Opinion
UE-Hezbollah: à
terroriste, terroriste et demi
Pierre Vaudan

Mardi 30 juillet 2013
25/07/2013 Ainsi donc, les
ministres des affaires étrangères de
l’UE ont finalement cédé aux pressions
de Washington et Tel-Aviv en inscrivant
la branche armée du Hezbollah libanais
sur la liste des organisations
terroristes. Trafic normal dirons-nous,
dès lors qu’au moindre claquement de
doigt étasunien, notre bel Europe
n’hésite pas à fermer son espace aérien
à des Présidents. Bien sûr, concernant
la mesure frappant le Hezbollah, on peut
immédiatement tirer la chasse sur les
raisons officielles invoquées qui ne
sont que bouillie pour les chats et les
rampants de la presse-Système. Cette
décision s’inscrit en fait dans le cadre
de la guerre que mène le Bloc atlantiste
contre le dernier axe de résistance à sa
domination au Moyen-Orient, axe qui
regroupe l’Iran, le Hezbollah, la Syrie
et le Hamas palestinien.
Les faux-nez d’une guerre de conquête
Pour mémoire, rappelons que l’option
haute de la guerre atlantiste au
Moyen-Orient vise à asseoir
définitivement la domination du Bloc sur
la région et ses ressources ; l’option
basse étant de créer un chaos permanent
aux frontières des zones d’influences
russes et chinoises, pour encombrer
«l’ennemi véritable».
Rappelons aussi que c’est la fable du 11
Septembre qui a permis le déclenchement
de la guerre perpétuelle contre le
terrorisme, elle-même devenue le
faux-nez d’une simple guerre de conquête
menée sur plusieurs fronts à la fois. On
a fait définitivement éclater l’Irak ;
on a occupé l’Afghanistan et
accessoirement pris le contrôle du
Pakistan ; puis on a fait imploser la
Lybie.
Concernant l’axe de résistance
Iran-Syrie-Hezbollah-Hamas qui est au
cœur de notre sujet, la stratégie du
Bloc a toujours été d’isoler l’Iran, sa
cible la plus compliquée à «traiter»
comme ils disent au Pentagone. Pour ce
faire, Washington a commandité à Israël
une première guerre ratée contre le
Hezbollah libanais en 2006 et, face à
l’échec de cette tentative, les
stratèges atlantistes ont ensuite décidé
de faire exploser la Syrie avec le
faux-nez du «Printemps arabe» cette
fois. Il s’agit désormais de tuer
l’allié régional de Téhéran mais aussi,
et peut-être même surtout, de couper les
vivres au Hezbollah dont une partie de
l’armement transite bien évidemment par
la Syrie.
Car il se trouve que le Hezbollah s’est
révélé être une pièce maîtresse, et
peut-être même la pièce de résistance,
c’est le cas de dire, de l’axe de
résistance régional.
De Salah al-Din à Nasrallah
C’est que le Hezbollah a gagné ses
galons et lettres de noblesse ces
dernières années. Il a rendu sa fierté
aux Libanais d’abord, mais aussi aux
arabes plus généralement, en chassant en
2000 les coupe-jarrets israéliens du
Liban-Sud qu’ils occupaient depuis 20
ans. Et cela sans condition ni Traité.
Sous nos contrées étouffées par la
pensée unique et la propagande molle, il
est difficile d’imaginer l’impact
fantastique de cette divine victoire
dans le cœur des arabes. A l’instant
précis où les Israéliens ont été
chassés, Hassan Nasrallah représentait
alors pour les arabes, tous les arabes,
une sorte de Salah al-Din réincarné. Il
leur avait rendu leur dignité.
Puis ce fut la guerre de 2006 et la
raclée infligée à l’une des plus
puissantes armées du monde par quelques
milliers de combattants retranchés dans
des tunnels. A ce moment-là, l’entité
sioniste a pourtant engagé l’équivalent
de l’armée de terre et de l’armée de
l’air françaises réunies dans son
assaut. Un véritable pont aérien a aussi
été organisé par les Etats-Unis pour
fournir de quoi inonder toute la région
sous les bombes.
Tout y est passé : des bombes à guidage
laser aux vieux stocks de bombes à sous
munitions datant de la guerre du
Vietnam.
Rien n’y a fait. L’expertise et
l’héroïsme des combattants du Hezbollah
ont permis au Liban de préserver son
intégrité et de repousser l’agresseur.
Au final, la guerre a coûté 6 milliards
de dollars à l’entité sioniste, 120
hommes, des dizaines de chars et,
surtout, cette cuisante défaite a
signifié la fin du mythe de son
invincibilité. C’est beaucoup. C’est
énorme.
Malgré la souffrance endurée par le pays
tout entier ; malgré les morts, les
blessés et la dévastation, la victoire
militaire du Hezbollah a été totale. Et
là encore, les chants et la fierté ont
enflammé la rue arabe d’une clameur que
l’on pensait oubliée.
C’est aussi à ce moment-là que
l’Occident a véritablement découvert
Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah,
l’homme à abattre désormais.
L’homme jouit d’une popularité de star
du rock. Il est d’une honnêteté sans
tache et sa parole n’a jamais été prise
en défaut. C’est un homme dont la
vivacité d’esprit n’a d’égale que la
hauteur d’âme, et ses qualités de
commandant le disputent à ses
compétences de stratège militaire.
