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Les
Etats-Unis intensifient les préparatifs de guerre contre l’Iran
Peter Symonds

On assiste actuellement à une intensification
américaine continue et manifeste des préparatifs de guerre
contre l’Iran. Les préparatifs militaires s’accompagnent
d’un déluge de propagande contre Téhéran, en provenance de
sources américaines, et relayé sans esprit critique par des médias
serviles. La principale accusation actuellement portée contre le
régime iranien est que ses agents appuient et arment des milices
chiites en Irak pour qu’elles attaquent les troupes américaines
— accusation à laquelle à ce jour aucune preuve concrète
n’a été fournie.
Le mois dernier, le président Bush a non
seulement ordonné à l’armée américaine de « rechercher
et détruire » les réseaux iraniens en Irak, mais a confirmé
la semaine dernière qu’il avait autorisé les troupes américaines
à capturer ou tuer les agents iraniens. Ce lundi, dans un
entretien accordé à la radio publique nationale, Bush a réitéré
que « Si l’Iran intensifie son activité militaire en Irak
au détriment de nos troupes et/ou du peuple irakien innocent,
nous allons riposter avec fermeté. »
Lors des audiences de confirmation du Congrès
américain cette semaine, les personnes nouvellement nommées par
Bush se sont fait l’écho du même message. John Negroponte, qui
a été nommé au poste de secrétaire d’Etat adjoint, a déclaré
ce mardi devant la commission sénatoriale sur les relations avec
l’étranger que « le comportement [de l’Iran], tel le
soutien aux extrémistes chiites en Irak, ne devrait pas continuer
sans réaction de notre part. S’ils ont le sentiment qu’ils
peuvent continuer ce genre d’activité en toute impunité, alors
cela nuira à la sécurité en Irak et à nos intérêts dans ce
pays. »
L’amiral William Fallon, nommé à la tête
des forces armées américaines au Moyen-Orient, a déclaré ce
mardi devant la commission sénatoriale des forces armées, que
l’implication de l’Iran dans le terrorisme et la violence
sectaire avait un caractère « déstabilisant et troublant ».
« Ils n’ont pas aidé en Irak. Il me semble que dans la région,
alors qu’ils augmentent leurs moyens militaires, nous devrons étudier
attentivement ce qu’ils font et ce qu’ils pourraient amener à
la table », a-t-il ajouté.
Fallon a indiqué qu’il avait l’intention
de contribuer à la construction d’une coalition régionale
« pour faire face aux actes de l’Iran ». Fallon est
le premier officier de la marine jamais nommé à la tête des
forces armées américaines au Moyen-Orient et son rôle ne se
limitera évidemment pas à la diplomatie. Fallon dirigera la très
importante flotte américaine actuellement dans le golfe Persique,
qui, pour la première fois depuis l’invasion de l’Irak par
les Etats-Unis en 2003, comprendra deux groupes de porte-avions.
Le Jerusalem Post a signalé que le
navire d’assaut, USS Bataan, avait traversé le canal de Suez
mardi, en route vers le golfe Persique. Le groupe de combat,
comprenant sept vaisseaux, compte 2 200 soldats et marins américains,
des hélicoptères et des avions de chasse Harrier. Le porte-avion
USS John C. Stennis et les navires qui l’accompagnent sont
attendus dans la région dans le courant de ce mois-ci, où ils
rejoindront le porte-avion Dwight D. Eisenhower qui se trouve déjà
dans le golfe. En tout, Fallon pourra compter sur quelque
cinquante navires ainsi que sur des centaines d’avions.
