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Atrocités israéliennes à Gaza :
impasse politique et effondrement moral
Peter Symonds

© Photo PCHR
Jeudi 8 janvier 2009 Le massacre prémédité
d’hommes, de femmes et d’enfants innocents réfugiés dans l’école
al-Fakhora de Gaza, administrée par l’ONU, et perpétré hier, est
un crime de guerre dont le gouvernement et l’état-major
israéliens sont directement responsables. Tandis que des
atrocités s’ajoutent aux atrocités, il est clair que l’armée
israélienne utilise les attaques à la roquette du Hamas comme un
prétexte pour terroriser et subjuguer toute la population
palestinienne.
42 personnes au moins ont perdu la vie
lorsque des obus israéliens ont frappé juste devant l’école dans
le camp de réfugiés Jabalya du nord de Gaza. 55 autres ont été
blessés, dont au moins cinq grièvement. Les témoins ont décrit
des scènes d’horreur de victimes déchiquetées par des éclats
d’obus, gisant dans des flaques de sang dans la rue. Suite à
cette attaque, Fares Ghanem, un administratif de l’hôpital, a
dit à Associated Press : « J’ai vu beaucoup de femmes et
d’enfants emmenés ici. De nombreux blessés étaient mutilés, il
leur manquait des membres et de nombreux morts étaient en
morceaux. »
Le caractère intentionnel de cette attaque
est souligné par le fait que l’école n’a pas été touchée par une
bombe perdue tombée de 10 000 pieds de hauteur, mais par des
obus tirés avec précision. John Ging, directeur des opérations à
Gaza de l'Agence de secours et de travaux des Nations unies pour
les réfugiés de Palestine (UNRWA) a dit que l’armée israélienne
avait reçu les coordonnées précises de l’école, qui était
clairement signalée comme administrée par l’ONU. Faisant
remarquer que l’école était située dans une agglomération, il a
dit : « Il était bien sûr absolument inévitable que, si des obus
d’artillerie tombaient dans ce périmètre il y aurait un nombre
élevé de victimes. » Il y avait environ 350 personnes réfugiées
dans l’école au moment de l’attaque.
L’armée israélienne a fait une déclaration
suggérant que ses forces avaient riposté à une attaque de
mortier provenant de l’école et que le Hamas avait une fois de
plus utilisé des civils comme « boucliers humains. » C’est une
déclaration routinière faite pour justifier les atrocités des
Forces de défense israélienne (FDI). Ging, le représentant de
l’UNRWA a démenti que les combattants du Hamas utilisaient ses
abris. « Il n’existe aucun endroit sûr à Gaza. Tout le monde ici
est terrorisé et traumatisé, » a-t-il dit. Maxwell Gaylard,
représentant des Nations Unies a exigé une enquête indépendante,
disant que les personnes responsables de toute infraction au
droit international doivent répondre de leurs actes.
Le bombardement israélien de l’école al-Fakhora
n’est pas un événement isolé. Ging a fait état de trois
Palestiniens tués hier dans une autre attaque aérienne à
proximité d’une autre école dans le secteur, à un moment où il
n’y avait aucun combat. L’UNRWA a 23 écoles qui abritent quelque
15 000 réfugiés qui ont été éconduits de leur maison par l’armée
israélienne. Hier matin, un bâtiment proche d’un dispensaire des
Nations Unies a été touché par des tirs israéliens qui ont
blessé 10 personnes dont sept membres du personnel et trois
patients. La Croix-Rouge internationale a rapporté qu’un poste
d’ambulances avait aussi été touché, blessant un membre du
personnel médical.
Selon l’agence Reuters, 75 civils
palestiniens au moins ont été tués hier, ce qui représente un
bond important dans le nombre de victimes depuis le lancement
des opérations terrestres de l’armée israélienne il y a quatre
jours. Eric Fosse, un médecin norvégien travaillant à l’hôpital
Shifa de Gaza a dit à CNN qu’il avait vu davantage de femmes et
d’enfants victimes ce lundi qu’aucun autre jour depuis le début
de l’offensive israélienne, et que la plupart des blessés
étaient aussi des civils. L’ABC (Compagnie de radio et
télédiffusion australienne) a rapporté que le nombre de victimes
à Gaza s’élevait hier à 660 personnes.
Le Financial Times d’aujourd’hui écrit
qu’au minimum, 115 des victimes sont des enfants. Des milliers
d’autres sont profondément traumatisés par l’expérience
terrifiante du bombardement incessant ainsi que par le manque
d’électricité, d’eau courante, de nourriture et d’hygiène.
« Avant même que les attaques israéliennes ne
commencent, explique l’article, quelque 50 000 enfants
souffraient de malnutrition à Gaza, en plein blocus invalidant
du territoire. Ce chiffre "pourrait être augmenté de plusieurs
milliers", a averti Isamo Damo qui travaille à Gaza avec le
groupe de défense des droits humains, Save the Children.
De nombreuses épiceries ont fermé et les produits frais comme le
lait, le fromage et les fruits sont rares. »
Le fait de prendre pour cible l’école al-Fakhora
met à nu le mensonge utilisé par Israël et ses apologues pour
justifier sa guerre contre le peuple palestinien, la présentant
comme une action « d’auto-défense ». L’armée israélienne est
engagée dans un effort acharné de destruction de la capacité des
Palestiniens à résister de quelque façon que ce soit à leur
oppression qui dure depuis des décennies. Lorsque des
représentants d’Israël qualifient le Hamas de « terroristes »,
leur venin est en fait dirigé contre le million et demi de
personnes appauvries, entassées dans l’étroite bande de terre
que l’on appelle Gaza.
