Opinion
L’OTAN prolonge l’autorisation
pour le bombardement de la Libye jusqu’en septembre
Patrick O'Connor
Des insurgés près de Misrata
Mardi 7 juin 2011
L’OTAN a annoncé hier qu’elle continuera son intervention
militaire en Libye pour un autre 90 jours, prolongeant la
période initiale de 90 jours qui aurait expiré le 27 juin. Le
bombardement criminel du pays nord-africain riche en pétrole a
maintenant été formellement autorisé jusqu’à la fin de
septembre. Washington et ses alliés européens préparent
clairement une campagne intensifiée visant à évincer le
gouvernement dirigé par Mouammar Kadhafi et à installer une
administration satellite à Tripoli.
La prolongation de 90 jours a été acceptée à l’unanimité dans
une réunion tenue à Bruxelles, qui impliquait des ambassadeurs
des 28 États membres, ainsi que des diplomates de la Jordanie,
du Qatar, des Émirats arabes unis, du Maroc et de la Suède. Les
États-Unis et ses alliés ont ensuite souligné que l’autorisation
prolongée ne représentait pas une date limite. Le porte-parole
du Pentagone, le colonel Dave Lapan a déclaré que mettre fin à
cette campagne « dépend des conditions sur le terrain », et que
Washington fera partie de la mission « jusqu’à ce que les
objectifs soient remplis ».
Le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a
publié une déclaration sur la prolongation des 90 jours :
« Cette décision envoie un message clair au régime Kadhafi —
nous sommes déterminés à continuer notre opération pour protéger
la population libyenne. Nous maintiendrons nos efforts afin de
remplir le mandat des Nations unies. »
Ces prétextes pour la guerre de l’OTAN ont été complètement
discrédités. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont
mené la campagne pour un changement de régime en Libye dans le
but de réaffirmer leurs intérêts régionaux géostratégiques après
les soulèvements en Tunisie et en Égypte, puis afin d’installer
un régime plus soumis aux demandes des sociétés pétrolières
transnationales cherchant à exploiter les réserves lucratives de
pétrole du pays.
Les dirigeants de l’OTAN font maintenant peu d’effort pour
dissimuler que les opérations militaires visent à évincer
Kadhafi du pouvoir, un but qui n’est pas autorisé par le
« mandat » supposément fourni par l’ONU. Des tentatives répétées
d’assassinats contre Kadhafi et sa famille ont eu lieu durant la
campagne militaire. Pour l’administration Obama et ses
partenaires, la Résolution 1973 du Conseil de sécurité des
Nations unies n’a jamais servi à autre chose que fournir une
couverture diplomatique et pseudo-légale à l’intervention
impérialiste.
Les dirigeants américains, britanniques et français ont
délibérément saboté toute possibilité de fin de la guerre en
Libye négociée entre le régime de Khadafi et les forces de
l’opposition situées dans la ville de Benghazi à l’est. Les
efforts du gouvernement italien pour résoudre la situation en
laissant à Khadafi une « porte de sortie politique » ont été
contrés par la demande que le dirigeant libyen soit accusé de
crimes de guerre. Cette demande a été émise le mois dernier par
la Cour pénale internationale.
Il semble maintenant que le moment choisi pour l’autorisation
de 90 jours de l’OTAN pour bombarder soit, au moins
partiellement, destiné à saborder les demandes de l’Union
africaine pour une « feuille de route », qui implique un
cessez-le-feu immédiat, incluant la fin des bombardements de
l’OTAN. Le président sud-africain, Jacob Zuma, a visité Tripoli
lundi pour rencontrer Kadhafi. Il a dit que le dirigeant libyen
était prêt à mettre en oeuvre la feuille de route de l’Union
africaine. L’OTAN a répliqué en déployant une nouvelle ronde de
frappes aériennes immédiatement après que Zuma a quitté la
capitale libyenne.
Selon les statistiques de l’OTAN, les forces aériennes
américaines et européennes ont mené 9183 sorties depuis le 31
mars. Le gouvernement libyen, cette semaine, a rapporté que son
ministère de la Santé a rapporté, entre le 19 mars et le 26 mai,
718 civils morts et 4067 blessés, dont 433 blessés graves. Le
bilan des victimes pour l’armée libyenne est probablement encore
plus élevé, mais ces chiffres ne sont pas divulgués.
