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RIA Novosti
Iran: un ultimatum à la place des sanctions
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Piotr Gontcharov

Photo RIA Novosti
2 octobre 2008 La nouvelle résolution, "sans sanctions", du
Conseil de sécurité de l'ONU concernant l'Iran a provoqué à
Téhéran une colère encore plus grande que toutes les autres
résolutions précédentes réunies, qui prévoyaient pourtant,
elles, des sanctions. Et cela, malgré le fait que cette
résolution, à la différence des précédentes, ait été adoptée à
l'unanimité. Si la représentation permanente de la République
Islamique auprès de l'ONU qualifie dans sa déclaration cette
résolution de "déplacée et non constructive", le président du
parlement iranien, Ali Larijani, a été extrêmement franc: "La
position de l'AIEA vis-à-vis de l'Iran et le comportement
perfide des "Six" réduisent le rôle du processus de négociations
et, concernant ce divertissement politique (les négociations),
il faudra prendre d'autres décisions." Pourtant, cette nouvelle
résolution, la 1835e, est appelée précisément, selon ses
principaux auteurs, à "donner un nouveau souffle" au processus
de négociations, interrompu en son temps par la partie
iranienne.
Ali Larijani n'est pas un débutant en matière de nucléaire
iranien. L'ancien secrétaire du Conseil suprême de sécurité
nationale de la République Islamique et ancien responsable des
pourparlers, il connaît tout, mieux que quiconque, de l'histoire
du "processus des négociations" de l'Iran avec la "grande troïka
européenne" (France, Allemagne, Royaume-Uni).
En quoi Téhéran a-t-il pu être contrarié par cette nouvelle
résolution, pourtant dénuée de ces sanctions contre lesquelles
l'Iran s'est toujours catégoriquement prononcé, et qui vise à
poursuivre les négociations? Peut-être est-ce parce que cette
résolution du Conseil de sécurité de l'ONU appelle l'Iran à
appliquer "pleinement et sans retard" toutes les dispositions
des résolutions concernant son programme nucléaire, ainsi que
les injonctions du Conseil des gouverneurs de l'AIEA?
C'est très probable. Cet "appel pacifique" s'apparente, dans
son esprit, à un ultimatum: "appliquer pleinement et sans
retard". Et, c'est là l'essentiel, il réduit on ne peut plus la
marge de manoeuvre de l'Iran. Téhéran, à proprement parler, ne
peut désormais plus rien revendiquer. Sinon remettre en question
la légitimité de toutes les résolutions précédentes, lui
intimant d'arrêter l'enrichissement de l'uranium comme condition
de la reprise des négociations? Ou bien la compétence des
inspecteurs de l'AIEA, qui exigent de l'Iran qu'il présente des
documents complémentaires et signe le Protocole additionnel leur
donnant la possibilité de procéder à des inspections inopinées
de ses sites nucléaires? Mais une telle position lui serait à
l'évidence néfaste et ne trouverait pas de soutien au sein du
Conseil de sécurité de l'ONU, quels que soient les arguments que
Téhéran pourrait faire valoir en sa faveur.
Il existe un autre élément très intéressant. Cet "appel
pacifique", en fait, réduit aussi sensiblement la marge de
manoeuvre de la Russie, qui a toujours trouvé des raisons de
supprimer les sanctions contre l'Iran, tout du moins de les
atténuer sensiblement. Bien que ce projet de résolution ait été
proposé globalement par les "Six" (Russie, Etats-Unis, Chine,
France, Allemagne, Royaume-Uni), il n'en demeure pas moins que
la Russie y a joué un rôle particulier.
La délégation russe à l'Assemblée générale, on le sait, s'est
prononcée contre une rencontre des "Six", au cours de laquelle
il était prévu de discuter de l'introduction de nouvelles
sanctions contre l'Iran. Et cela, au moment où, pour de nombreux
observateurs, les travaux nucléaires iraniens étaient l'un des
principaux thèmes de la 63e session de l'Assemblée générale de
l'ONU. Moscou a alors expliqué très simplement sa décision: il
n'est pas nécessaire de se rencontrer rapidement, la situation
pouvant être réglée par la voie diplomatique. Mais désormais la
Russie se retrouve dans la position du pays à l'initiative
duquel le projet de résolution 1835, "sans sanctions" a été
soumis au Conseil de sécurité de l'ONU. En d'autres termes, la
Russie a également pour mission d'être la garante de
l'application de ce texte.
La résolution ne prévoit effectivement pas de nouvelles
sanctions contre l'Iran. Mais, d'un autre côté, il ne fait aucun
doute que Téhéran va ignorer cette résolution. Il l'a du reste
déjà fait savoir. Par conséquent, une fois que se sera écoulé le
délai octroyé par le Conseil de sécurité de l'ONU à l'Iran pour
réfléchir à "l'ultimatum mou" qui lui est imposé, Téhéran, comme
toujours, n'aura pas modifié d'un iota sa position concernant
l'enrichissement de l'uranium. Que restera-t-il alors à faire au
groupe des "Six" en coopération avec le Conseil de sécurité de
l'ONU? Adopter une nouvelle résolution, appelant l'Iran à
exécuter les demandes précédentes?
Non, bien sûr. Les prochaines initiatives des "Six", à
l'exception, peut-être, de la Russie, sont assez prévisibles.
Selon le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, quelques
semaines avant l'Assemblée générale de l'ONU, les partenaires de
la Russie au sein des "Six" s'étaient prononcés pour l'adoption,
lors de "la semaine ministérielle de l'Assemblée générale",
d'une nouvelle résolution sur l'Iran assortie de "sanctions très
dures". Dures au point d'ouvrir la voie à un blocus économique.
C'est la raison pour laquelle il est fort probable que, d'ici
un certain temps, les "Six" reviennent à leur projet initial
consistant à adopter une résolution comportant "des sanctions
très dures et conduisant au blocus économique de l'Iran". Et la
Russie ne pourra alors plus rien opposer à ce projet, compte
tenu de son argumentation limitée, qui diminue comme peau de
chagrin avec chaque nouvelle résolution du Conseil de sécurité
de l'ONU.
Moscou ne pourra pas compter sur l'aide de l'Iran. Téhéran a
déjà sévèrement fait connaître sa position et n'est pas loin de
condamner la Russie, concrètement, pour son initiative. Comme
l'a déclaré Kazem Jalali, le porte-parole de la commission du
parlement iranien chargée de la sécurité nationale et de la
politique extérieure, la participation de la Russie dans
l'approbation de cette résolution est une initiative
destructrice, susceptible de provoquer "une certaine réaction"
(comprendre: une réaction anti-russe) au sein de la société
iranienne.
L'intervention du Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a
été encore plus inattendue. Lors d'une conférence de presse à
New York, Ahmadinejad a une nouvelle fois évoqué le problème des
livraisons de combustible nucléaire à Téhéran. L'Iran, a-t-il
annoncé, pourra à nouveau "compter sur les pays" qui ont promis
de lui livrer du combustible pour ses sites nucléaires en
construction. D'où la nécessité pour Téhéran de créer son propre
système de centrifugeuses - alors même que c'est autour de la
création de ce système que tourne l'ensemble de la problématique
iranienne, et avec elle toutes les résolutions de l'ONU, etc.
Un autre point, enfin, non dépourvu d'intérêt. En quel
fournisseur de combustible nucléaire Téhéran n'a-t-il pas
confiance, sachant que la Russie est aujourd'hui son seul
fournisseur?
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2008 RIA
Novosti
Publié le 3 octobre 2008
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