Lundi 22 novembre 2010
http://www.a-w-i-p.com/index.php/...
Des
inconnus, en Israël, ayant diffusé les noms, les grades, les
codes d’identification et d’autres informations sur environ
deux-cents militaires israéliens qui auraient participé à
l’invasion de la bande de Gaza en 2008-2009, l’effet fut soudain
et profond, indiquent certaines sources d’information
israéliennes.
Bien que
le premier site sur lequel ces informations sont apparues ait
été fermé par son hébergeur, cette liste a continué à circuler
via les méls et elle a été affichée sur un autre site :
http://s242816488.onlinehome.us/criminals/
L’armée
et d’autres institutions israéliennes aurait, dit-on, fait tout
leur possible pour faire fermer tous les sites sur lesquels
cette liste avait été affichée et de faire en sorte d’éviter
qu’elle ne se répande à la vitesse d’un virus informatique. Au
moins un site très populaire présentant un lien avec le site
initial a reçu un nombre record de menaces de mort.
Qu’a
donc cette liste de si spécial ? Comme l’ont fait observer
plusieurs de ses détracteurs, elle n’indique même pas les crimes
que les personnes listées sont supposées avoir perpétrés.
L’origine du problème, selon ces sources en Israël, est un
secret de Polichinelle, à savoir qu’il est difficile de servir
dans l’armée israélienne sans commettre de crimes de guerre,
étant donné que ce genre de crime est une question de politique.
Y a-t-il, en effet, un seul soldat israélien qui n’ait donné
l’ordre à un civil palestinien d’ouvrir la porte d’un immeuble
censé abriter des activistes armés ou avoir été piégé aux
explosifs ? Quel soldat israélien n’a-t-il pas refusé le passage
à des ambulances ou empêché par quelque autre moyen un
Palestinien d’accéder à des soins médicaux, à l’éducation ou à
son lieu de travail ?
Certains
d’entre eux, bien entendu, sont allés beaucoup plus loin ; ils
ont ciblé de manière délibérée des civils désarmés (comme dans
les « zones tampons » tout au long de la bande de Gaza), ils ont
torturé des prisonniers et ils ont ordonné, ou participé à des
morts, des blessures et des destructions massives, à tel ou tel
moment. Ces actes ont été lourdement attestés par nombres
d’instances crédibles, comme le Centre Palestiniens pour les
Droits de l’Homme, Amnesty International, la Commission
Goldstone, Human Rights Watch et B’tselem.
Ce qui
faisait jusqu’ici particulièrement défaut, c’était
l’établissement de la responsabilité. A n’en pas douter,
certaines victoires isolées ont été remportées, généralement non
sans d’énormes efforts. A l’intérieur d’Israël, des procès et
des sanctions exemplaires, comme l’inculpation du soldat qui a
tué le militant britannique des droits de l’homme Tom Hurndall,
continuent à fournir une mince tunique de respectabilité au
système judiciaire israélien. Au-delà du contrôle israélien,
toutefois, des officiers supérieurs israéliens ont été
contraints d’éviter de voyager dans un nombre croissant de pays
de peur d’y tomber sous le coup de mesures judiciaires.
Néanmoins, personne n’avait jusqu’ici réussi à faire redouter
aux Israéliens ordinaires d’être soumis personnellement à une
telle pression de cette nature.
La
publication des deux cents change tout. Cette liste contient les
noms de rares officiers supérieurs, mais beaucoup de ceux qui y
figurent sont des militaires du rang, au-dessous des officiers
et jusqu’au grade de sergent. Cette liste a pour effet de
préoccuper les Israéliens ordinaires qui pourraient, eux aussi,
faire l’objet d’arrestations à l’étranger, sans bénéficier, de
surcroît, de la protection dont des officiers supérieurs à
l’entregent importante bénéficient généralement. Ils savent ce
qu’ils ont fait, ou ce qu’ils avaient reçu l’ordre de faire, ou
ce qu’ils ont donné l’ordre à d’autres qu’eux de faire, et ils
peuvent supposer qu’ils sont susceptibles eux aussi de se voir
demander des comptes par des juridictions étrangères sur
lesquelles leur gouvernement n’a qu’un contrôle extrêmement
limité.
