de fervents militants du Baas, le parti panarabe
qui professe une idéologie laïque et socialisante. D'extraction
modeste, tous deux ont néanmoins réussi à parvenir au faîte du
pouvoir, quasi simultanément, au crépuscule du Nassérisme, dont
ils ont pris la relève, en cherchant à se substituer à son
leadership. Ce sont leurs seuls points communs. Tout le reste les
sépare et leur querelle a alimenté la chronique politique du
Monde arabe du dernier quart du XX me siècle, alors que la
jonction de leur deux pays aurait assuré la continuité
territoriale d'une zone allant du golfe arabo-persique à La Méditerranée,
scindant le Moyen-Orient en une transversale dont l’effet aurait
brisé la tenaille constituée par l’alliance Israël Turquie,
les deux véritables points d’articulation de la puissance
militaire américaine dans la zone.
L'un, un militaire, général d'aviation de surcroît, n'a cessé
depuis son arrivée au pouvoir, en 1970, de se mouler dans le
personnage civil d'un homme d’état. Le second, militant de
base, procédant à une évolution inverse, a gravi, à la faveur
des incessantes guerres que son pays a livrées successivement à
ses voisins l'Iran et le Koweït, tous les échelons de la hiérarchie
militaire pour atteindre le grade de maréchal. L'un et l'autre
ont dû évincer leur mentor respectif pour accéder au pouvoir.
Le militaire Assad, son mentor civil, Salah Jedid, animateur de
l'aile gauche du parti Baas au pouvoir à Damas, le civil Saddam,
son parrain militaire, le général Ahmad Hassan Al-Bakr, le
"père tranquille" de l'armée irakienne.
L’aîné, Hafez Al-Assad (69 ans), président de la République
arabe syrienne, impassible, impavide, a gouverné son pays, sans
état d’âmes, d'une poigne de fer, pendant un quart de siècle,
30 ans exactement, à l'aide d'un réseau de collaborateurs
pratiquement inamovibles, notamment au niveau de l'armée (Le général
Mustapha Tlass) et de la diplomatie (Abdel Halim Khaddam), les
deux cautions sunnites de son régime. Toute honte bue, l’ancien
proconsul syrien au Liban, Khaddam, sera bani de son pays à la
mort de son chef Assad pour avoir rallié le camp du milliardaire
saoudo-libanais Rafic Hariri.
Le second, dont le prénom en arabe signifie
"cogneur", Saddam Hussein Al-Takriti, avant d’en être
délogé par ses mentors Américains en 2003, a régné sur Bagdad
pendant trente trois ans, d'abord en tant que vice-président
(1969-1979), puis en tant que président, par l'effet d'un
mouvement rotatif qui lui a permis d'évincer, voire d'éliminer
une large fraction de ses collaborateurs aux postes-clés du
gouvernement, à la notable exception de son messager
international Tareq Aziz, la caution chrétienne et laïque du régime.
Cette rage purificatrice n'épargnera d’ailleurs pas sa propre
famille. Son beau-frère, Adnane Khairallah Tolfah, ministre de la
défense, est ainsi passé dans l'histoire irakienne comme l'une
des plus célèbres victimes de la météorologie politique. Un
mystérieux accident d'avion survenu un beau jour d'été,
imputable néanmoins à un défaut de visibilité, mettra
brutalement un terme à la carrière de l'enfant chéri d'une armée
victorieuse de la guerre contre l'Iran. Son gendre, Hussein Kamel,
un roturier nourri dans le sérail, périra également de mort
violente malgré sa contrition pour défection à l’ennemi après
la deuxième guerre du golfe (1995). Pour l’exemple.
Au gré des rebondissements du conflit libanais (1975-1990) et
du processus de paix israélo-arabe, la Syrie et l'Irak seront
alternativement les parangons d'un Front de la Fermeté (Damas) ou
d'un Front de Refus (Bagdad), alternativement courtisés ou rejetés
par les Occidentaux. Bien que menant leur combat au nom de
l’Arabisme, le thème mobilisateur absolu des Arabes pendant les
deux décennies qui ont suivi leur accession à l’Indépendance
en 1945, leur approche sera radicalement différente, et, à l’épreuve
des faits, leur comportement diamétralement opposé, à l’image
de leur personnalité irréductible.
