Opinion
Un groupe de réflexion américain
élabore des projets
d'escalade militaire contre la Chine
Peter
Symonds

Jeudi 16 août
2012
Une publication du
groupe de réflexion de Washington,
Centre for Strategic and International
Studies (CSIS, Centre d'études
stratégiques et internationales)
intitulé « Stratégie de positionnement
de la force armée américaine dans la
région Asie-Pacifique: un évaluation
indépendante, » fournit au gouvernement
Obama ce qui revient à être un plan
directeur pour des préparatifs
militaires en vue d'un conflit avec la
Chine.
Bien que le CSIS soit un organisme
non gouvernemental, son évaluation a été
commanditée par le ministère de la
Défense, ainsi que l'exige la Loi
d'autorisation de la Défense nationale
de 2012, donnant un statut semi-officiel
à ses conclusions et ses propositions.
Cette publication a impliqué des
discussions approfondies avec le
personnel militaire américain haut placé
du Commandement du Pacifique au
Pentagone. Le rapport du CSIS a été
remis au Pentagone le 27 juin mais n'a
eu de couverture médiatique qu'après que
ses principaux auteurs, David Berteau et
Michael Green, ont témoigné le 1er août
devant le Comité des forces armées de
Etats-Unis.
Le rapport a fait grand bruit dans
les médias australiens qui ont fait
d'une de ses propositions les gros
titres des journaux, celle de faire une
base d'opération avancée d'un groupement
tactique de porte-avions américain à
HMAS Stirling, une base navale
d'Australie occidentale. Si cela était
mis en pratique, la recommandation
transformerait la base et la ville
voisine de Perth en une cible
potentielle de missiles nucléaires
russes et chinois. La proposition sert à
souligner les implications immenses de
l'évaluation du CSIS qui est en droite
ligne avec le « pivot » conflictuel du
gouvernement Obama envers l'Asie et
visant la Chine.
L'évaluation du CSIS déclare que
l'objectif géostratégique américain
sous-jacent dans la région
Asie-Pacifique est d'empêcher « la
montée de tout Etat hégémonique dans la
région qui pourrait représenter une
menace pour les intérêts américains en
cherchant à en obstruer l'accès aux
Etats-Unis ou à dominer le domaine
maritime. A partir de cette perspective,
le problème le plus significatif pour
les Etats-Unis aujourd'hui en Asie est
la puissance montante de la Chine, son
influence et ses espérances de
prééminence régionale. » en d'autres
termes, l'hégémonie dominante des
Etats-Unis dans la région doit
continuer.
Le document reconnaît que la
stratégie militaire est liée aux
impératifs économiques. Il identifie «
les accords commerciaux tels le
Partenariat Transpacifique (PTP) et
l'Accord de libre commerce USA-Corée »
comme étant cruciaux à « une
architecture transpacifique durable qui
soutienne l'accès des Etats-Unis à la
région et son influence dans cette
région. » Bien qu'il déclare que les
Etats-Unis « doivent intégrer chacun de
ces instruments de puissance nationale
et ne pas compter excessivement sur les
capacités militaires des Etats-Unis, »
c'est précisément le déclin économique
relatif des Etats-Unis qui motive le
recours à la puissance militaire pour
maintenir sa domination en Asie, tout
comme au Moyen-Orient.
Ayant identifié la Chine comme
principal rival potentiel, le rapport
exclut toute répétition de la stratégie
américaine d'endiguement utilisée pour
isoler l'Union soviétique durant la
Guerre froide, ce qui indique la
dépendance économique des Etats-Unis par
rapport à la Chine. Il est significatif
que les auteurs rejettent un accord de
partage du pouvoir avec la Chine, ou
pour reprendre les termes du comité des
forces armées, « un condominium
bipolaire qui reconnaisse les intérêts
essentiels de Beijing et divise
implicitement la région. » Cette
dernière conception, sous une forme ou
une autre, est promue par quelques
analystes stratégiques aux Etats-Unis et
en Australie comme étant l'unique moyen
d'empêcher une guerre. Le rapport du
CSIS rejette tout retrait d'Asie des
Etats-Unis, qui équivaudrait dans les
faits à céder la région à la Chine.
Ayant exclu toutes les alternatives
pacifiques, la publication du CSIS
définit une stratégie militaire. Les
auteurs ne prônent pas ouvertement une
guerre avec la Chine, déclarant que «
les conséquences d'un conflit avec cette
nation sont presque impensables et il
faut faire plus que tout son possible
pour les éviter tout en respectant les
intérêts des Etats-Unis. » Mais les
auteurs n'excluent pas la possibilité
d'un conflit dans le cas où les intérêts
américains sont menacés, et ajoutent que
la capacité à « maintenir une paix
favorable » dépend de la perception que
les Etats-Unis sont capables de sortir
vainqueurs en cas de conflit. « Le
positionnement de la force armée
américaine doit démontrer sa volonté et
sa capacité à se battre et à gagner,
même dans les circonstances plus
difficiles associées à A2D2 [stratégie
d'interdiction d'accès à la région] et
autres menaces à l'encontre des
opérations militaires américaines dans
le Pacifique occidental, » déclare le
rapport.