Hassan Nasrallah est un chef politique
complet, frontal, évident, intimidant
même, face auquel les grossiers Tony
Blair et W. Bush de l’époque faisaient
bien pâle figure.
C’est en effet un miroir terrible que
tend M. Nasrallah aux élites formatées
de notre vertueux «monde-libre». Pas
étonnant dès lors que le président-Poire
français ou ses alter-egos européens ou
américains rêvent de le voir
disparaître.
La médiocrité, la petitesse et la
fourberie ne détestent rien moins que
l’exception, la grandeur et la droiture.
Haro sur les résistants d’hier et
d’aujourd’hui
Mais c’est aussi en 2006 que l’Occident
va surtout comprendre le degré réel de
sophistication et d’expertise auquel est
parvenu le Hezbollah dans la guerre
asymétrique dite du faible au fort, ou
plus techniquement dite de quatrième
génération (G4G).
Or ce savoir-faire est une menace
autrement plus sérieuse pour le Système
atlantiste que n’importe quel
hypothétique programme nucléaire iranien
(1). Car la G4G est la guerre par
laquelle tous les résistants de tous les
temps ont pu se libérer du joug de la
tyrannie et de l’occupation. C’est la
seule tactique à même de triompher de la
technologie et des rouleaux compresseurs
de l’OTAN, de mettre en échec
l’hyper-puissance militaire du Système
en somme.
Si l’on se projette dans cet avenir
orwellien qui nous menace désormais
tous, c’est même la seule tactique qui
pourrait éventuellement permettre le
triomphe d’une insurrection généralisée
des laissés-pour-compte de la
globalisation contre des 1% surarmés.
Le Système ne souhaite donc pas, cela va
sans dire, qu’une telle expertise, qu’un
tel modèle, s’expatrie du Liban.
Enfin, au chapitre de l’infamie devenue
mode de vie, on mesurera encore non sans
nausée le cynisme de ministres européens
dont nombre de pays ont subi le joug
d’une occupation que seule la résistance
armée a pu tenir en échec. Assimiler la
résistance du Hezbollah à du terrorisme
est donc une injure faite à leur propre
histoire, à leur propre mémoire, à leurs
propres résistants.
Avec une élite pareille, Vichy n’aurait
eu aucun souci à se faire.
Par paresse, compromission ou ignorance
ces gens-là sont, Monsieur, à la fois la
honte de leur père et celle de leurs
enfants.
Apostille : tous terroristes ?
Il n’existe pas de définition
consensuelle du terrorisme.
Comme le relève wikipedia. «La
définition du terrorisme est de façon
inhérente sujet à controverse.
L'utilisation de la violence à des fins
politiques est commune aux états et aux
groupes non-étatiques. La difficulté est
d'arriver à un accord sur une base
déterminant quand l'usage de la violence
(dirigée par qui, contre qui et
pourquoi) est légitime. La majorité des
définitions en usage ont été élaborées
par des organes directement associés à
un gouvernement, et ont un biais
systématique excluant les gouvernements
de la définition. Certaines de ces
définitions sont si larges, comme le
Terrorism Act 2000, qu'elles incluent la
perturbation d'un système informatique
sans intention ou conséquence violente.
»
Finalement, dans le bric à brac des
définitions proposées, nous allons
élaborer notre propre définition en nous
inspirant de celle proposée par le
Groupe de personnalités de haut niveau
et le Secrétaire général de l'ONU en
2004 et soutenue par la France et qui
dit ceci : «Toute action […] qui a pour
intention de causer la mort ou de graves
blessures corporelles à des civils ou à
des non-combattants, lorsque le but d'un
tel acte est, de par sa nature ou son
contexte, d'intimider une population, ou
de forcer un gouvernement ou une
organisation internationale à prendre
une quelconque mesure ou à s'en abstenir
»
Notre définition :
Terrorisme :
«Toute action qui a pour intention de
causer la mort ou de graves blessures
corporelles à des civils ou à des
non-combattants, ou de causer la
destruction de leurs biens, lorsque le
but d'un tel acte est, de par sa nature
ou son contexte, d'intimider une
population et ses représentants afin de
les forcer à prendre une quelconque
mesure ou à s'en abstenir. »
Peuvent donc être qualifié de terroriste
:
«Tout groupe, étatique ou non, qui
systématise l’usage de la violence
contre des civils ou des
non-combattants, dans le but d’imposer à
une population ou à ses représentants,
de prendre une quelconque mesure ou de
s'en abstenir.»
On se dit dès lors que la liste des
groupes, étatiques ou non, qui
mériteraient de figurer sur une liste
impartialement établie des mouvements
terroristes devraient bousculer quelques
idées reçues.
Car à n’en pas douter, nous pourrions
allègrement y inscrire la CIA, mais
aussi l’Etat d’Israël, le gouvernement
étasunien, l’OTAN et, bien sûr, «Les
amis de la Syrie» pour l’appui
logistique et financier qu’ils apportent
aux égorgeurs d’al-Nosra en Syrie…
A terroriste, terroriste et demi.
(1) En 2007, Chirac avait tordu le cou à
cette fable aussi : «Où l’Iran
enverrait-il cette bombe ? Sur Israël ?
Elle n’aura pas fait 200 mètres dans
l’atmosphère que Téhéran sera rasée.»
Pierre VAUDAN
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