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RIA Novosti
Nucléaire
iranien : Téhéran durcit ses positions
Piotr Gontcharov
Photo RIA Novosti
23 octobre 2007
Téhéran durcit ses positions dans son dialogue avec le
Conseil de sécurité de l'ONU sur le programme nucléaire
iranien. La démission du secrétaire du Conseil suprême de sécurité
nationale de la République islamique, Ali Larijani, principal négociateur
avec le monde extérieur sur ce problème, ne peut être considérée
que dans cette optique.
Un proverbe dit: on ne change pas de cheval au milieu du gué.
Cependant, en l'occurrence, le régime iranien change carrément
de gué, c'est-à-dire de politique. Un tournant se produit
actuellement dans la situation politique de l'Iran. La vieille élite
- les ayatollahs avec à leur tête Ali Khamenei, leader spirituel
de l'Iran - cède graduellement ses positions aux néoconservateurs,
"deuxième vague de révolutionnaires islamiques".
L'actuel président Mahmoud Ahmadinejad est le leader désigné de
ce courant, appelé à empêcher la libéralisation des critères
islamiques dans les domaines social, politique et économique du
pays.
La victoire remportée par Mahmoud Ahmadinejad à l'élection
présidentielle d'août 2005 avait été assurée par les
ayatollahs, qui contrôlent toutes sortes de fondations islamiques
qui sont les organisations sociales les plus riches et, par conséquent,
les plus puissantes dans le pays. N'ayant pas de programme économique
et social concret, les cléricaux avaient préconisé, comme cela
arrive dans ce genre de cas, l'édification d'une "société
islamique de justice sociale" sur la base des réalisations
de la révolution islamique de 1979. En réalité, le populisme
non dissimulé des ayatollahs a donné lieu à de nombreux problèmes
économiques et sociaux.
Dès mai 2006, d'éminents économistes iraniens avaient prévenu
le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad que la situation économique
se dégradait considérablement dans le pays. L'inflation et le chômage,
ainsi que la crise qui s'est ébauchée dans les secteurs pétrolier
et gazier du pays sont aujourd'hui les problèmes les plus
douloureux de l'Iran. On peut se représenter les conséquences de
cette crise en tenant compte de la réduction des recettes
provenant de la vente de pétrole, qui est, selon les estimations
des spécialistes, de 10 à 12% par an, alors que ces recettes
représentent 80% du revenu total des exportations et assurent la
moitié du budget de l'Etat. Si cette tendance persiste, alors,
d'ici à 2015, les recettes tirées de l'exportation de pétrole
seront nulles. Le secteur pétrogazier de l'Iran a besoin, plus
qu'aucun autre, d'investissements étrangers, mais, à cause de la
politique appliquée par l'administration Ahmadinejad, Téhéran
ne peut pas compter sur eux. Quelle est la solution?
Dans ce genre de cas, la solution est toujours la même:
consolidation de la nation autour de la démagogie populiste, ou
bien changement de politique ou de régime. L'administration
iranienne actuelle penche pour le premier scénario. Mais Ali
Larijani s'inscrivait mal dans ce scénario. Au cours de ses
rencontres avec les Six et le directeur de l'AIEA Mohamed
ElBaradei consacrées au programme nucléaire iranien, il avait
constamment essayé d'atténuer les déclarations musclées du président
Mahmoud Ahmadinejad et de l'ayatollah Khamenei.
Le fait que cette démission soit intervenue littéralement à
la veille de la rencontre entre Ali Larijani et le Haut représentant
de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune
Javier Solana est également symptomatique. Il est notoire que M.
Solana, réputé pour être un diplomate sachant trouver des
solutions à des situations, semble-t-il, inextricables, se
montrait bienveillant à l'égard d'Ali Larijani.
La démission de ce dernier est déjà la deuxième cette année
(bien entendu, par ordre de succession, et pas par son
importance). Début septembre, le commandant du Corps des gardiens
de la révolution islamique, homme dévoué à l'ayatollah
Khamenei, leader suprême de la République islamique, avait été
remplacé par un fidèle du président iranien Mahmoud Ahmadinejad,
deuxième personnage de la hiérarchie iranienne. C'est un fait
qui en dit long. Les démissions de ce genre ne s'expliquent pas
par des "raisons personnelles", comme Téhéran essaie
de le faire croire dans le cas d'Ali Larijani. Elles témoignent
ou bien d'un changement de la politique de l'administration, ou
bien de son durcissement.
Le président Ahmadinejad a probablement reçu la bénédiction
du leader suprême non seulement pour le durcissement de la
politique de l'Iran visant à créer ses propres technologies
d'enrichissement de l'uranium, mais aussi pour la poursuite de la
politique de l'administration actuelle dans son ensemble, aussi
bien à l'intérieur du pays que sur le plan international.
En principe, il n'y a là rien d'étonnant. Dans
l'establishment politique iranien, le problème du
"successeur" existe également, et, de l'avis de
nombreux experts, il est même très présent en ce moment.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA
Novosti
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