El Correo de la Diaspora argentina
Avancée de la
démocratie en Amérique Latine,
un message pour les peuples arabes
Pepe
Escobar
Vendredi 16
décembre 2011
Jetez un bon coup d’œil à cette
photo de 1970.
La femme de 22 ans sur la photo
est sur le point d’être interrogée par
un bouquet d’inquisiteurs subtropicaux.
Elle vient d’être torturée,
d’être soumise à l’électrocution et à la
baignoire - ce que Dick Cheney qualifie
comme un « interrogatoire amélioré » -
durant 22 jours.
Pourtant elle n’a pas craqué.
Aujourd’hui cette femme, Dilma
Rousseff, est la Présidente du Brésil -
le perpétuel « pays du futur », la
septième économie la plus grande du
monde par la parité de pouvoir d’achat
(devant le Royaume-Uni, la France et
l’Italie), membre du BRICS et qui exerce
une puissance douce sur la musique, le
football et la joie de vivre.
Cette photo vient d’être publiée,
dans le cadre d’une biographie de
Rousseff, juste quand le Brésil lance
finalement une Commission de Vérité pour
établir ce qui est vraiment arrivé
pendant la dictature militaire
(1964-1985). L’Argentine, plus en
avance, l’a déjà fait - le fait de juger
et de punir ses propres inquisiteurs
survivants en uniforme.
Ce samedi (10 décembre), Rousseff
sera à Buenos Aires à la cérémonie de la
prise du serment de Cristina Kirchner,
réélue comme Présidente de l’Argentine.
Les présidents de ces deux pays
sudaméricains clés sont des femmes.
Dites-le à la junte Tantawi d’Egypte -
ou à ces modèles de démocratie de la
Maison de Saud.
Ces choses là prennent du temps
Les Egyptiens peuvent ne pas
savoir qu’il n’a fallu aux Brésiliens
pas moins que 21 ans pour se débarrasser
d’une dictature militaire.
L’indestructible Dilma dans la photo est
le pendant des années 70 de la
génération Google d’aujourd’hui luttant
pour la démocratie du Caire jusqu’à
Manama, d’Aleph à l’est de l’Arabie
Saoudite.
La liberté est juste un autre mot
pour dire qu’il n’ y a rien à perdre -
sauf beaucoup de temps. Au Brésil, la
démocratie réelle avançait juste au
moment où elle a été écrasée par le coup
militaire de 1964 - activement supervisé
par Washington. Le coma a duré deux
longues décennies.
Alors, au cours des années 1980,
les militaires ont décidé de doubler
leur transition à pas de tortue vers la
démocratie de façon « lente, graduelle
et sûre » - sûre pour eux mêmes,
évidemment. Mais ce fut la rue – dans le
style Place Tahrir – qui finalement mit
le turbo.
Le renforcement des institutions
démocratiques a pris dix ans - incluant
une destitution présidentielle pour
corruption. Et il a fallu encore huit
ans de plus pour que le président –
immensément populaire Lula, qu’Obama a
salué comme « l’homme » - ouvre la voie
à Dilma.
Donc la route fut longue pour que
dans un des pays les plus inégalitaire
au monde - gouverné durant des siècles
par une élite arrogante, avide qui avait
seulement des yeux pour le Nord riche
–finalement l’inclusion sociale soit
intégrée comme quelque chose d’essentiel
à la politique nationale.
Le progrès au Brésil était
semblable à beaucoup d’autres contrées
de l’Amérique du Sud.
Une apogée partielle fut atteinte
la semaine dernière, quand la nouvelle
Communauté d’États Latinoaméricains et
des Caraïbes (connu par son acronyme,
CELAC) s’est réunie à Caracas. CELAC a
commencé comme une idée flamboyante pour
l’émergence – d’un nouveau système
monde, comme dirait Immanuel Wallerstein
- d’une nation latinoaméricaine
intégrée, basée sur la justice, le
développement durable et l’égalité. Deux
hommes ont contribué au processus - Lula
et le Président vénézuélien Hugo Chavez.
Leur vision a convaincu tout le monde ,
du Président Uruguayen « Pepe » Mugica -
un ancien chef guérilleros - au
Président chilien Sebastian Pinera, un
banquier.
Alors, maintenant au milieu de la
crise agonique qui traverse le Nord
Atlantiste, l’Amérique latine surgit
avec la possibilité d’une vraie «
troisième voie » (oubliez la variante
Tony Blair).
