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Tel-Aviv veut l'aide nucléaire de Paris
Pierre Barbancey
La centrale nucléaire israélienne de
Dimona
Mercredi 10 mars 2010
Les autorités israéliennes entendent construire une
centrale nucléaire et recherchent un appui technique de la
France. Problème, elles possèdent la bombe atomique et sont
opposées à un Moyen-Orient dénucléarisé.
Lors de la conférence internationale qui s’est ouverte lundi
à Paris, consacrée au nucléaire civil et placée sous l’égide de
l’OCDE et de l’AIEA, Israël a déclaré souhaiter construire une
centrale nucléaire avec l’aide de la France. Conscient du tollé
que pouvait provoquer une telle proposition, Uzi Landau,
ministre des Infrastructures, a précisé que son pays, qui a
« l’infrastructure technique, le savoir-faire et aussi la
motivation de s’engager dans un tel effort », souhaitait le
faire « en collaboration avec les scientifiques et les
ingénieurs de nos voisins arabes. Nous espérons le faire dans la
région et nous devons le faire pour la région ». En réalité, en
guise de voisins arabes, seule la Jordanie – pays qui a signé un
accord de paix avec Israël – est concernée. « Le nucléaire peut
être un secteur de coopération régionale dans le but de
promouvoir la paix » (sic), a expliqué Uzi Landau.
Israël posséderait quelque 200 ogives
Si nul ne saurait contester à Israël le droit de produire de
l’énergie nucléaire dans un cadre civil, le dossier prend une
autre tournure. Car Israël n’est pas signataire du traité de
non-prolifération nucléaire et est opposé à un Moyen-Orient
dénucléarisé. Tel-Aviv n’a jamais reconnu disposer d’un arsenal
nucléaire, mais il est de notoriété publique qu’il posséderait
quelque 200 ogives nucléaires ainsi que des missiles à longue
portée. Une arme obtenue déjà avec l’aide de la France qui, en
1956, a accepté de fournir à Tel-Aviv un réacteur nucléaire de
18 mégawatts. Plus, Paris avait envoyé ses propres techniciens
dans le désert du Néguev, à Dimona, pour construire secrètement
un réacteur de 24 mégawatts, photographié peu après par un
avion-espion américain. De Gaulle avait demandé alors à Ben
Gourion de rendre public le projet de Dimona. Le premier
ministre israélien le fera, tout en garantissant que celui-ci
sera utilisé à des fins exclusivement pacifiques ! Pour avoir
dénoncé la supercherie, Mordechai Vanunu, technicien nucléaire
israélien, sera, on le sait, emprisonné pendant dix-huit ans…
Une suspicion à géométrie variable
« Naturellement, toute centrale nucléaire qui serait
construite en Israël sera soumise aux garde-fous
internationaux », a assuré le ministre israélien. Pourtant,
c’est au nom de cette même suspicion qu’Israël s’agite partout
dans le monde pour s’opposer à l’Iran. Téhéran parle d’énergie
nucléaire civile ? Les Iraniens veulent fabriquer la bombe
atomique, rétorque Israël, qui, visiblement, ne fait pas
confiance aux « garde-fous internationaux » et s’apprête même à
bombarder l’Iran. Les soucis énergétiques d’Israël ne manquent
pas de piquant, alors qu’il a détruit les centrales électriques
de la bande de Gaza et que même le pétrole arrive au
compte-gouttes. La communauté internationale est invitée à
investir en Israël alors que, selon la Banque mondiale, la
croissance fragile de l’économie en Cisjordanie dépend de l’aide
des pays donateurs, mais les restrictions de mouvement sur les
personnes et les biens imposées par Tel-Aviv après le
déclenchement de la seconde Intifada en 2000 ont « sapé la
croissance du secteur privé palestinien ». Ce qui n’empêche pas
Israël de vouloir intégrer l’OCDE et de tromper la communauté
internationale en profitant des accords d’associations et des
exonérations de taxe sur les marchandises, y compris celles en
provenance des colonies juives de Cisjordanie. En toute
illégalité.
© Journal L'Humanité
Publié le 12 mars 2010 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité
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