Réseau Voltaire
Obama est en train de se transformer en un
Dick Cheney
Paul Craig Roberts

Paul Craig Roberts
Lundi 15 juin 2009
Au cours de sa visite au Moyen-Orient et avant tout avec son
discours à l’Université du Caire, le président Obama a tenté de
gagner à sa politique un large public arabe et islamique . De
nombreux médias du monde entier l’ont soutenu unanimement, comme
s’ils s’étaient concertés. Ceux qui se sont montrés sceptiques
et ont demandé que les actes succèdent aux paroles n’ont
généralement pas été pris au sérieux. Or ces demandes sont tout
à fait justifiées : non seulement l’expérience que l’on a de la
politique étrangère américaine au cours des dernières décennies
mais également celle des déclarations d’Obama et de ce qu’il a
fait jusqu’ici. C’est ce qu’explique Paul Craig Roberts,
ex-sous-secrétaire au Trésor des États-Unis.
Les États-Unis et leur président ont perdu leur âme. Un pays
désespéré a élu un président qui promettait le changement. Des
États-uniens étaient venus de tout le pays assister à
Washington, par un froid glacial, à la cérémonie de prestation
de serment. Aucun autre président n’avait attiré une telle
foule. La bonne disposition du peuple à son égard et ses
attentes suffisait pour qu’il mette fin aux guerres gratuites et
fasse passer des réformes importantes, mais il a trahi le peuple
pour favoriser d’autres intérêts. Il se fie à son attitude et à
sa rhétorique modérées pour convaincre les gens que le
changement est en route.
Or le changement que nous observons est en lui et non dans sa
politique. Il est en train de se transformer en un Dick Cheney.
Il est en fonctions depuis à peine quatre mois et l’on pourrait
déjà écrire un livre entier sur les promesses qu’il n’a pas
tenues.
Il avait déclaré qu’il allait fermer Guantanamo, la prison où
l’on torturait, et abolir les cours illégales connues sous le
nom de tribunaux militaires. Mais maintenant, il dit qu’il va
réformer ces tribunaux et poursuivre les procédures, mais sans
aveux obtenus sous la torture. Appuyant son adhésion à la
politique de Bush/Cheney, les démocrates de la Chambre des
représentants lui ont refusé le budget nécessaire à la fermeture
de Guantanamo.
On continuera d’enlever des personnes (en général sur la foi
de fausses informations fournies par leurs adversaires) et de
les interner dans des prisons du tiers-monde pour les y
interroger. Une nouvelle fois, Obama a remplacé par une
« réforme » sa promesse d’abolir une pratique illégale. Selon
lui, la pratique des détentions secrètes (renditions) a été
réformée et n’impliquera plus la torture. Comment le savoir ?
Obama va-t-il confier à un agent du gouvernement la mission de
surveiller les traitements réservés par des brutes du
tiers-monde aux personnes enlevées ? Étant donné la propension
de la police états-unienne à brutaliser les citoyens
états-uniens, rien ne peut garantir que les victimes ne seront
pas torturées.
Obama a défendu le programme d’écoutes téléphoniques sans
mandat de l’Agence de sécurité nationale (NSA) instauré par
l’administration Bush/Cheney et confirmé l’argumentation
juridique selon laquelle l’« immunité de juridiction » protège
les fonctionnaires gouvernementaux de toutes poursuites pénales
et civiles lorsqu’ils violent les lois états-uniennes et les
droits constitutionnels des citoyens. Le ministère de la Justice
d’Obama a pris la défense de Donald Rumsfeld dans un procès
intenté par des détenus dont Rumsfeld avait violé les droits.
Par une « déclaration signée » [1],
Obama a renoncé ce mois-ci à protéger les whistleblowers,
ceux qui révèlent au Congrès les actions illégales de
l’exécutif.
Obama revendique des pouvoirs encore plus étendus que Bush
pour l’exécutif. À ce sujet, Bruce Fein écrit : « En principe,
le président Obama soutient que les victimes des agissements
anticonstitutionnels du gouvernement américain ne pourront pas
porter plainte, cela afin d’empêcher les Américains et le monde
entier de tirer les leçons des actes illégaux perpétrés au nom
de la sécurité nationale et d’exiger des responsables qu’ils
répondent de leurs actes politiquement et juridiquement. » En
d’autres termes, Obama s’est engagé à couvrir les crimes du
régime Bush et à assurer que son propre régime pourra continuer
à agir de manière illégale et anticonstitutionnelle.
Obama s’oppose à la publication de la dernière série
d’épouvantables photos de tortures qui viennent d’être
découvertes. Il prétend que cette publication va susciter la
colère des insurgés et les amener à tuer des GI’s. Bien sûr que
c’est insensé. Ceux qui résistent à l’occupation de leur pays
par les troupes états-uniennes et les mercenaires de l’OTAN ont
déjà pour vocation de tuer nos soldats et ils savent que les
États-uniens torturent tous ceux qu’ils capturent. Obama
s’oppose à cette publication parce qu’il sait que l’image
barbare de l’armée US que donnent ces photos va saper l’appui
aux guerres qui enrichissent le complexe militaro-sécuritaire,
qui calment le lobby pro-Israël et récompensent ceux qui ont
financé sa campagne.
Obama est également revenu sur sa promesse de retirer les
troupes d’Irak. À la consternation de ses partisans, il laisse
là-bas 50 000 GI’s. Les autres sont envoyés en Afghanistan et au
Pakistan où, sous les yeux d’Obama, la guerre a éclaté sur une
grande échelle et où les bombardements de civils ont déjà fait
un million de réfugiés.
Et la guerre contre l’Iran reste une option. Sur l’insistance
de Washington, l’OTAN effectue des manœuvres sur un ancien
territoire soviétique, préparant la voie à un futur
enrichissement du complexe militaro-sécuritaire états-unien. Le
chômage états-unien qui monte en flèche fournit les troupes
nécessaires aux guerres expansionnistes d’Obama.
Le président peut faire de grands discours sans malmener la
langue anglaise. Il sait sourire et amener les gens à croire à
sa rhétorique. Le monde, ou du moins une grande partie de
celui-ci, semble se satisfaire des paroles modérées qui font
passer la politique de suprématie de l’Exécutif et d’hégémonie
mondiale qui était celle de Dick Cheney.
[1]
Signing statement :
acte par lequel le président modifie la signification d’un texte
de loi.
Cet article a été publié dans Horizons et débats du 15
juin 2009. (PDF - 904.1 ko)

Paul Craig Roberts est
l’auteur de la loi Kemp-Roth. Il fut sous-secrétaire au Trésor
de l’administration Reagan. Il fut rédacteur en chef adjoint au
Wall Street Journal et rédacteur à la National Review
Version originale publiée par
Informationclearinghouse.info.
Version française :
Horizons et débats
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