Pendant que l’Europe – sous le
dictat du Dieu Marché – gère le prochain
appauvrissement de ses propres gens,
l’Amérique latine accélère son pas vers
une plus grande inclusion sociale.
Et pendant que pratiquement toute
la latitude de l’Afrique du Nord au
Moyen-Orient rêve de démocratie,
l’Amérique latine peut actuellement
soumettre à l’examen les fruits
péniblement gagnés de ses aboutissements
démocratiques.
Restez concentrés, n’attendez
aucun cadeau.
La CELAC est un pari puissant sur
un dialogue vigoureux Sud-sud.
L’organisme, à ce stade initial, sera
dirigé par le Chili, Cuba et le
Venezuela.
L’ancien chef de guérilleros
Tupamaro et actuel président de
l’Uruguay « Pepe » Mugica l’a exprimé
très clairement à Caracas que le chemin
vers le rêve d’intégration
latinoaméricaine ne sera pas
inévitablement parsemé de roses. Un bon
nombre de batailles idéologiques seront
livrées avant qu’un large projet
politique et économique prenne forme.
La CELAC complète l’Unasur -
l’Union sudaméricaine - dominé par le
Brésil. L’Unasur est également encore à
ses débuts ; pour le moment c’est
essentiellement un forum.
Et ensuite, il y a le Mercosur -
le marché commun du Brésil, l’Argentine,
Uruguay, Paraguay et, bientôt, le
Venezuela. À Caracas, tant Dilma que
Cristina ont sellé leur future
intégration avec Chavez.
Le principal partenaire
commercial du Brésil est la Chine ;
avant c’étaient les Etats-Unis. Bientôt
le numéro deux sera l’Argentine -
dépassement aussi les Etats-Unis. Le
commerce dans Mercosur est florissant -
et continuera ainsi à croître avec
l’incorporation du Venezuela.
Pourtant ils ne manqueront pas
d’embûches sur le sentier vers
l’intégration. Le Chili préfère des
accords bilatéraux. Le Mexique regarde
vers le nord d’abord - à cause du NAFTA.
Et l’Amérique Centrale devient
pratiquement une satrapie des Etats-Unis
à cause du CAFTA.
Enfin, l’Unasur a approuvé
récemment un projet stratégique crucial
dans les termes géopolitiques ; un
réseau en fibre optique de 10 000 kms,
administré par des compagnies publiques
locales, pour se débarrasser de la
dépendance avec les Etats-Unis.
Pour le moment, au moins de 80 %
de la circulation de données
internationales en Amérique Latine passe
par des câbles sous-marins vers Miami et
la Californie - deux fois le pourcentage
de l’Asie et quatre fois celui de
l’Europe.
Les tarifs Internet en Amérique
Latine sont trois fois plus chers qu’aux
Etats-Unis. Il est difficile de parler
de souveraineté et d’intégration sous de
telles conditions.
Washington - qui exporte trois
fois plus vers l’Amérique Latine que
vers la Chine – en fait est et restera
concentré ailleurs ; en Asie, là où
l’administration d’Obama aime promouvoir
l’agenda du Siècle du Pacifique.
Le fait est que Washington -
aussi bien que les conservateurs
latino-américains - n’ont rien à
proposer aux peuples de l’Amérique
Latine, ni politiquement ni
économiquement. Donc c’est aux
Latinoaméricains de perfectionner leurs
démocraties, de faire avancer leur
propre intégration régionale et
concevoir des modèles sociaux et
démocratiques alternatifs au
néolibéralisme pur et dur.
Par un de ces trucs joués par
l’Ange de l’Histoire Walter Benjamin, le
temps est peut être maintenant venu pour
les Latinoaméricains de partager leur
expérience avec leurs frères et sœurs de
Moyen Orient dans le Sud mondial.
La route est longue
effectivement. Elle a commencé avec une
femme de 22 ans faisant baisser les yeux
à une dictature.
Et il n’y a aucun retour en arrière.
Pepe Escobar est l’auteur de : «
Globalistan : How the Globalized World
is Dissolving into Liquid War » (Nimble
Books, 2007) ; « Red Zone Blues : a
snapshot of Baghdad during the surge » ;
« Obama does Globalistan » (Nimble
Books, 2009).
Traduit de l’espagnol pour
http://www.elcorreo.eu.org/?El-mens...
par : Estelle et Carlos Debiasi
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