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Le Web de l'Humanité
Déluge de feu sur le peuple de Gaza
Pierre Barbancey
© Photo PCHR
Mercredi 7 janvier 2009
Proche-Orient . Le massacre est à son comble, Israël n’hésite
pas à tuer les civils. Sur le terrain, son armée rencontre une
rude réplique des Palestiniens unis. Notre reportage.
Frontière de la bande de Gaza, envoyé spécial.
Un épais panache de fumée obscurcit le ciel. Les frappes
cinglantes de l’aviation, le roulement répété des lourds canons
de chars et de navires de guerre, le sifflement des roquettes
tirées depuis les hélicoptères de combat ont-ils eu raison de la
poche de résistance palestinienne qui s’oppose à l’avancée des
troupes israélienne dans ce secteur de Beit Lahya, au nord de la
bande de Gaza ? Difficile à dire. Ce qui est certain en revanche
c’est que les soldats israéliens n’ont pas la partie facile,
même s'ils déversent sur les 1,5 million de Palestiniens de la bande
de Gaza des tonnes de bombes, détruisent autant qu’ils le
peuvent et tuent avec tout aussi peu de scrupules. Toutes les
factions palestiniennes sont entrées dans le combat armé, y
compris les militants communistes du Parti du peuple palestinien
(PPP), comme cela nous a été confirmé. Il n’y a pratiquement
plus un secteur de la bande de Gaza où les affrontements ne se
déroulent. Preuve de la lutte acharnée des combattants
palestiniens, les chars israéliens n’étaient toujours pas entrés
dans la ville de Gaza, hier après-midi, comme l’a confirmé à
l’Humanité Walid Al Awad, dont la maison est à moins de 500
mètres de la mer. « Au moment où je vous parle, je vois des
bateaux israéliens en train de tirer sur la ville », dit-il. Il
confirme également que « les chars israéliens ne sont pas loin
mais ils ne sont pas entrés dans le centre de la ville. Ils sont
près de Zeitoun, Jabaliya et Beit Lahyia. « Il y a de nombreux
combats dans ces quartiers », souligne Jamal Abou Habil, qui se
trouve dans une maison entre Jabaliya et Beit Lahyia. « Cet
après-midi il y a eu de très fortes explosions et des maisons
ont été détruites. Il est extrêmement difficile de bouger. Les
familles restent calfeutrées chez elle. Pour l’instant nous
n’avons plus d’électricité. Il y a énormément d’hélicoptères et
d’avions qui tirent et bombardent. Il n’y a pratiquement aucun
répit. » La nuit précédente avait également été marquée par de
violents accrochages dans ces mêmes faubourgs, ainsi que dans
ceux de Choujaïya et de Touffah, à l’extrémité de la ville de
Gaza.
Le bombardement d’une maison à Gaza a fauché douze membres
d’une même famille. Ils se trouvaient chez eux, dans le quartier
de Zeitoun, quand un appareil israélien a tiré deux missiles sur
leur maison de quatre étages et divisée en sept appartements.
Sept enfants âgés de un à douze ans, trois femmes et deux autres
hommes ont été tués. Tout simplement parce qu’un dirigeant du
Hamas y avait son domicile, qu’il avait quitté dès le début de
l’opération israélienne. Un passant a également perdu la vie
dans la frappe, qui a endommagé une dizaine de maisons voisines.
Toujours dans cette même journée, au moins quarante personnes
ont été tuées dans un raid aérien israélien à Gaza, dans une
école de l’Unrwa, l’agence de l’ONU pour les réfugiés
palestiniens, où 450 personnes se croyaient à l’abri, venant
d’autres quartiers de la ville. à Khan Younès (sud de la bande
de Gaza), un obus d’artillerie a touché l’entrée d’une seconde
école, tuant deux personnes.
Boureij et Deir el-Balah, dans le centre, et Khan Younès,
dans le sud, ne sont pas épargnés. « C’est très dur. Toute la
nuit nous avons subi les bombardements israéliens avec des
chars, des avions, des hélicoptères mais aussi des canons »,
témoigne Zoher, qui habite Abassane, à quelques encablures de
Khan Younès. « Ils tirent n’importe où, attaquent n’importe
quoi. Ils tirent même sur les ambulances. Ils ont tué des
ambulanciers qui venaient en aide aux victimes civiles. Je ne
sais pas s’il y a eu des guerres comme ça dans le monde »,
s’écrie-t-il. Depuis son lancement le 27 décembre, l’offensive
israélienne a fait plus de 582 morts palestiniens, parmi
lesquels des centaines de civils dont 159 enfants, et plus de 2
780 blessés. Si l’on prend en compte les déclarations de l’armée
israélienne qui affirme avoir tué plus de 130 combattants depuis
l’invasion terrestre, c’est au total plus de 700 Palestiniens
qui auraient ainsi perdu la vie en une dizaine de jours. Tous
les records sont battus. C’est sans doute ce qui émoustillait
ces quelques colons intégristes juifs, non loin de la ville de
Sdérot, qui dansaient et se trémoussaient, la musique à fond, en
scrutant la bande de Gaza, quelques kilomètres plus à l’ouest.
Deux hélicoptères apparaissent, ils sont en transe. Une
explosion suit le passage d’un avion, ils exultent. Non loin de
là, un soldat essaie de faire s’élever un cerf-volant ! Pendant
ce temps, les chefs d’orchestre de la propagande israélienne
affrètent un bus pour transporter les journalistes, leur faire
rencontrer des victimes des tirs de roquettes. Suprême attention
de leur part, nous sommes prévenus que cela se fait « dans
toutes les langues ».
Côté israélien, les roquettes que les groupes palestiniens
continuent à envoyer (dont une s’est pour la première fois
abattue, hier, à plus de 45 km au nord-est de la bande de Gaza,
sur la ville de Gedera, blessant légèrement un nourrisson) ont
fait quatre morts. Sur le terrain des affrontements il est
pratiquement certain que l’état-major israélien veut à tout prix
minimiser les pertes. Quatre de ses militaires, dont un
officier, ont été tués et 24 blessés lundi soir dans le nord de
la bande de Gaza lorsqu’un char israélien avait fait feu « par
erreur » sur leur position. Le Hamas a annoncé avoir capturé
deux soldats, mais l’information est, pour l’instant,
invérifiable. L’éditorialiste du quotidien Haaretz, Amos Harel,
évoquant la mort de ces soldats, s’est publiquement interrogé
sur le bien-fondé d’une poursuite de l’offensive.
On arrive peut-être à un tournant. Il est clair que les
combattants palestiniens tentent maintenant d’attirer les
soldats israéliens dans les villes mêmes où l’avantage en armes
lourdes ne sera que de peu de poids. Les groupes palestiniens,
plus mobiles et disposant peut-être de tunnels, risquent fort de
faire très mal à l’armée israélienne. Celle-ci le sait et tente,
jusqu’à maintenant, d’éradiquer les poches de résistance par des
bombardements dont on voit les résultats, qui s’apparentent à
des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité. Les
jours qui viennent devraient être cruciaux.
© Journal l'Humanité
Publié le 8 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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