Alter Info
Comment
la « conscience morale » pourrait-elle être le privilège d'un
Occident immoral ?
Paul Craig Roberts

Paul Craig Roberts - Photo Alter Info
22 janvier 2008 «
Le premier usage des armes nucléaires doit rester en réserve
dans l'escalade comme ultime recours pour empêcher l'utilisation
d'armes de destruction massive. » Cinq chefs militaires
occidentaux.
J'ai lu cette déclaration trois fois, essayant
de comprendre où était la coquille. Et puis, ça m'a frappé,
l'Occident est aujourd'hui plus orwellien qu'Orwell lui-même :
L'Occident est tenu d'atomiser d'autres pays afin de prévenir
l'emploi d'armes de destruction massive ! Dans son parler,
l'Occident atomisant d'autres pays ne peut être qualifié
d'utiliser des armes de destruction massive.
Cette incroyable déclaration
provient d'un document de travail, préparé pour un sommet de
l'OTAN en avril par cinq officiers supérieurs militaires, un Étasunien,
un Allemand, un Néerlandais, un Français et un Britannique. (L'OTAN
déclare option clé la prévention par frappe nucléaire, par
Ian Traynor, The Guardian du 22 janvier 2008.)
Le document, préparé
par des hommes considérés en chefs éminents, et non pas en échappés
d'asiles d'aliénés, soutient que « les valeurs de l'Occident
et son mode de vie sont menacés, mais qu'il se bat pour faire
venir la volonté de les défendre. » Ces chefs constatent
que l'ONU fait obstacle à la volonté de l'Occident, comme
l'Union Européenne, qui gêne l'OTAN et « la crédibilité de
l'OTAN qui est en jeu en Afghanistan. »
Et c'est une
affaire grave. Si l'OTAN perd de sa crédibilité en Afghanistan,
tout comme l'Union Soviétique la civilisation occidentale
s'effondrera. L'Occident ne réalise tout simplement pas à quel
point il est fragile. Pour se renforcer, il doit lâcher davantage
de plus grosses bombes.
Le chef militaire
allemand reproche au gouvernement Merkel de contribuer à
l'impuissance de l'Occident à défendre ses valeurs en faisant
obstacle au renouveau du militarisme allemand. Comment l'Allemagne
peut-elle être « un partenaire sûr » des États-Unis,
demande-t-il, quand le gouvernement allemand s'appesantit sur des
« règles spéciales » qui limitent le recours au combat
par ses forces en Afghanistan ?
Ron Asmus,
directeur du Fond Marshall Allemand et ancien fonctionnaire du
Ministère des Affaires Étrangères étasunien, a accueilli le
document comme un « appel au réveil. » Asmus veut dire,
un appel au réveil contre la menace du monde barbare, et non pas
contre la folie des dirigeants occidentaux.
Qui menace les
valeurs et le mode de vie de l'Occident ? Le fanatisme politique,
le fondamentalisme religieux, et la dissémination imminente
d'armes nucléaires, répondent les cinq évadés d'asile.
Par fanatisme
politique, parlent-ils des néo-conservateurs, qui pensent que
l'avenir de l'humanité dépend d'établissement sur le monde de
l'hégémonie étasunienne ? Par fondamentalisme religieux,
pensent-ils à la campagne pour l'Armageddon du « ravissement
évangélique » ou des Chrétiens et des Sionistes israéliens,
qui exigeant une attaque nucléaire contre l'Iran ? Par dissémination
des armes nucléaires, parlent-ils de la possession de plusieurs
centaines d'armes nucléaires non déclarées et illégales par
Israël ?
Non, les chefs
militaires paranoïaques considèrent que tout le fanatisme,
religieux et autres, de même que toute menace contre l'humanité,
provient de l'extérieur de la civilisation occidentale (Israël
est dedans). Le « monde de plus en plus barbare, » contre
lequel les chefs mettent en garde, est « là-bas. » Seuls
les Musulmans sont fanatiques. Nous tous, les blancs, sommes
rationnel et sensés.
Il n'y a rien de
barbare dans le bombardement de la Serbie, de l'Irak et de
l'Afghanistan par les États-Unis et l'OTAN, ou dans le
bombardement du Liban par les israéliens, ou dans le nettoyage
ethnique d'Israël en Cisjordanie, ou dans le génocide qu'Israël
espère commettre contre les Palestiniens de Gaza.
Tout cela, de même
que le bombardement de la Somalie par les États-Unis, leurs geôles
à torture, les procès spectacles de « détenus, » et
renverser les gouvernements élus pour installer des dirigeants
fantoches, est la réaction indispensable de l'Occident pour
repousser le monde barbare.
