RIA Novosti
ABM,
FCE, uranium, banques: les ressorts cachés de la rencontre
Lavrov-Ahmadinejad
Piotr Gontcharov

Photo RIA Novosti
1er novembre 2007
Il paraît évident que Moscou tente d'apporter des corrections
à la politique nucléaire de l'Iran correspondant aux exigences
de ses principaux opposants, les Etats-Unis et l'UE: soit un choix
à faire entre l'abandon de l'enrichissement de l'uranium ou des
sanctions.
La Russie se prononce contre les sanctions unilatérales à
l'encontre de Téhéran et préconise toujours le règlement
collectif du problème, a déclaré le ministre russe des Affaires
étrangères Sergueï Lavrov après sa rencontre avec le président
Mahmoud Ahmadinejad. Cette phrase souvent réitérée recèle un détail
substantiel: à la différence de Téhéran, Moscou ne nie pas
l'existence du problème nucléaire iranien et parle de la nécessité
de le régler. Il est vrai, cela ne change rien au scénario
collectif prévu, car ce scénario adopté par la Russie, entre
autres, prévoit le durcissement des sanctions contre l'Iran par
le Conseil de sécurité de l'ONU s'il refuse de mettre un terme
à l'enrichissement de l'uranium.
Sergueï Lavrov a probablement dû expliquer à Mahmoud
Ahmadinejad cette vérité première au cours de sa visite éclair
à Téhéran: si l'Iran ne cesse pas d'enrichir de l'uranium avant
fin novembre comme l'exige le Conseil de sécurité, Moscou n'aura
plus de fondements pour le défendre. L'inévitabilité des
sanctions qui suivront dans le cas contraire (si l'Iran refuse de
remplir les exigences de l'ONU) a été mentionnée ces jours-ci
par Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour
la politique étrangère et de sécurité commune. C'est M. Solana
et le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie
atomique (AIEA) Mohamed ElBaradei qui ont été chargés de préparer
d'ici le 15 novembre un rapport sur le programme nucléaire
iranien. A en juger par ses déclarations Javier Solana sera cette
fois intransigeant.
La visite de Sergueï Lavrov en Iran n'était dès le début
pas conforme aux normes habituelles du fait qu'elle n'était pas
prévue. Les cas de force majeure doivent avoir des raisons
valables. Dans ce cas, il s'agissait probablement des nouvelles
sanctions unilatérales prises par les Etats-Unis à l'égard de
l'Iran, plus précisément contre les unités d'élite du Corps
des gardiens de la révolution et la force Qods (force spéciale),
ainsi que contre trois banques d'Etat iraniennes et leurs filiales
se trouvant en dehors du pays. Les sanctions concernent également
la filiale Bank Melli à Moscou qui assure les paiements pour tout
le matériel de guerre russe fourni à l'Iran (il s'agit de 29
systèmes de missiles de DCA Tor-M1 pour un total de 700 millions
de dollars).
Mais il y a des thèmes plus intéressants.
Le sous-secrétaire d'Etat américain Daniel Fried a récemment
déclaré que les Etats-Unis tireraient certainement les
conclusions qui s'imposent sur le déploiement du bouclier
antimissile (ABM) américain en Europe si l'Iran mettait un terme
à tous les types de travaux d'enrichissement de l'uranium et s'il
commençait à coopérer avec la communauté internationale.
Inutile de préciser qu'il s'agissait d'un arrangement proposé
par la Maison Blanche au Kremlin. En effet, cette proposition séduisante
a presque coïncidé avec la visite de Vladimir Poutine à Téhéran.
La Maison Blanche estime que Moscou a des possibilités - surtout
après cette visite - d'influer sur certains aspects de la
politique étrangère iranienne. Pourquoi, dans ce cas, ne pas lui
proposer de persuader les ayatollahs iraniens de renoncer à
l'enrichissement de l'uranium et de changer de ton à l'égard de
l'Occident?
Enfin, The International Herald Tribune a fait savoir, en se référant
à des sources diplomatiques américaines, que les Etats-Unis étaient
prêts à faire des concessions sur le FCE (Traité sur les forces
conventionnelles en Europe) en échange de l'assouplissement de la
position de Moscou sur le Kosovo et du durcissement de sa
politique à l'égard de l'Iran.
La perspective de concessions (sur le bouclier antimissile et
le FCE) a probablement poussé Moscou à essayer de persuader Téhéran
de décréter un moratoire sur tous ses travaux d'enrichissement
de l'uranium. Mais que peut bien promettre la Russie en échange?
Il est peu probable que la volonté de Washington de se mettre à
la table des négociations avec l'Iran ou bien même de rétablir
des contacts bilatéraux directs suffise pour attirer l'attention
de Téhéran.
Il s'agit probablement d'autre chose. Téhéran affirme depuis
longtemps qu'il est un "allié stratégique" de la
Russie. Pourquoi ne pas mettre à profit ces rapports de
partenariat? Moscou pourrait être garant du caractère pacifique
du programme nucléaire iranien en échange du refus des
Etats-Unis de lancer des actions militaires éventuelles à
l'encontre de l'Iran. Certes, la Russie a des propositions à
faire à l'Iran et à en juger par l'accueil réservé à Sergueï
Lavrov dans la capitale iranienne, ces propositions intéressent réellement
Téhéran.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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