Première séquence (1970-1980) : premier test de
pouvoir:
Dès leur premier test de pouvoir, la guerre civile
jordano-palestinienne, leur trajectoire déviera inexorablement. A
la tête d'un pays qui se veut "le coeur palpitant de
l'arabisme", le Syrien fait face à Israël, l'ennemi commun
des Arabes. Principal pays du champ de bataille anti-israélien
sur le front oriental, Assad forgera donc son pouvoir sur son
identification à la cause palestinienne, dont il se voudra le
porte-parole exclusif. Issu d’une secte mineure de l’Islam,
les «Alaouites» qui a brisé la marginalité politique des
groupements ethnico religieux minoritaires arabes en s’emparant
quatre ans plus tôt d’un des pôles du pouvoir de
l’orthodoxie musulmane et arabe, -Damas -, Hafez Al-Assad se
vivra comme le dépositaire des intérêts supérieurs de la
nation arabe. Homme d’ordre, ce militaire s’appliquera à être
le «garant de l’ordre établi» s’opposant à ce qu’il
considérait comme l’«aventurisme brouillon» de ses premiers
compagnons d’armes et de leurs alliés irakiens. Face à
l’activisme de l’aile gauche de sa formation, la branche
civile du parti Baas, Assad procédera à un «mouvement de
rectification», le 17 novembre 1970, pour évincer le quatuor
responsable, selon lui, de la défaite: le théoricien du parti,
Salah Jedid, le président Nourreddine Atassi, le ministre des
Affaires étrangères Ibrahim Makhos et leur compère Youssef
Zouayen. Par deux fois, en Jordanie en 1970, puis au Liban en
1976-1977, il se heurtera de front à Yasser Arafat, chef de
l’Organisation de libération de la Palestine, préférant
pactiser avec Hussein de Jordanie et le président libanais
Soleimane Frangieh. Il brisera du même coup l’élan de
l’aventure révolutionnaire impulsée par la guérilla
palestinienne dans ses deux pays voisins de la Syrie, et, qui
bordaient, le premier, le flanc occidental, le second, le flanc
oriental de son pays.
En 1970, alors que les blindés syriens sur ordre de la
direction civile du parti Baas, portaient secours aux Fedayin assiégés
à Amman durant les combats du «septembre noir jordanien», le Général
Assad, ministre de la défense, bridait les ailes de son aviation,
laissant libre cours aux bombardiers jordaniens pour décimer les
colonnes de chars syriens dans la plaine de Jerash-Ajloun. Plus
tard, au Liban, obéissant à la même logique, il neutralisera,
-en deux temps, en l'espace de sept mois-, les forces coalisées
palestino progressistes avec la chute du camp palestinien de Tall
El-Zaatar, en Août 1976, et l'assassinat du chef druze
progressiste Kamal Joumblatt, en mars 1977, se posant en rempart
de l’équilibre confessionnel islamo chrétien.
Arrivé au pouvoir six semaines après le décès de Nasser, le
28 septembre 1970, Assad va se préparer méthodiquement à laver
l’affront militaire que lui ont infligé les Israéliens trois
ans plus tôt, alors que titulaire du portefeuille du ministère
de la Défense, son pays perdait le plateau du Golan, en 1967,
lors de la troisième guerre israélo-arabe. Il recherchera pour
cela la «parité stratégique» face à Israël par une alliance
militaire avec l’Union soviétique, s’appliquant à fédérer
autour de la Syrie, la Jordanie, le Liban et les Palestiniens.
Le credo palestinien de la doctrine baasiste connaîtra sa
formulation la plus achevée dans l’intervention du chef de la
diplomatie syrienne lors du Sommet arabe d’Alger (7-10 juin
1988) alors que la guerre irako iranienne touchait à sa fin et
que l’Intifada, le soulèvement palestinien en Cisjordanie Gaza,
lancé six mois plus tôt, remettait au premier plan la question
palestinienne. «L’histoire parle du «Bilad Al Cham» (le pays
de Cham). Depuis l’époque Omeyyade, cette sphère géographique
composée de la Syrie, de la Jordanie, de la Palestine et du
Liban, constitue une seule entité politique dont Damas est le
coeur palpitant. Telle est la vérité historique. Cela a été le
cas jusqu’à ce que l’accord Sykes-Picot, la plus grave
violation historique de la réalité, subdivise l’ensemble du
Bilad Al Cham en divers états. L’accord Sykes-Picot, portant
partage des zones d’influence entre Anglais et Français au
Moyen-Orient, ne peut modifier la réalité. A savoir que la
population de cette zone constitue un seul et même peuple (.) Il
est naturel que l’intérêt que la Syrie porte à la cause
palestinienne soit différent de l’attention que lui portent les
autres états arabes», affirmera, sans ambages, Farouk Al-Chareh
devant ses pairs arabes pour proscrire toute démarche unilatérale
dans la recherche de la recherche de la paix, alors que le chef
palestinien Yasser Arafat plaidait pour une autonomie de la
centrale palestinienne.
Sentinelle avancée du Monde Arabe sur son front oriental,
l'Irakien fait face à l'Iran, fer de lance de l'Islam révolutionnaire
chiite, la religion minoritaire du monde arabe, et son rival héréditaire.
