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RIA Novosti
Mahmoud
Ahmadinejad dans une Amérique latine de plus en plus à gauche
Piotr Romanov
L'antiaméricanisme rapproche. Le président iranien Mahmoud
Ahmadinejad s'est rendu pour la deuxième fois depuis quatre mois
dans une Amérique latine largement dominée par la gauche. La
première fois, il avait participé à la conférence des pays
non-alignés de La Havane. Les Cubains lui avaient réservé un
accueil des plus chaleureux, même s'il n'avait pas été reçu
par Fidel Castro, le patriarche de la lutte contre l'impérialisme
américain, aujourd'hui gravement malade.
Cette fois, il a rendu sa première visite à Hugo Chavez, le
nouveau leader énergique des radicaux latino-américains. Si le
premier est un fondamentaliste musulman, alors que le second,
encore enfant, rêvait de devenir prêtre catholique, cela ne nuit
absolument pas à leur amitié. En effet, les deux hommes ne
suivent pas le même chemin: pour Mahmoud Ahmadinejad, il n'y a
rien de plus important que l'islam et son triomphe mondial; le
grand rêve de Hugo Chavez, du moins comme il le prétend, est le
socialisme. Mais il n'est de meilleur ciment que Washington, leur
ennemi commun.
MM. Ahmadinejad et Chavez se sont retrouvés non seulement pour
le protocole, mais aussi pour aborder des choses bien précises.
Les Américains appliquent déjà la résolution du Conseil de sécurité
de l'ONU sur l'Iran. En suivant moins la lettre que l'esprit - très
antiiranien - de la résolution - n'est-ce pas la raison pour
laquelle la Maison Blanche avait soutenu ce texte anodin -, les Américains
se sont empressés de geler les actifs de la banque publique
iranienne Sepah aussi bien aux Etats-Unis qu'en Grande-Bretagne où
fonctionnait une filiale de cette banque, ce qui a causé beaucoup
d'ennuis au régime de Téhéran.
Le pétrole est l'unique arme efficace dont disposent l'Iran et
le Venezuela sur le front économique, mais son prix est depuis
peu en chute libre, une baisse inopportune qui n'affecte pas
seulement les budgets des deux pays. Hugo Chavez caresse depuis
longtemps l'idée, qui convient tout à fait à Téhéran, de créer
une sorte de fonds international d'assistance aux pays pauvres en
confrontation directe avec l'impérialisme américain. Autrement
dit, il s'agit de créer un nouveau front antiimpérialiste sous
l'égide de Caracas et de Téhéran. Mais ce front a besoin
d'argent, de beaucoup d'argent.
Le Venezuela et l'Iran ont convenu d'agir en commun dans le
cadre de l'OPEP et au-delà en poussant les autres pays
producteurs à réduire la production de pétrole pour augmenter
les prix des hydrocarbures et vider les poches de l'impérialisme
américain. Cette première grande mesure de rétorsion commune
n'est pas aussi utopique qu'elle paraît, car une baisse des prix
du pétrole n'est dans l'intérêt d'aucun pays producteur quelle
que soit son attitude à l'égard de la politique américaine.
Le nouveau fonds international d'assistance aux antiaméricanistes
servira, en partie, à soutenir les pays les plus pauvres d'Amérique
latine. Ce n'est pas un hasard si Mahmoud Ahmadinejad a fait sa
deuxième escale au Nicaragua où Daniel Ortega, antiaméricaniste
chevronné, venait d'entrer en fonction. Pendant la période électorale,
ce dernier avait pourtant paru plus souple et plus pragmatique,
mais on voit bien qu'il choisit toujours ses amis en fonction de
leur orientation politique.
"Aujourd'hui, nous ne sommes plus solitaires. L'Iran, le
Nicaragua, le Venezuela et d'autres pays révolutionnaires sont
ensemble, et c'est ensemble que nous résisterons à la
menace", a déclaré Mahmoud Ahmadinejad dans une allocution
prononcée à Managua. "L'éradication de la pauvreté n'est
pas dans l'intérêt de l'impérialisme mondial, a ajouté le
leader iranien. C'est pourquoi nous devons nous aider nous-mêmes."
Et il ne s'est pas empêché de proclamer ses slogans
traditionnels: "Mort à l'impérialisme mondial!"
MM. Ortega et Ahmadinejad sont finalement tombés d'accord sur
plusieurs points. D'abord, ils ont convenu de rouvrir les missions
diplomatiques réciproques, fermées dans les années 1990 en
raison de la crise dans les relations bilatérales. Ensuite,
l'Iran projette de réaliser une série de projets au Nicaragua,
dont la construction de logements pour des pauvres et d'une usine
automobile orientée essentiellement sur la fabrication d'autobus
afin de couvrir les besoins du pays en moyens de transports.
Pourtant, malgré toute la rhétorique sur la lutte contre la
pauvreté, l'Iran n'a pas annulé la dette nicaraguayenne qui s'élève
à seulement 152 millions de dollars.
Or, dit-on, Daniel Ortega le lui avait demandé. La seule
explication qui s'impose: Téhéran a voulu se réserver un levier
lui permettant de rabrouer son nouvel ami le cas échéant. C'est
sans doute la raison pour laquelle M. Ortega a fait preuve de
davantage de retenue dans sa rhétorique antiaméricaine. Après
une plaisanterie au sujet d'un "complot tramé contre la
pauvreté, la misère et le chômage", il a offert à son
homologue iranien une médaille avec en effigie Augusto Sandino,
le "général des hommes libres", avant de complimenter
l'Iran qu'il a qualifié de "puissance morale".
Difficile de juger de la sincérité de Daniel Ortega, car c'est
tout de même un homme politique expérimenté, beaucoup plus que
Hugo Chavez ou Mahmoud Ahmadinejad.
Le dirigeant iranien a achevé sa tournée en rencontrant son
homologue équatorien Rafael Correa, un néophyte en politique. A
la cérémonie d'inauguration, M. Ahmadinejad a retrouvé les
Cubains, Hugo Chavez et Daniel Ortega, ses précieux alliés,
ainsi que plusieurs autres membres potentiels du "club des
amis des Etats-Unis".
© 2005 RIA
Novosti
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