Ainsi au nom de la paix, les
Etats-Unis préparent une guerre
catastrophique avec la Chine. Les
planificateurs stratégiques américains
sont particulièrement préoccupés par les
capacités militaires chinoises appelées
A2AD, développement de sous-marins,
missiles et avions de combat
sophistiqués capables de poser un danger
pour la marine américaine dans le
Pacifique occidental. Bien que, comme
ils en ont l'habitude, les Etats-Unis
présentent de telles armes comme
représentant « une menace » pour leur
armée, en réalité la Chine riposte de
façon défensive à la présence d'une
puissance navale américaine écrasante
dans les eaux proches de son territoire.
La prépondérance navale américaine en
Mer de Chine orientale, Mer de Chine
méridionale et les points «
d'étranglement » tel le détroit de
Malacca, menace les voies maritimes en
provenance du Moyen-Orient et d'Afrique
dont la Chine dépend pour son
approvisionnement en énergie et matières
premières.
Le rapport du CSIS approuve le
repositionnement et le renforcement des
forces militaires américaines dans le
Pacifique occidental qui se sont
accélérés sous le « rééquilibrage » vers
l'Asie du gouvernement Obama. Cela
comprend: la consolidation des bases
américaines, des troupes et des atouts
militaires au Japon et en Corée; le
développement des forces américaines sur
l'île de Guam et sur les îles Mariannes
du nord, situées stratégiquement dans le
Pacifique occidental; le stationnement à
Singapour de navires de combat de
littoral, navires de guerre relativement
petits, rapides et flexibles capable de
récolter des informations, de faire des
opérations spéciales et de déposer sur
terre des soldats avec des véhicules
armés; la possibilité de faire un plus
grand usage des bases aériennes et
navales australiennes et de positionner
2 500 Marines dans la ville
septentrionale de Darwin. De plus, la
publication confirme que les USA ont eu
des discussions avec la Thaïlande, les
Philippines et le Vietnam sur une
possibilité d'accès aux bases et
d'entraînement commun.
Le document examine aussi les efforts
américains pour renforcer les liens
militaires dans toute l'Asie, de l'Inde,
Bangladesh et Sri Lanka jusqu'en
Birmanie, Indonésie et Nouvelle Zélande,
ainsi qu'avec ses alliés officiels. Il
est significatif qu'en classant les
éventualités militaires par degré
d'intensité, le document identifie
l'Australie, le Japon et la Corée du Sud
comme des alliés cruciaux « dans le
spectre plus élevé d'intensité, » à
savoir un conflit militaire avec la
Chine, « avec d'autres alliés et
partenaires dans le spectre de moindre
intensité. »
Bien qu'elle traite de façon large de
toutes les contingences, l'évaluation du
CSIS se concentre en premier lieu sur «
la haute intensité. » Ses
recommandations impliquent un
développement plus important des accords
militaires avec la Corée du sud, le
Japon et l'Australie et qu'entre ces
alliés eux-mêmes. Elle recommande
l'application des derniers accords
militaires en date avec le Japon et la
Corée du sud. Pour ce qui est du Japon,
le document insiste sur la signification
stratégique d'Okinawa. Okinawa est «
centralement situé » entre l'Asie du
nord-est et l'Asie du sud-est maritime,
et est « positionné pour combattre
tactiquement à l'intérieur de
l'enveloppe A2AD dans les scénarios de
haute intensité », autrement dit Okinawa
est d'une importance cruciale dans toute
guerre avec la Chine. Le gouvernement
Obama s'est opposé de façon
intransigeante aux appels du Japon à
délocaliser la base navale américaine de
Futenma au large d'Okinawa.
Le document du CSIS n'est pas la
politique officielle du gouvernement
Obama: ses conclusions sont présentées
comme des recommandations. Il envisage
tous les scénarios, dont celui de
maintenir le statu quo et de diminuer
les forces américaines de la région
Asie-Pacifique, mais n'est favorable à
aucun des deux. Cependant l'aspect le
plus menaçant du rapport traite d'une
liste substantielle de mesures qui
pourraient être prises pour renforcer de
façon marquée l'armée américaine dans
toute cette région.
En plus de baser un porte-avion
nucléaire américain en Australie
occidentale, on compte parmi ces mesures
les suivantes: doubler le nombre de
sous-marins d'attaque nucléaire basés
sur Guam; déployer des navires de combat
en zone littorale en Corée du sud;
doubler la taille des forces
amphibiennes à Hawaï; Baser de façon
permanente un escadron de
chasseurs-bombardiers sur Guam;
renforcer les équipements de
surveillance avec ou sans personnel en
Australie ou Guam; optimiser les
défenses antimissiles au Japon, en Corée
du sud et Guam; consolider les forces
terrestres américaine. Tout en
recommandant que ces options soient
envisagées, le CSIS appelle
spécifiquement à ce que davantage de
sous-marins d'attaque soient placés sur
Guam, c'est à dire à distance de frappe
aisée des voies maritimes et des bases
navales chinoises.
Chacune de ces mesures ne fera
qu'accroître les tensions avec la Chine
et le danger d'une course aux armements
et d'un conflit dans la région
Asie-Pacifique. L'évaluation du CSIS
indique des poudrières potentielles, de
la péninsule coréenne et du détroit de
Taïwan à la Mer de Chine méridionale et
aux frontières contestées entre l'Inde
et la Chine. Le rapport représente
clairement la façon de penser plus large
au sein du gouvernement Obama et des
cercles militaires et du renseignement
américains les plus élevés qui préparent
et planifient de façon téméraire une
guerre avec la Chine.
(Article original paru le 13 août
2012)
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Publié le 16 août 2012 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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