Se vivant comme un militant révolutionnaire, Saddam, issu du
sunnisme, le courant majoritaire de l’Islam dans le monde arabe,
développera une vision unitaire panarabe fondée sur la
restauration du prestige de l’Empire Mésopotamien et
l'autonomie de la puissance de l'Irak, qu'il voulait équidistant
des deux blocs politiques et qui explique sa double alliance
militaire et économique avec l’URSS et la France. Reprochant à
la hiérarchie militaire irakienne sa passivité en Jordanie, il
en tirera argument pour se débarrasser de l’aile droite du
parti Baas et de ses alliés dans l’armée, qu’il suspectait
de connivence avec ses frères d’armes hachémites.
Alors que le contingent irakien tenait sous son contrôle
Mafrak, à la jonction stratégique du carrefour reliant les deux
anciens membres de la «Fédération des Royaumes Hachémites»,
il attendra toutefois la fin des hostilités pour solder ses
comptes et, dans un pays secoué par une demi-douzaine de coup
d’état militaires en dix ans (Abdel Karim Kassem, Abdel Salam
et Abdel Rahman Aref), mettre au pas les militaires, les
soumettant au pouvoir civil sous l’emprise du parti Baas.
L’opération se fera en deux temps: le ministre de l’intérieur,
le général Saleh Mehdi Ammache, et, le ministre de la défense,
le Général Hardan Abdel Ghaffar, seront tous deux promus au rang
de vice-président de la République, avant que l’ancien
ministre de la défense ne périsse dans un attentat au Koweït et
que l’ancien ministre de l’intérieur ne soit mis à l’écart
dans des postes diplomatiques en Europe. A la tête d’un pays
qui dispose de vastes gisements énergétiques, Saddam va
s’appliquer à laver l’affront infligé à son pays par les
compagnies pétrolières occidentales, notamment l’IPC (Iraq
Petroleum Cy), véritable état dans l’état, et, à pacifier
son front intérieur avec, coup sur coup, le règlement de la
question kurde, en Mars 1971, et surtout le règlement du
contentieux frontalier irako iranien, qu'il a négocié lui-même
avec le Chah d'Iran en 1975 à Alger, sous le parrainage du président
algérien Houari Boumediene.
Au milieu de la décennie, les deux dirigeants baasistes sont
au Zénith: Le Syrien est auréolé de la victoire de la Guerre
d’octobre 1973, qui a permis à son pays de récupérer Kunéïtra,
le chef lieu du plateau du Golan, alors que l’Irakien est
investi du prestige amplifié par la nationalisation de l'IPC et
de la politisation de «l’arme du pétrole» durant la guerre
d’Octobre 1973. Assad et Saddam échappent alors au discrédit
qui frappent les autres régimes arabes, à «la crise de légitimité»
consécutive aux défaites militaires face à Israël.
Bien que tous deux soient liés par un partenariat stratégique
avec l’Union soviétique et que Bagdad soit devenue le refuge
des radicaux du monde arabe, notamment du groupe dissident Abou
Nidal, c’est le Syrien, celui qui par son comportement aura donné
à savoir qu’il était le garant de l’ordre établi, celui là
même que les palestino progressistes libanais accuseront de «trahison»
pour son comportement hostile durant les 60 jours de siège du
camp palestinien de Tall el-Zaatar, qui sera, paradoxalement, tenu
à distance par les chancelleries occidentales qui le suspecteront
de vouloir phagocyter le Liban.
L’Irakien sera, lui, promu au rang de partenaire stratégique
des pays occidentaux, notamment de la France qui nouera avec cet
état pétrolier une coopération militaire et même nucléaire,
avec l’ambition d’étendre la francophonie à cette ancienne
chasse gardée britannique. Etape marquante de l’histoire de la
zone, la période qui s’étend de la guerre d’octobre (1973)
au traité de paix égypto-israélien de Washington (1979) entraîne
un bouleversement stratégique des rapports régionaux, marqué
par la marginalisation de l’Union soviétique sur le plan
diplomatique avec le parrainage en solitaire de l’Amérique, en
dehors du cadre du conseil de sécurité de l’ONU, des premiers
arrangements partiels du conflit israélo-arabe, le retrait israélien
du Sinaï égyptien en contrepartie de la neutralisation du plus
grand pays arabe du champ de bataille, ainsi que le retrait de la
ville syrienne de Kuneitra, chef lieu du Golan.
Camp David est apparu rétrospectivement comme la revanche
diplomatique des Etats-Unis de leur défaite militaire du Vietnam,
en 1975.
L’une des conséquences directes de cette déstructuration régionale
aura été la guerre civile au Liban, point de percussion des
turbulences régionales en raison de la fragilité de la
configuration de la structure socio confessionnelle d’un pays
aux multiples allégeances extérieures. Une guerre qui se
modulera au gré des tribulations du processus de paix égypto
israélien, puis ultérieurement, des rebondissements militaires
du conflit irako iranien. Une partie d’échec serrée, qui
conduira le président syrien privé de son allié naturel
l’Egypte, son partenaire de la guerre d’Octobre, à moduler
lui aussi son soutien aux protagonistes de la Guerre du Liban en
fonction des variantes stratégiques de la zone.
