Le Web de l'Humanité
Kouchner
choisit la diplomatie de la force
Pierre Barbancey
Vendredi 5 octobre 2007 Iran
. Bernard Kouchner veut que l’Union européenne renforce ses
sanctions contre Téhéran, sans attendre une résolution de l’ONU.
Ce n’est plus le « french doctor » mais plutôt
le « french warrior » : Bernard Kouchner a mis
son armure et enfourché sa monture guerrière, prêt à affronter
l’Iran. Après avoir déclenché un tollé le 16 septembre, en
estimant que la communauté internationale devait « se préparer
au pire », c’est-à-dire la « guerre » contre
Téhéran, le chef de la diplomatie française ne désarme pas.
Dans une lettre, il vient d’inviter ses collègues de l’Union
européenne à alourdir les sanctions contre l’Iran sans
attendre une nouvelle résolution de l’ONU sanctionnant le
programme nucléaire de Téhéran.
« Si nous voulons parvenir avec Téhéran à obtenir une
solution négociée, nous ne pouvons pas attendre sans réagir
face au fait accompli iranien. Il en va de notre responsabilité
et de notre crédibilité », peut-on lire dans ce courrier.
« C’est pourquoi, parallèlement aux négociations pour
une nouvelle résolution du Conseil de sécurité, qui doivent se
poursuivre, je propose que nous commencions dès à présent à
explorer ensemble la possibilité de nouvelles mesures européennes.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre l’adoption de
cette résolution pour aller de l’avant », dit-il. Pour
Bernard Kouchner, la négociation à l’ONU « prendra du
temps en raison des positions de certains de nos partenaires ».
Devant l’Assemblée nationale, le premier ministre français,
François Fillon, a pourtant déclaré le même jour qu’il ne
fallait « pas désespérer de la diplomatie » au sujet
du dossier nucléaire iranien. « Le gouvernement français
ne ménagera aucun de ses efforts pour faire prévaloir une
logique de paix et une logique de sécurité au Proche-Orient »,
a-t-il encore assuré, soulignant que les efforts français se déploieraient
« prioritairement, de manière préférentielle, avec les
Nations unies dans le cadre du Conseil de sécurité » et
« prioritairement en nous mettant d’accord avec nos
partenaires européens ».
Justement, le président du Conseil italien, Romano Prodi, a
estimé mercredi qu’un accord entre l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA) et l’Iran constituait une occasion
dont il fallait se saisir avant l’examen de toute nouvelle
sanction contre Téhéran. « Nous devons tirer avantage de
cette fenêtre, a-t-il insisté. Nous avons toujours dit que les
sanctions sont un instrument pour pousser au dialogue (…), je ne
pense pas que les renforcer avant de s’asseoir à la table des négociations
soit le choix le plus juste. »
La fausse cacophonie qui émane du gouvernement français est
inquiétante. En soufflant le chaud et le froid, en parlant de
guerre puis de diplomatie, en exaltant l’ONU puis en la considérant
comme un instrument lourd et lent, Paris se coule dans le moule de
l’attitude américaine qui avait déjà prévalu quelques mois
avant le déclenchement de la guerre contre l’Irak, au mépris
du droit international.
© Journal l'Humanité
Publié le 6 octobre avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
|