Nombre
d’Israéliens redoutent d’ores et déjà qu’un monde antisémite ne
soit en train de rechercher un prétexte pour mettre un terme à
l’expérimentation sioniste. Il n’y a, de ce fait, pas très loin
d’ici à penser qu’ils pourraient être utilisés comme des pions –
ou comme des boucs émissaires – dans le chœur croissant des
personnes qui prennent la parole pour défendre les droits des
Palestiniens et dénoncer les exactions israéliennes.
Couplée
à cela, il y a l’addiction des Israéliens pour les vacances à
l’étranger, qui sont une obsession nationale et presque un
droit, dans l’esprit de nombre d’entre eux. Le résultat, c’est
que soudain, avec la publication de la liste des 200 (criminels
de guerre israéliens, ndt), la perspective d’être tenu pour
responsable à l’extérieur d’Israël n’a plus rien d’une
abstraction qu’il appartient aux diplomates, à la politique
gouvernementale et aux récits journalistiques de traiter. Cela
les menace personnellement.
Ce fait
a de graves conséquences pour la société israélienne. Cela
augmente potentiellement le nombre des jeunes qui s’efforceront
d’échapper au service militaire, ainsi que les taux d’émigration
(à la hausse) et d’immigration (à la baisse), ainsi que d’autres
paramètres d’engagement à l’égard d’Israël et de son armée.
Surtout, selon ces sources, cela risque d’amener des soldats à
commencer à mettre en question la politique et les ordres bien
plus que par le passé, en raison de la façon dont ils risquent
de les affecter personnellement. Le débat a d’ores et déjà lieu,
autour de la question : « Suis-je susceptible d’être tenu pour
responsable ? »
La
réponse apportée à cette question est susceptible de déterminer
potentiellement s’il sera possible de monter une offensive
massive contre une population dépourvue de toute force militaire
effective, comme à Gaza, ou si les bombardements de saturation,
les bombes à sous-munitions et l’uranium appauvri pourront être
ou non utilisés, comme au Liban. C’est là une perspective
redoutable pour le commandement militaire israélien, et
certaines sources, en Israël, pensent que la publication de la
liste des 200 (criminels de guerre sionistes) a d’ores et déjà
eu un tel effet.
Il est
toutefois plus vraisemblable qu’une telle mobilisation soit
quelque peu prématurée. Même s’il est peu vraisemblable
qu’Israël parviendra à faire re-rentrer le génie dans sa lampe à
huile, après la publication de la liste des 200. Celle-ci se
répand actuellement d’un lieu à un autre dans le cyberespace,
via des sites ouèbe et des méls (bien qu’Israël semble avoir
temporairement réussi à bannir cette liste de Facebook).
Toutefois, cette liste génèrera-t-elle des recherches plus
approfondies et la diffusion d’information sur les crimes en
puissance perpétrés par les individus qui y sont nommés, et
entraînera-t-elle la publication d’autres listes de même
nature ?
D’après ces sources israéliennes, l’armée, et
peut-être également d’autres instances, ont mis les bouchées
doubles pour retrouver les origines de cette fuite. C’est là une
réponse israélienne typique à ce genre de problème. Au lieu de
se demander pour quelle raison certains groupes ou certaines
individualités, en Israël, sont prêts à prendre d’énormes
risques pour obtenir que cette société soit tenue pour
responsable de ses actes, Israël préfère mettre le problème sur
le compte de juifs traîtres, haineux d’eux-mêmes et, pour tout
dire, antisémites, et d’instiller de la peur et de la haine, en
guise de moyens (foireux) censés éviter aux Israéliens d’avoir à
faire leur examen de conscience.
Paul Larudee est un des fondateurs des deux
mouvements Free Gaza ! et Free Palestine !, il est l’un des
organisateurs de l’International Solidarity Movement (ISM).