Deuxième séquence (1980-1990):
Pendant que Assad s’embourbait dans la gestion de la crise
libanaise, affaibli par la défection de son allié égyptien,
Saddam, les mains libres, les caisses pleines, se hissait au
pinacle de la popularité. Consécration suprême, il accueille à
Bagdad, en 1978, le premier sommet arabe jamais tenu dans son
pays, qui mettra l’Egypte au ban de la Ligue arabe à la suite
du voyage du président Anouar El-Sadate à Jérusalem, en
novembre 1977. L’Irak devient le pivot du front de refus à tout
règlement de paix unilatéral avec Israël, tout naturellement désigné
pour se substituer à l’Egypte et à compenser sa défaillance.
Faisant taire leur rivalité, les deux régimes baasistes
concluent alors un «pacte national», en avril 1979, au lendemain
du Traité de Washington. Ce pacte prévoyait notamment le
renforcement de la coopération militaire avec l’Union soviétique,
principal fournisseur d’armes des deux pays. Il ne tiendra que
six mois tant la suspicion réciproque était grande. Prenant
argument de la découverte d’un complot anti-irakien ourdi,
selon Bagdad, par la Syrie, Saddam se livrera à une purge massive
dans les rangs de ses compagnons d’armes baasistes, dégageant
la voie à son accession à la magistrature suprême par l’éviction
du président Ahmad Hassan Al-Bakr.
Comble de machiavélisme, cette purge télévisée aura
constitué un art consommé de la tartufferie politique: A
l’appel de leur nom, les suppliciés se lèveront et quitteront
les rangs du congrès Baas et se dirigent vers la sortie sous les
larmes de Saddam. Certains de ses plus proches collaborateurs,
tels Abdel Khaleq Al-Sammarai, animateur de l’aile gauche du
Baas, un des jeunes espoirs politiques arabes, sera décapité. Il
passera à trépas secoué d’un flot de larmes en un macabre
spectacle répercuté par la télévision.
Animé d’un sentiment d’invincibilité amplifié par sa
manne pétrolière et les égards occidentaux, Saddam Hussein
prend alors directement les rênes du pouvoir, en septembre 1979,
au seuil d’une décennie qui va embraser le Moyen-Orient, dont
il alimentera régulièrement le brasier par sa guerre des
missiles, puis sa guerre des pétroliers enfin sa guerre chimique.
En pleine phase de contestation islamique, marquée par la
chute de la Monarchie iranienne, en février 1979, et l’assaut
contre la Mecque, en octobre de la même année, ce laïc va se
placer aux avants postes d’un combat visant à faire barrage au
prosélytisme religieux chiite aux accents révolutionnaires, ce
baasiste sunnite va se transformer en protecteur des pétromonarchies
du Golfe, face à son ancien hôte, l’Ayatollah Ruhrort
Khomeiny, réfugié pendant quatorze ans au Lieu Saint chiite de
Nadjaf (sud de Bagdad) et promu guide spirituel de la République
islamique iranienne après un transit de 18 mois en France à
Neauphle-le-Château (région parisienne).
La guerre contre l'Iran lancée le 22 septembre 1980 donne
l'occasion à l'Irak de se doter d'un appareil d’état moderne
et d'une véritable machine de guerre aux capacités militaires et
technologiques sans pareille dans le monde arabe. Mais ce conflit
qui représente la plus longue guerre conventionnelle de l'après
Vietnam va détourner progressivement l'Irak du Liban au moment même
où précisément le président Assad nanti du feu vert israélo
américain et du sceau arabe officialise sa présence militaire
dans ce pays par le biais de la Force Arabe de Dissuasion.
S'opère alors un premier retournement d'alliance par
application du principe de proximité. Partant du principe que
l'ennemi de mon ennemi est mon ami, l'Irak se rapproche des
milices chrétiennes libanaises et de Yasser Arafat. Par un
mouvement symétrique, la Syrie fait ouvertement alliance avec
l'Iran, l'ennemi de l'Irak, au nom de la solidarité révolutionnaire,
dans le double souci d'éviter l’ouverture d’un nouveau front
sur le flanc oriental du monde arabe et d’empêcher que le
conflit irako iranien ne dégénère en guerre raciste
arabo-perse. Au Liban, elle dissociera les milices chiites de
leurs anciens frères d’armes palestiniens et tentera de faire
rendre gorge au chef de l’OLP, qu’elle assiégera à Tripoli
(Nord Liban) avant de le bannir de Damas en 1983 pour crime de lèse-majesté.