Le cruel pense que
ce qui se passe dans le « monde barbare » est entièrement
de la faute de ses habitants. Rien de tout ça n'arriverait s'ils
faisaient simplement ce qu'on leur dit. Comment le monde civilisé,
avec son monopole sur la moralité, pourrait-il permettre aux
peuples du monde barbare de devenir indépendants ? Je veux dire,
réellement indépendants ! Dieu nous en garde, ils pourraient
attaquer quelque pays innocent.
Le « monde
barbare » consiste en ces fanatiques immoraux qui s'opposent
à être marginalisés par l'Occident, et qui répliquent aux
bombardements aériens massifs, à la mort et aux destructions qui
leurs sont infligées de multiples façons, en se sanglant de
bombes suicide.
Incapable d'imposer
sa volonté aux pays qu'il ont envahi avec des armes classiques,
les chefs militaires de l'Occident sont désormais prêts à
forcer le respect de la volonté du monde moral en menaçant
d'atomiser ceux qui résistent. Vous comprenez, puisque l'Occident
a le monopole de la moralité, de la vérité et de la justice, et
que ceux du monde extérieur sont manifestement mauvais, méchants
et cruels. Par conséquent, comme le Président Bush nous l'a dit,
il s'agit d'un simple choix entre le bien et le mal, et il n'y a
pas meilleur candidat que le mal pour être atomisé. Plus tôt
nous éliminerons le monde barbare, plus tôt nous aurons « la
liberté et la démocratie » partout dans le monde qui
restera.
Pendant ce temps-là,
les États-Unis, la grande lumière morale du monde, viennent
d'empêché l'ONU de critiquer Israël, l'autre grande lumière
morale du monde, pour avoir coupé l'approvisionnement
alimentaire, les fournitures médicales, et le courant électrique
de Gaza. Vous comprenez, Gaza, dans le monde extérieur, est un
foyer de sales types. De plus, il y a ces affreux Palestiniens qui
ont dupé les États-Unis quand ils leur ont permis de tenir des
élections libres. Au lieu d'élire le candidat étasunien, les méchants
électeurs ont élu un gouvernement qui les représentent. Les États-Unis
et Israël ont annulé l'élection palestinienne en Cisjordanie,
mais ceux de Gaza se sont accrochés au gouvernement qu'ils ont élu.
Maintenant, ils vont souffrir et mourir jusqu'à ce qu'ils élisent
le gouvernement voulu par les États-Unis et Israël. Je veux
dire, comment pouvons-nous espérer des gens du monde barbare
qu'ils sachent ce qui est bon pour eux ?
Le fait que les
Nations Unies aient tenté d'empêcher le juste châtiment d'Israël
dans la Bande de Gaza, montre la justesse du rapport des cinq
chefs à propos de la menace que présente l'ONU pour les valeurs
de l'Occident et son mode de vie. L'ONU est vraiment contre nous.
Ça situe l'ONU dans le monde extérieur, et ça fait d'elle une
postulante à l'atomisation, même si ce n'est pas une véritable
organisation terroriste. Comme notre président l'a dit, « vous
êtes avec ou contre nous. »
Les États-Unis et
Israël ont besoin d'un gouvernement fantoche en Palestine afin
que les ghettos, vestiges de la Palestine, puissent être
transformés en « solution fondée sur deux États. » Les
deux États seront Israël, incorporant la Cisjordanie dérobée,
et les ghettos palestiniens sans économie, ni eau, ni frontières
attenantes.
C'est nécessaire
afin de protéger Israël du monde barbare extérieur.
Les habitants du
monde barbare sont troublés par l'« autodétermination »
préconisée par les dirigeants occidentaux. Cela ne veut pas dire
que ceux en dehors de la civilisation occidentale et d'Israël
doivent décider par eux-mêmes. « Auto » veut dire étasunien.
Ce terme, à nous si familier, signifie « détermination étasunienne.
» Les États-Unis décident, les autres obéissent.
C'est le monde barbare qui provoque tous les
problèmes en n'obéissant pas.
Paul
Craig Roberts fut Secrétaire Adjoint au Trésor dans
l'administration Reagan. Il est l'auteur de Supply-Side
Revolution : An Insider's Account of Policymaking in Washington,
Alienation
and the Soviet Economy et Meltdown:
Inside the Soviet Economy, et est coauteur avec Lawrence M.
Stratton de The
Tyranny of Good Intentions : How Prosecutors and Bureaucrats Are
Trampling the Constitution in the Name of Justice. Clic ici
pour l'entrevue [en anglais] de Peter Brimelow de Forbes Magazine
avec Roberts au sujet de la récente épidémie d'inconduite des
procureurs.
Original : http://www.vdare.com/roberts/080122_moral.htm
Traduit au mieux par Pétrus Lombard pour Alter
Info
 |