Un commentaire paru dans le quotidien français
Le Figaro le 27 janvier notait qu’avec deux porte-avions
« les États-Unis ont désormais la capacité d'engager une
offensive aérienne 24 heures sur 24 pendant trente ou
quarante jours. Ils peuvent s'appuyer sur le quartier général de
la 5e Flotte au Bahreïn, sur l'immense base aérienne d'al-Udaïd
au Qatar et son centre de commandement opérationnel, ainsi que
sur la base de Diego Garcia dans l'océan Indien pour le
ravitaillement. Les satellites américains auraient identifié 1 500
cibles liées au programme d'armement nucléaire iranien, réparties
sur 18 sites principaux. Nul ne doute que des dommages considérables
pourraient leur être infligés. Des cibles industrielles et pétrolières
pourraient s’ajouter à cette liste. »
De façon inquiétante, un article paru
mercredi dans le Los Angeles Times donnait un aperçu de
projets prévoyant des patrouilles plus agressives le long de la
frontière entre l’Iran et l’Irak, par les avions de guerre américains,
soi-disant pour empêcher la contrebande d’armes vers l’Irak.
Un important officiel du Pentagone a déclaré : « La
puissance aérienne joue des rôles importants, et l’un de ces rôles
consiste à être une force dissuasive, que ce soit par le contrôle
des frontières, la souveraineté aérienne ou quelque chose de
plus cinétique. » Comme l’a fait remarquer le Times,
« cinétique » est un terme utilisé pour signifier
une action militaire offensive. Quel que soit l’objectif avoué,
la provocation des patrouilles aériennes américaines près de
l’espace aérien iranien pourrait rapidement se transformer en
conflit militaire ouvert.
Bien que de hauts représentants américains ne
cessent de répéter, comme s’il s’agissait de faits avérés,
que des agents iraniens sont engagés à soutenir des milices
antiaméricaines en Irak, aucune preuve n’a été fournie pour
appuyer ces affirmations. L’ambassadeur américain en Irak,
Zalmay Khalilzad, devait présenter mercredi un « dossier »
sur des preuves concrètes d’envois d’armes iraniennes en
Irak, incluant les numéros de série et les documents de
livraison. Mais ce projet a été repoussé, démontrant que les
« preuves » sont tout aussi minces que les mensonges
concernant les armes de destruction massive, qui avaient été
concoctés pour justifier l’occupation militaire de l’Irak.
Une guerre de propagande
Le manque de preuve n’a pas empêché les médias
américains de publier des articles qui ont tout l’air d’avoir
été concoctés par l’administration Bush, la CIA ou le
Pentagone. Mercredi, un article paru dans le New York Times,
basé sur des sources anonymes des Etats-Unis et de l’Irak, a
insinué que des agents iraniens étaient impliqués dans
l’attaque, le 20 janvier à Karbala, d’une enceinte protégée
où cinq soldats américains avaient été tués.
L’article fournissait des détails concernant
l’attaque, mettant l’accent sur le fait qu’elle avait nécessité
une grande organisation : l’utilisation de cartes
d’identité contrefaites, d’uniformes et de mitraillettes de
type « américain », de véhicules utilitaires de
sport et d’outils de communication. Mais il ne présentait pas
la moindre preuve que des Iraniens, et encore moins des agents du
gouvernement iranien, étaient impliqués. La seule « preuve »
présentée était que l’opération était trop complexe pour
que des insurgés irakiens l’aient menée seuls.
Un haut représentant irakien qui n’a pas été
nommé a soutenu que des francs-tireurs de l’Armée du Mahdi de
l’imam chiite Moqtada al-Sadr étaient armés et contrôlés
directement de l’Iran. Un représentant de l’armée américaine
a suggéré la possibilité d’une vaste conspiration impliquant
de hauts représentants irakiens, lorsqu’il a demandé : « Est-ce
que le gouverneur [de Karbala] était impliqué ? Est-ce que
la police irakienne en service était complice ou tout simplement
incompétente ? »
Le New York Times a exprimé très
ouvertement le véritable objectif de cet article, qui a été
repris et diffusé par l’ensemble des médias : « Lier
l’Iran à cette attaque meurtrière pourrait aider
l’administration Bush, engagée avec l’Iran dans une guerre de
paroles qui va s’intensifiant. »
L’article faisait suite à un autre reportage
douteux du New York Times publié le 29 janvier alléguant
que les « renseignements iraniens » avaient été
impliqués dans l’assassinat de l’ambassadeur égyptien en
Irak, Ihab Al Sharif, peu de temps après son arrivée en Irak en
juin 2005. L’article se basait sur un article publié en une du
journal égyptien Al Ahram, qui ne fournissait aucune autre
preuve que les commentaires de sources anonymes. Les ministres des
Affaires étrangères iranien et égyptien ont tout deux nié les
allégations. À l’époque, al-Qaïda avait revendiqué
l’assassinat. Rien de tout cela n’a cependant empêché le New
York Times de présenter cette histoire comme véridique.