Première conséquence de cette rivalité stratégique:
l'invasion israélienne du Liban en 1982 contraint l'armée
syrienne à une retraite sans gloire de Beyrouth, alors que l'armée
irakienne est clouée au sol par une offensive iranienne à la
bataille de khorramchar, en mai 1982. La Syrie est alors mise à
l'index pour son alliance avec les pires ennemis de bloc
occidental, le noyau dur du monde arabo-islamique, non seulement
l'Iran, fer de lance de la Révolution islamique mondiale, mais
aussi l'Algérie, havre des révolutionnaires du tiers monde, et
la Libye, trouble fête de la diplomatie internationale notamment
en Afrique, le pré carré de la France. Que ce soit dans le
Golfe, au Proche-Orient ou en Afrique, le choc est frontal, la
confrontation généralisée. Alors que les troupes iraniennes
enfonçaient les lignes irakiennes dans la bataille de
Khorramchahr, les Frères Musulmans syriens soutenus par
l’Arabie saoudite partaient à l’assaut de la ville de Hama,
nord de la Syrie, entraînant une sévère riposte du pouvoir
baasiste qui noiera dans le sang -10.000 morts selon les chiffres
avancés à l’époque- ce qu’il considérera comme une opération
de diversion face aux préparatifs d’invasion israélienne du
Liban qui interviendra trois mois plus tard.
Simultanément, à l’autre extrémité du champ de bataille,
au Tchad, au moment précis où les Syriens battaient en retraite
face aux Israéliens à Beyrouth, la France infligeait un cuisant
revers militaire et diplomatique à la Libye, l’alliée de la
Syrie, en délogeant de N’Djamena le protégé de Kadhafi, le président
tchadien Goukouni Weddeye pour le remplacer par son ancien
lieutenant Hissene Habré, le geôlier de l’ethnologue française
Françoise Claustre, qu’il détiendra en otage pendant de
nombreux mois. Assad assumera ce revers sans broncher.
Fort du soutien résolu du nouveau et éphémère président
soviétique Youri Andropov, il s’emploiera à opérer sans
retard un retour en force au Liban, s’opposant avec vigueur à
la constitution d’un axe Beyrouth-Le Caire Tel-Aviv.
En 15 mois (10 novembre 1982-9 février 1984), durée du
passage au gouvernement de Youri Andropov, le cours de la guerre
du Liban va basculer. Le traité de paix israélo-libanais de 1983
est aboli avant même d'être ratifié, la force multinationale
occidentale est boutée hors du Liban un an plus tard en 1984 après
de sanglants attentats contre les quartiers généraux français
et américain qui auront fait près de 300 morts, alors que
Beyrouth Ouest tombait le 6 Février 1984 sous le contrôle des
milices prosyriennes. Suprême satisfaction, le président
libanais Amine Gemayel, le négociateur du traité de paix avec
Israël, se rendra un mois plus tard à Damas pour annoncer depuis
la capitale syrienne en mars 1984 l’abolition du pacte avec Israël,
intronisant ainsi la Syrie dans la fonction de verrou arabe du
Liban.
Maître d’oeuvre de la politique occidentale dans les deux
pays voisins de la Syrie, la France en paiera à double titre un
lourd tribut, d’abord en tant que «cobelligérant» aux côtés
de l’Irak dans son conflit avec l’Iran, puis en tant que
parrain du double plan de sauvetage de Yasser Arafat, en 1982
d’abord, au moment du siège de Beyrouth par les Israéliens,
puis en 1983, au moment du siège de Tripoli (nord-Liban) par les
Syriens. Paris, dont l’ambassadeur à Beyrouth Louis Del amarre
avait été assassiné, en 1981, devient à son tour la cible
d’attentats en 1986-1987, pendant que Tripoli et Benghazi, en
Libye, par une riposte oblique occidentale, devenaient la cible de
l’aviation américaine (avril 1986) et que des ressortissants
occidentaux, en représailles au soutien militaire de leur pays à
l’Irak en guerre contre l’Iran, étaient pris en otages au
Liban.
Parmi les victimes illustres de cette guerre de l’ombre, le
nom de trois personnalités est généralement cité sans que
cette hypothèse n’ait jamais été démentie de source française:
Le général Remy Audran, responsable du dossier irakien à la
direction générale de l’armement, George Besse, Président
Directeur Général d’une firme automobile française, mais
surtout ancien responsable de la filière atomique française,
ainsi que Michel Baroin, personnalité du monde maçonnique et des
affaires . Le développement de l'affaire des otages occidentaux
propulse la Syrie au rang de pays incontournable du processus de
paix au Moyen-Orient. De voie de transit entre le Liban et
l'Hinterland arabe, Damas devient la plaque tournante du trafic
diplomatique régional, percevant les dividendes politiques de
toutes les transactions politiques en rapport sur l'affaire des
otages occidentaux. Face à un colonel Kadhafi aléatoire et à un
Ayatollah Khomeiny imprécateur, le président Assad, énigmatique,
intrigue. Craint et respecté, il devient fréquentable. Des
analystes politiques iront même jusqu'à lui conférer la stature
de "Bismarck des Arabes" .