Le nombre de morts grandissant expose la fausseté des
prétentions de l’OTAN à « protéger le peuple libyen ». Une autre
escalade est en train d’être préparée, alors qu'au moins quatre
hélicoptères Apache britanniques qui s’approchent maintenant des
eaux libyennes près de la ville contestée de Misrata. Il a été
rapporté que douze hélicoptères Tiger français se trouvent en
mer Méditerranée, en route vers la Libye.
Il y a aussi des preuves que, en violation directe de la
résolution d’interdiction des Nations unies contre toute force
d’occupation entrant en Libye, davantage d’équipes spéciales
américaines et européennes sont actives sur le terrain,
cherchant à rallier les hommes de main anti-gouvernement, qui
sont inefficaces, en une force cohérente. Al-Jazira, plus
tôt cette semaine, a filmé six Occidentaux, dont cinq étaient
armés, en train de discuter avec des commandants « rebelles »
près de Misrata. Les hommes ont rapidement fui lorsqu’ils ont
réalisé qu’ils étaient filmés.
Le Guardian, citant des sources anonymes « très bien
informées », a rapporté que ces personnes étaient d'anciens
membres des forces d'élite britanniques, les SAS. L'article a
indiqué que l'OTAN avait recours à des mercenaires pour
l'assister dans sa campagne de bombardements. « D'anciens
soldats des SAS et d'autres employés de compagnies de sécurité
privées occidentales aident l'OTAN à identifier des cibles dans
la ville portuaire libyenne de Misrata, le théâtre d'intenses
combats entre les forces de Mouammar Kadhafi et les rebelles »,
explique le quotidien. « Les anciens soldats sur place ont la
bénédiction de la Grande-Bretagne, de la France et d'autres pays
de l'OTAN, qui leur ont fourni de l'équipement de communication.
Ils vont probablement fournir des informations aux pilotes des
hélicoptères d'attaque britanniques et français, qui devraient
attaquer certaines cibles dans les environs de Misrata cette
semaine. »
Un article semblable paru dans l'édition d'hier du Daily
Mirror soutenait que les forces de mercenaires étaient
payées par le ministère de la Défense. Une source anonyme haut
placée de l'armée a dit : « Ils représentent la Grande-Bretagne
— que cela ait été nié ou non — et le gouvernement britannique a
donné son feu vert, par des voies indirectes … le gouvernement
est malhonnête en niant qu'il y a des soldats sur place, c'est
le moins qu'on puisse dire. »
Londres a admis qu'un petit nombre (« environ dix ») de
« conseillers » des forces spéciales britanniques se trouve à
Benghazi, mais nie que d'autres sont actifs à Misrata ou dans
d'autres zones de combat.
Le soi-disant Conseil national de transition à Benghazi — qui
est formé de membres de l'ancien régime de Kadhafi,
d'organisations islamistes, d'exilés de retour au pays et
d'éléments à la solde de la CIA — a été louangé par les
États-Unis et les puissances européennes comme étant la force
légitime pour la « démocratie » en Libye. Cette assertion a été
une fois de plus démentie hier lorsque le Conseil des droits de
l'homme de l'ONU a publié un rapport condamnant les « rebelles »
pour la perpétration de crimes de guerre.
Comme on pouvait s'y attendre, le rapport s'est surtout
concentré sur les forces de Kadhafi, concluant que « des crimes
contre l'humanité et des crimes de guerre avaient été commis »
par le régime, mais il a ajouté qu'il « avait établi que
certains actes de torture, des traitements cruels et certains
outrages à la dignité humaine commis lors d'actes visant à
humilier et dégrader ont été commis par les forces armées de
l'opposition, surtout contre des personnes en détention, des
travailleurs migrants et ceux soupçonnés d'être des
mercenaires. »
Ces conclusions viennent s'ajouter à plusieurs autres
rapports détaillant les activités des escadrons de la mort à
Benghazi qui attaquent des gens associés au gouvernement
Kadhafi. Les opérations de ces escadrons de la mort vont sans
aucun doute être intensifiées au lendemain d'un attentat à la
voiture piégée commis hier, à l'extérieur d'un hôtel de Benghazi
utilisé par des diplomates étrangers venus rencontrer le Conseil
de transition national. La direction « rebelle » a aussitôt
accusé les agents de la « cellule dormante » de Kadhafi présents
dans la ville.
(Article original paru le 2 juin 2011)
Copyright 1998 - 2011 - World Socialist
Web Site- Tous droits réservés
Publié le 7 juin 2011 avec l'aimable autorisation du WSWS
Le dossier Libye
Dernières mises à
jour
|