CounterPunch
Israël et la patience illimitée des
Etats-Unis
Netanyahu échappe au bûcher
Patrick Cockburn
Patrick Cockburn
Mercredi 7 juillet 2010
http://www.counterpunch.org/patrick07072010.html
Habituellement, les rencontres entre
présidents américains et premiers ministres israéliens sont
précédées de spéculations autour de la question de savoir si le
dirigeant US finira par se résoudre à exiger qu’Israël mette un
terme à l’expansion de ses colonies en Cisjordanie, ainsi qu’au
déplacement des Palestiniens de Jérusalem Est et
qu’il arrête de mettre les Etats-Unis dans l’embarras avec ses
actions militaires à la noix.
Avant la rencontre d’hier, à la Maison
Blanche, des critiques particulièrement virulentes contre Israël
se faisaient entendre, émanant de l’establishment américain de
la défense. Un commentateur influent, le Dr Anthony Cordesman,
du Centre des Etudes Stratégiques et Internationales a notamment
dit que l’engagement américain vis-à-vis de la sécurité d’Israël
« ne justifie ni n’excuse des actions décidées par un
gouvernement israélien qui transforme de manière regrettable
Israël en handicap stratégique, alors qu’Israël devrait rester
un atout ».
Il a ajouté qu’Israël devrait se montrer
plus prudent quant aux limites auxquelles il entend pousser,
pour les tester, les limites de patience américaine, et
exploiter le soutien que lui apportent les juifs américains. Il
a mis Israël en garde contre toute idée de lancer une attaque
armée contre l’Iran en grillant délibérément ce qu’il a appelé
le « feu rouge des Etats-Unis »
Si les Etats-Unis sont aussi chatouilleux
en matière de retombées négatives des (ex)actions israéliennes
au Moyen-Orient, c’est parce que la force de l’Amérique dans
cette région du monde est d’ores et déjà réduite en raison de
l’échec de son intervention militaire en Afghanistan et en Irak,
qui n’a pas rempli ses objectifs. Par-dessus le marché, Israël
est lui-même en train de s’affaiblir tant politiquement que
militairement. L’apex de l’influence israélienne au Moyen-Orient
avait été atteint après l’accord de paix signé en 1979 avec
l’Egypte, qui lui avait donné les mains libres pour envahir le
Liban en 1982. Mais cette intervention au Liban avait viré à une
interminable guerre de guérilla qui prit fin avec le retrait
israélien du Liban en 2000. Les opérations militaires
(israéliennes) au Liban et à Gaza durant les dix années
consécutives ont toute échoué, de manière lancinante. Pendant ce
temps-là, le chef du Mossad, Meir Dagan, indiquait que
l’Amérique a moins besoin d’Israël, maintenant que la Guerre
Froide est bel et bien terminée.
Il en irait sans doute de l’intérêt des
Etats-Unis de raccourcir la laisse de son rottweiler israélien,
mais cela n’arrivera pas. La raison en est donnée par cette
étrange tentative du général David Petraeus, actuel commandant-en-chef
en Afghanistan et précédemment chef du Commandement Central et
plus prestigieux de tous les généraux américains, de faire
inscrire dans les annales de l’histoire le fait que le soutien
des Etats-Unis aux agissements israéliens au Moyen-Orient
mettait en danger la sécurité des armées américaines. Il a
repiqué au truc au mois de mars, en lisant une déclaration
écrite devant le Congrès.
Mais à peine le général Petraeus eut-il
renouvelé son témoignage qu’il fit promptement machine arrière.
L’explication de ce retournement de veste à vue du général
Petraeus pourrait être qu’il veut maintenir ouverte l’option de
sa candidature aux élections présidentielles de 2012 et qu’il
n’a pas l’intention de se mettre à dos les électeurs juifs ou
les idéologues néocons.
Reste que cet épisode illustre les
contraintes intérieures qui empêchent tout dirigeant politique
ou militaire américain de contrôler Israël, voire simplement de
le critiquer. Il se peut que le président Obama ait été ferme
face à Netanyahu, lors de sa visite officielle d’hier, mais il
est improbable qu’il prenne des mesures effectives tendant à
mettre la pression sur Israël, de crainte d’aggraver les pertes
du parti démocratique lors des élections de mi-mandat [mid-term
elections]. Donc il n’y aura sans doute aucune crise dans
les relations américano-israéliennes, même si cette absence de
crise est précisément une des rares choses qui pourraient
inciter les électeurs israéliens à rejeter Netanyahu…
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier
Patrick Cockburn est l’auteur de l’ouvrage
Muqtada : Muqtada Al-Sadr,
the Shia Revival and the Struggle for Iraq (Muqtada :
Muqtada Al-Sadr, la Renaissance chiite et le combat pour
l’Irak).
Les traductions de Marcel Charbonnier
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