Henry Kissinger qui le rencontra à de longues reprises lors de
la guerre d’octobre 1973, lors des négociations sur l’accord
de désengagement syro israélien, louera l’«extrême
intelligence» de ce «négociateur très dur». Mais, parallèlement,
par souci d'équilibre, l'Irak, avec l'aide massive des
Occidentaux, opérait un retournement de la situation sur le front
militaire à coups de bombardements chimiques parfois, comme à
Hallabjah, dans le Kurdistan irakien, et contraignait l'Iran au
prix de huit années de guerre à cesser les hostilités.
A la tête d'une armée présentée comme étant l’une des
plus puissantes du Moyen-Orient, se considérant comme le
vainqueur d'un Iran trois fois plus peuplé que son pays, Saddam
apparaît alors comme le "Saladin des temps modernes",
protecteur des monarchies pétrolières du Golfe, et, au-delà,
des intérêts de leurs parrains occidentaux. L’homme qui aura
par l’entremise de son protégé, le groupe radical palestinien
Abou Nidal, purgé la scène diplomatique internationale des
premiers artisans du dialogue israélo-palestinien, -Said Hammami,
Ezzeddine Kalaq et Issam Sartawi, respectivement les représentants
de l’OLP à Londres, à Paris et auprès de l’Internationale
socialiste-, celui-là même qui aura donné prétexte à Israël
d’envahir le Liban en mai 1982 à la suite de l’attentat
contre son ambassadeur à Londres, bénéficiera, curieusement,
tout au long de cette séquence, de l’indulgente complaisance
des pays occidentaux et des monarchies arabes.
Fragilisés par la guerre irako iranienne et le soulèvement
palestinien, redoutant par ailleurs un nouveau discrédit, les
dirigeants arabes s’appliquent à sauver la face. Au sommet
arabe d’Amman, en novembre 1987, ils font pression sur les deux
frères ennemis pour sceller leurs retrouvailles faute de pouvoir
surmonter leurs divisions et de réintégrer l’Egypte dans le
giron arabe. A l'apogée de leur puissance, Assad et Saddam, en
vieux routiers de la politique se donnent l'accolade, une fois de
plus, comme lors de la conclusion de leur pacte anti-Sadate de
1979, mais ne baissent pas la garde. Des retrouvailles de
circonstance, nullement une réconciliation, tout au plus une trêve
armée.
Troisième séquence (1990-2000):
Flamboyant, ivre de gloire à la suite de sa victoire contre
l'Iran, le maréchal Saddam lance sans répit son pays à la conquête
du Koweït, deux ans à peine après la fin de la guerre irako
iranienne. C'est le début d'une fournaise qui va carboniser son
armée, puis son peuple enfin son pays, réduisant à néant 20
ans d'investissement massif, infligeant d'excessifs sacrifices
humains, autour trois millions de victimes en deux décennies de
guerre et de blocus, fragilisant durablement le monde arabe,
accentuant sa sujétion. L’effondrement du bloc communiste offre
au président Assad la possibilité de négocier en douceur son
virage proaméricain, sans renier, contrairement à Sadate, ses
amitiés soviétiques.
La Deuxième guerre du Golfe, en 1990, à laquelle il
participera par un détachement symbolique lui permet d’achever
un travail méthodique de 15 ans visant à arrimer le Liban à la
sphère d’influence syrienne, faisant de ce pays voisin son
terrain de manoeuvre privilégié face à Israël. Il s'attire en
prime la gratitude de la communauté internationale pour la
stabilisation du conflit libanais. Le traité de fraternité, de
coopération et de coordination signé le 22 mai 1991 entre Damas
et Beyrouth scelle le sort du Liban à celui de la Syrie. Partisan
d'une riposte oblique de préférence à la confrontation directe,
tacticien hors pair, illustré par un parcours quasi sans faute
sur le plan international, Assad aborde en 1999, la phase la plus
délicate de sa manoeuvre: les négociations de paix avec Israël
dans la perspective de récupérer le Golan.
La maladie, une leucémie doublée d’un diabète et de problèmes
cardiaques, ne lui permettent pas de rééditer ses précédents
exploits diplomatiques réalisés à la faveur de ce que Claude
Cheysson, ancien ministre français des relations extérieures, a
qualifié de «la diplomatie de la vessie», un art consumé de la
négociation qui consistait à retenir son interlocuteur pendant
de longues heures (sept heures en moyenne) dans d’interminables
conversations d’ordre général avant d’aborder le vif du
sujet dans la phase finale de l’entretien au moment où son hôte
se contorsionnant dans des problèmes de rétention urinaire était
pressé de conclure.