Il est certainement possible que les services
de renseignement iraniens opèrent en Irak, comme le font
d’autres pays, y compris des alliés des Américains comme l’Arabie
saoudite et la Jordanie. L’Iran entretient des liens étroits
avec des partis et des milices chiites, dont ceux qui participent
au gouvernement fantoche des Etats-Unis à Bagdad, et pourrait
bien leur fournir de l’aide. Il est également possible que les
insurgés achètent des armes légalement ou illégalement en
Iran, ainsi que dans d’autres pays. Mais il n’y a aucune
preuve que le gouvernement iranien appuie l’insurrection anti-américaine
en Irak.
Dans des commentaires publiés sur le site
Internet du Conseil des relations étrangères (Council on Foreign
Relations) basé aux États-Unis, Kenneth Pollack de l’Institut
Brookings notait : « L’administration Bush semble
voir les Iraniens comme la source de beaucoup, sinon de tous, les
problèmes de l’Irak aujourd’hui. Pour moi, cela rappelle
dangereusement la manière dont ils parlaient de la Syrie en 2004
et 2005, lorsqu’ils exagéraient de façon ridicule le rôle de
la Syrie dans l’insurrection sunnite. »
Un article paru dans le Los Angeles Times
du 23 janvier notait : « Malgré toute sa rhétorique
agressive, l’administration Bush n’a fourni que des preuves très
limitées pour appuyer ses prétentions [de l’implication
iranienne]. Les journalistes qui voyagent avec les troupes
américaines n’ont pas vu non plus de signes importants
d’implication iranienne. Durant une récente offensive
dans un bastion d’insurgés sunnites ici, on n’a trouvé
qu’une seule mitrailleuse iranienne parmi les dizaines de caches
d’armes découvertes par les Américains. Les officiels
britanniques ont accusé de la même manière l’Iran d’être
impliqué en Irak, mais disent ne pas avoir trouvé d’armes de
fabrication iranienne dans les zones où ils patrouillent. »
Dans une interview accordée le 29 janvier à
un journaliste manifestement hostile du New York Times,
l’ambassadeur iranien en Irak, Hassan Kazemi Oumi, a
vigoureusement nié tout soutien de l’Iran à des milices
anti-américaines. Il a rejeté les preuves saisies par les
troupes américaines lors de raids provocateurs durant lesquels un
certain nombre d’Iraniens avaient été détenus en décembre et
janvier.
« Il a ridiculisé les preuves que les
militaires américains disent avoir recueillies, incluant des
cartes de Bagdad délimitant les quartiers sunnites, chiites et
mixtes — le type de cartes qui, selon les officiels américains,
serait utile à une milice préparant un massacre ethnique. M.
Oumi a répondu que ce type de cartes est si commun et facile à
obtenir qu’il ne prouve rien », cita le journal.
Dans les semaines à venir, l’offensive
propagandiste américaine va sans aucun doute s’intensifier dans
le but d’obscurcir les véritables raisons des préparatifs de
guerre contre l’Iran. En premier lieu, Washington est déterminé
à empêcher l’Iran d’étendre son influence suite aux désastres
créés par les États-Unis dans l’Irak et l’Afghanistan
voisins. Plus largement, cependant, l’administration Bush voit
l’assujettissement de l’Iran qui s’en suivra comme une étape
nécessaire dans le plan depuis longtemps élaboré de domination
américaine sur le Moyen-Orient et l’Asie centrale et leurs
riches réserves de pétrole et de gaz.
(Article original paru le 1er février 2007)
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