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Politique
Tabous made in France
Philippe Randa

Philippe Randa
Mercredi 26 septembre 2007
La retraite et la sécurité sociale sont des tabous bien de
chez nous. La preuve, le Monde entier nous envie notre « modèle
social », affirme-t-on… en France en tout cas !
On ne touche pas à la Sécu et encore moins aux retraites. Ce
sont deux mamelles auxquelles le Français ne se lasse pas de
gloutonner… et auxquelles rêvent quelques millions de
non-Français prêts à tout pour accéder aux délices
prodiguées par ces cornes d’abondance de la plus extrême félicitée.
À croire que certains ne vivent que dans l’espoir de tomber
malade pour bénéficier des aides médicales gratuites… ou
que dans l’impatience de vieillir pour « pensionner à donf
» comme disent nos proches voisins de moins en moins
belges…
Le hic, c’est le prix à payer. Le déficit chronique de la
Sécurité sociale se chiffre chaque année en milliards d’euros
– 11,7 milliards estimés en 2007 – et depuis quelques années
celui des retraites est lui aussi tout abyssal. Pour le « prochain
rendez-vous, celui de 2012, notre objectif doit être d’équilibrer
le régime général, alors que nos prévisions font état
d’un déficit entre 8 et 10 milliards d’euros »,
vient d’indiquer le Premier ministre François Fillon dans
un discours à l’occasion du 60e anniversaire de l’Agirc,
la retraite complémentaire des cadres du privé.
En 50 ans, selon une estimation parue voilà déjà une
dizaine d’années, l'espérance de vie à la naissance a
augmenté en France de 15 ans pour les hommes (59,6 ans en
1946 - 73,9 ans en 1995) et de 17 ans pour les femmes (65,2
ans en 1946 - 81,9 ans en 1995). Cette augmentation devrait se
confirmer durant les vingt prochaines années pour atteindre
en 2020 environ 79 ans pour les hommes et 87 ans pour les
femmes.
Il est donc urgent de réformer le système, tout le monde est
bien d’accord, mais sur la façon d’y parvenir, les
opinions divergent. Méchamment. Car il n’est pas question
de toucher aux sacro-saints « avantages acquis », ou le
moins possible et encore, ce sera toujours trop.
Le Premier ministre ne s’y trompe pas lorsqu’il estime
dans le même discours que « l’architecture de notre
système, même si elle est exubérante, est le fruit de notre
histoire » et est « un compromis ». « Remettre
en cause ce compromis, ce serait sans doute porter gravement
préjudice à notre démocratie sociale ».
Vouloir réformer les « avantages acquis » sans remettre en
cause les « compromis acquis » laisse sceptique quant aux
solutions miracles pour l’avenir.
Nos modèles de retraite et de sécurité sociale si admirés
se révèlent en fait deux complices dont l’action conjuguée
tend à un allongement de la vie financièrement calamiteux…
Vouloir vivre en bonne santé le plus longtemps possible ne
rime ni avec épargne, ni avec loisirs. Mais il y a comme cela
des sujets qui fâchent. Des sujets tabous. Tabous parce que
leurs éventuelles remises en question sont décrétées
socialement incorrectes.
Jusqu’à quand ?
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