Saddam, qui nourrissait de visées stratégiques avec le rétablissement
de l'empire babylonien, a, lui, commis deux erreurs
impardonnables, deux fautes mortelles: la guerre contre l'Iran,
qui a vidé sa trésorerie et l'annexion du Koweït, qui lui a
valu un épouvantable châtiment infligé par une coalition
internationale de 26 pays mobilisés sous la bannière américaine.
L’héritier de Nabuchodonosor a surtout présomptueusement présumé
de ses capacités manoeuvrières face à son ancien partenaire américain.
Placé sous régime de la souveraineté limitée, qui soustrait à
son autorité le Nord kurdophone et le Sud chiite du pays,
limitrophe du Koweït, l'Irak sera en outre soumis à un
implacable embargo international pendant douze ans ans.
A l'instar de son voisin iranien, le laïc baasiste irakien
s’est mû en un islamiste populaire et le premier verset du
Coran orne désormais le drapeau irakien, reflet d'un farouche
instinct de survie. Ce drapeau sera d’ailleurs le seul vestige
du régime baasiste et continue de flotter au vent de l’Irak
sous occupation américaine. Activement courtisé il y a peu par
ses interlocuteurs américains, le Président Assad voit poindre
quant à lui aux deux extrémités de son pays les deux
superpuissances régionales, Israël et la Turquie, deux Etats non
arabes liés par un pacte de coopération militaire, qui enserrent
dans un mouvement de tenaille la Syrie dans un étau.
Face à la montée des périls, les deux hommes opèrent alors
un rapprochement entre leur pays jusqu’à présent en situation
de contiguïté passive en même temps qu’une remise en ordre au
sein de leur propre famille: Les deux fils du président irakien,
Ouddai et Koussai, sont associés au pouvoir, avant de périr
ensemble lors d’un raid américain contre le nord de l’Irak,
en juillet 2003, privant le dictateur d’une descendance mâle.
Un scénario identique s'est produit à Damas. Au nom de la lutte
contre la corruption qui gangrène le pays depuis trois décennies,
le frère cadet du président, Rifaat Al-Assad, après un long
exil d'une dizaine d'années en Europe est déchargé en février
1998 de ses responsabilités de vice-président, son deuxième frère,
Jamil, mis en pas pour fait de prosélytisme mercantilo-religieux,
alors que le fils cadet du chef de l’état syrien, Bachar,
prenant la relève de son aîné, Bassel, décédé
accidentellement, était propulsé sur le devant de la scène
politique en prévision de sa succession à la tête de l’Etat,
instituant ainsi la première dynastie républicaine du Monde
arabe. La résistance opiniâtre affichée par Assad à ce qu’il
considère la mainmise israélo américaine sur la zone a conféré
au Syrien le titre envié de "dernier récalcitrant", le
propulsant -honneur redoutable- au rôle de rempart face à une
reddition généralisée arabe devant leur ennemi héréditaire,
Israël, à la tête d’un pays en piteux état toutefois.
«Le Lion de Damas» s’est éteint le 10 juin 2000 vaincu par
l’âge et la maladie, deux semaines après le repli israélien
du Liban, un dégagement à mettre à son actif. Mais cet exploit
ne lui a toutefois pas permis d’atteindre son objectif stratégique
suprême, la récupération du Golan, son ambition muette, le sens
caché de toutes ses démarches. Assad avait accusé Sadate de
trahison. Il ne pouvait donc accepter moins que son rival égyptien,
la récupération de l’intégralité de son territoire national,
c’est à dire le retour aux frontières du 4 juin 1967. Cela était
devenu sa hantise au point d’hypothéquer, selon des analystes
occidentaux, sa marge de manoeuvre et de devenir son principal
boulet diplomatique.
La Syrie ne savourera toutefois pas longtemps son succès. Si
le dégagement israélien a propulsé le Liban au rang de curseur
diplomatique régional et incité les Palestiniens à relancer
quatre mois plus tard la lutte armée, l’Intifada d’«Al-Aqsa»,
en septembre 2000, la lourde tutelle syrienne sur la souveraineté
libanaise, la prédation de son économie nationale, l’imposant
palmarès morbide --imputé à tort ou à raison aux services
baasistes (deux présidents de la République libanaise assassinés,
Béchir Gemayel et René Mouawad, de même qu’un ancien premier
ministre Rafic Hariri et le chef du parti socialiste Kamal
Joumblatt)-- provoqueront, en retour, à l’incitation des
Etats-Unis et de la France, un refoulement syrien du Liban en
avril 2005 à la suite d’un vaste mouvement de contestation
populaire.
Saddam Hussein Al-Takriti, traité en paria de la communauté
internationale, sera, lui, l’une des principales victimes collatérales
de la «guerre des ressources énergétiques» lancées sous
couvert de guerre contre le terrorisme par George Bush jr à la
suite du raid islamiste contre les Etats-Unis, le 11 septembre
2001.