Dans une colonne du Wall Street Journal
d’hier, l’ancien premier ministre adjoint israélien Natan
Sharansky a critiqué les Nations unies pour avoir été incapables
d’éliminer ce qu’il a appelé « le cœur du problème »,
c'est-à-dire les camps de réfugiés de Palestiniens dépossédés à
Gaza. Décrivant ces camps comme « l’unique système de contrôle
des terroristes » et leurs écoles comme « des centres
d’endoctrinement au martyre, » il a accusé l’UNRWA d’être des
« facilitateurs de l’objectif des terroristes, qui consiste à
écraser une population civile toute entière sous son pouvoir ».
Les divagations de Sharansky ont servi à mettre à nu la
justification fascisante qui se cache derrière la prise pour
cible intentionnelle des camps, de l’UNRWA et de l’école al-Fakhora
par Israël.
L’attaque d’hier est conforme à une manière
d’agir bien définie de la part des FDI. En 2006, l’armée avait
conduit une offensive militaire similaire dans le sud Liban dont
l’objectif était de détruire la milice chiite du Hezbollah et sa
base de sympathisants au sein de la population. Des frappes
répétées de missiles sur la ville de Qana avaient tué au moins
57 habitants, dont 37 enfants. L’armée israélienne avait aussi
détruit un poste de surveillance des Nations Unies, forçant les
observateurs des Nations Unies, témoins de ses crimes, à se
retirer.
L’utilisation de telles mesures terroristes
renvoie aux origines mêmes de l’Etat sioniste, lorsque les
forces israéliennes et des gangs armés avaient commis des
atrocités contre des villes et des villages palestiniens, comme
moyen d’expulser des millions d’Arabes du territoire israélien.
La longue histoire d’actes terroristes à l’encontre des
Palestiniens, dont les massacres des camps de réfugiés de Sabra
et Chatila au Liban en 1982, découle inévitablement de la
logique réactionnaire du sionisme : la tentative de constituer
un Etat juif impliquait inévitablement de fouler aux pieds les
droits du peuple palestinien.
La perspective au cœur de l’attaque sur la
population de Gaza a été clairement exprimée dans une lettre
écrite en 2007 par l’ancien grand rabbin séfarade Mordechai
Eliyahu au premier ministre israélien Ehoud Olmert, appelant au
bombardement intensif de toute la région. Comme en a rendu
compte le Jerusalem Post, Eliyahu écrivait que la
population dans son ensemble était moralement responsable de
n’avoir pas réussi à mettre fin aux attaques à la roquette
contre le territoire israélien. Son fils, lui aussi un rabbin en
vue, a dit au journal que l’armée de l’air israélienne devait
tuer « autant de personnes qu’il faut pour les arrêter » soit
100, 1000, 10 000, 100 000, voire même un million.
Ces remarques rappellent plus que tout les
méthodes de punitions collectives utilisées par les nazis durant
la Deuxième Guerre mondiale dans leur tentative de mettre fin à
la résistance envers leur régime, de par l’Europe. Elles
reflètent la perplexité totale des cercles dirigeants israéliens
et l’impasse politique atteinte par l’ensemble du projet
sioniste. Cet effort acharné d’Israël d’utiliser une force
militaire écrasante pour réprimer l’opposition palestinienne à
Gaza ne peut que conduire à s’enfoncer davantage dans le
bourbier. On ne peut que se demander ce qui va suivre :
L’expulsion, par la force, du territoire israélien de tous les
Arabes ?
Le fait que le gouvernement américain bloque
un cessez-le-feu, a donné le feu vert à l’armée israélienne pour
qu’elle intensifie ses attaques. La réaction du gouvernement
Bush au massacre des civils de l’école al-Fakhora a été
quasiment identique à celle d’Israël. Dana Perino, porte-parole
de la Maison-Blanche a dit aux médias de « ne pas tirer de
conclusions hâtives… Ce que nous savons, c’est que le Hamas se
cache souvent au milieu d’innocents et utilise des innocents,
même des enfants, comme boucliers humains. » L’armée américaine
a recours à des prétextes similaires pour justifier ses propres
crimes de guerre en Irak et en Afghanistan.
Tandis que les autres puissances
impérialistes, dont la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne
se sont montrées plus discrètes quant à leur soutien à la guerre
israélienne, elles aussi font porter au Hamas la responsabilité
du conflit, exigeant la fin de toute résistance au massacre
perpétré par Israël comme prix à payer pour tout cessez-le-feu.
Les Israéliens ont aussi reçu les encouragements de divers
régimes bourgeois du Moyen-Orient. Tous, que ce soit en
soutenant ouvertement Israël, comme c’est le cas de l’Egypte, de
l’Arabie Saoudite et de la Jordanie, ou que ce soit en feignant
de soutenir les Palestiniens, comme l’Iran et la Syrie,
cherchent à exploiter la crise pour poursuivre leurs propres
objectifs économiques et géostratégiques aux dépens directs des
masses palestiniennes et de la classe ouvrière de la région tout
entière.
Malgré le soutien universel pour Israël des
principales puissances et des médias internationaux, l’opinion
publique internationale est rapidement en train de se retourner
contre le massacre perpétré à Gaza. Cette guerre unilatérale
provoque une vague de révulsion, y compris en Israël parmi les
intellectuels et les travailleurs ayant une conscience de
classes, qui sont épouvantés par les crimes commis en leur nom.
L’allié véritable du peuple palestinien est la classe ouvrière
internationale, comprenant les travailleurs arabes et juifs, qui
doivent s’unir contre l’élite dirigeante israélienne, les
régimes bourgeois du Moyen-Orient et l’impérialisme américain et
international sur la base d’une lutte pour une fédération
socialiste du Moyen-Orient.
(Article original anglais paru le 7 janvier
2009)
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Publié le 8 janvier 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS
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