Le déboulonnage de sa statue sur une place centrale de Bagdad,
le 8 avril 2003, et sa pendaison hideuse au terme d’un simulacre
de procès, passeront dans l’histoire comme le terme ultime
d’une opération de gommage de grande envergure de toute trace
de la coopération souterraine américano baasiste commencée dans
l’allégresse quarante ans plus tôt avec le coup d’état
contre le général Kassem en 1961 soutenue par la CIA et qui
s’est achevée par deux expéditions punitives répétitivement
destructrices lancées par l’Amérique contre l’Irak, la première
menée par George Bush, l’ancien chef de la centrale américaine
du renseignement, la seconde treize ans plus tard par son propre
fils George Bush je, aidé en la circonstance par l’initiateur
de la coopération stratégique irako américaine, Ronald
Rumsfeld, le ministre américain de la défense et ancien émissaire
de Bush père à Bagdad.
A l’aube du XX me siècle, à la veille du découpage de
l’empire ottoman, un diplomate avait plaidé pour la
constitution d’«une Syrie qui ne soit pas un pays étriqué
territorialement (...) avec une large frontière englobant la
Palestine (.) Son territoire comprenant les wilayets de Jérusalem,
Beyrouth, Damas, Alep, la partie du Wilayet d’Adana (Turquie),
avec à l’Est la région minière de Kirkouk (Nord de l’Irak)»
.
La proposition n’émanait pas d’un fougueux doctrinaire
d’un nationalisme arabe exacerbé, ni d’un orientaliste
occidental suspecté de prosélytisme pro arabe, mais d’un homme
d’état éminemment respecté pour son action en faveur de la
paix, un visionnaire qui redoutait les effets de la balkanisation
et anticipait le phénomène de la mondialisation, Aristide
Briand, premier ministre et ministre français des affaires étrangères.
Ses instructions sont consignées dans une lettre en date du 2
novembre 1915 à Georges Picot, alors Consul de France à
Beyrouth, à la veille précisément des négociations
Sykes-Picot, sur le partage du Proche-Orient en zone d’influence
anglaise et française. La question peut paraître sacrilège mais
mérite quand même d’être posée: Ce qui valait alors pour la
France, ne vaut-il pas aujourd’hui pour les Arabes, alors que
l’Irak est en voie de décomposition, la Syrie, à bout de
souffle, le Liban exsangue de trente ans de fureurs et la Jordanie
et l’Egypte au bord de l’apoplexie économique?
Capitales des deux premiers empires arabes, la rivalité de
Damas et Bagdad remonte aux premiers temps de l'Islam. A l’époque
des Omeyyades, Damas a été la capitale du premier Empire arabe,
avant d'être supplantée par Bagdad du temps des Abbassides. Tous
les deux, Damas et Bagdad, ont finalement succombé devant
Constantinople et la Sublime porte de l’empire Ottoman. Se sont
ensuivis des siècles de sujétion.
Au seuil du XXI me siècle, l’histoire serait-elle entrain de
se répéter ? L’Irak ploie sous le joug américain avec à sa tête
un président d’origine kurde, alors que la Syrie est la cible
d'une nouvelle manoeuvre d’étranglement consécutive à
l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic
Hariri, le 14 février 2005, dont elle a été rendue responsable,
la contraignant à son tour à une retraite sans gloire du Liban.,
comme auparavant Israël, les Palestiniens, la France et les
Etats-Unis.
La première puissance planétaire de tous les temps, boutée
hors du Liban en 1984, se retrouve dix ans plus tard enlisée
cette fois en Irak, en situation de choc frontal avec ses anciens
alliés du combat anti-soviétique, en butte à une nouvelle
guerre d’usure, affligée des stigmates d’Abou Ghraib (Irak)
et de Guantanamo (Cuba), «le goulag contemporain», un crédit
diplomatique et militaire compromis de même que sa posture morale
avec le pillage du Musée de Bagdad, les tortures dans les camps
de prisonniers, les mensonges sur les armes de destruction massive
et l’espionnage du siège du Secrétaire général des Nations
Unies.
Ce qui vaut pour les Occidentaux notamment la construction des
grands ensembles régionaux et leur indépendance énergétique ne
vaut assurément pas pour les Arabes, du moins en cette phase de
leur histoire, à tout le moins dans l’optique occidentale.
Telle pourrait être l’un des enseignements majeurs de cette séquence
dont la principale victime aura été, au delà des ingérences
occidentales, la «Renaissance» (Al-Baas) du Monde arabe,
grandiose projet qui se retrouve au terme d’une détestation
inexpiable de trente ans entre ses promoteurs contemporains, le
Saladin babylonien et le Bismarck syrien, en état de lambeaux, en
voie d’éradication.
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Publié le 7 avril 2008 avec l'aimable autorisation de René Naba
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