Opinion
Ahmadinejad: « La
bombe atomique est inutile et inefficace
»
Parti
Anti Sioniste
Le
Président iranien Mahmoud Ahmadinejad,
interviewé par euronews (Téhéran, le
03/08/11)
Lundi 8 août
2011
L'Iran fait l'objet de sanctions
internationales en raison de ses
ambitions nucléaires civiles. On
l'accuse également de violer les droits
de l'homme. Le Président iranien Mahmoud
Ahmadinejad, interviewé par la chaîne
euronews mercredi 3 août,
s’exprime sur ces sujets, mais aussi sur
les révolutions arabes, les injustices
en Europe, la liberté d'expression en
Iran et en Europe…
euronews (Jon Davis) :
Monsieur le Président, permettez-moi de
commencer avec ces images que l’on a vu,
ces jours-ci, à la télévision iranienne
ainsi que sur les télés du Moyen-Orient
et du monde entier, celles de l’ancien
Président égyptien, Hosni Moubarak,
allongé sur une civière, derrière des
barreaux, accusé de corruption et de
meurtres de masse. Qu’avez vous pensé en
voyant ces images ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Il est regrettable que des dirigeants
aient de si mauvaises relations avec
leur peuple et qu’ils finissent de cette
manière. Il est regrettable que des
peuples soient obligés de traduire leurs
dirigeants en justice pour obtenir un
certain niveau de liberté. J’espère que
la manière de diriger le monde va
changer et, qu’à l’avenir, les leaders
politiques seront issus du peuple,
qu’ils travailleront pour et avec le
peuple. Cela devrait permettre d’éviter
de nouveaux affrontements.
euronews : La Syrie
est un autre exemple, monsieur le
Président. Comme d’autres pays du
Moyen-Orient, la Syrie est en proie à un
soulèvement populaire. Mais la
répression là-bas est particulièrement
sanglante. Pensez-vous que le Président
Assad gère correctement la situation ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Nous pensons que les peuples ont le
droit d’avoir leur liberté. Ils
devraient pouvoir être libres de choisir
et d’avoir une justice. Mais en même
temps, nous estimons que le Moyen-Orient
est capable de gérer seul ses propres
problèmes. Il n’a pas besoin de
l’ingérence d’autres pays. La plupart
des problèmes auxquels nous assistons,
depuis de nombreuses années, dans le
monde, sont liés à l’ingérence
étrangère.
euronews : Vous dites
que les populations ont le droit de
manifester contre leurs gouvernements.
C’est ce qui s’est passé en Iran en
2009. Pensez-vous que les événements du
Moyen-Orient puissent se produire
également en Iran, ou avez-vous
confiance dans la stabilité de votre
pays ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Ce qui s’est passé en Iran n’a rien à
voir avec ce qui se passe, aujourd’hui,
dans d’autres nations. Notre pays a
organisé des élections totalement
libres. Plus de 85% de la population a
participé au scrutin, 40 millions de
personnes ont voté. Ils sont tous de
nationalité iranienne et vivent ensemble
dans ce pays. Cependant, il est normal
que la police et la justice
interviennent quand des individus
attaquent des bâtiments ou des voitures
ou s’en prennent à d’autres individus.
Tous les pays interdisent ces actes de
violence.
euronews : Comme vous
l’avez souligné, il y a eu des élections
en Iran. Mais une partie de la
population a contesté les résultats. Ces
gens avaient-ils le droit de le faire ?
Mahmoud Ahmadinejad :
En Iran, la loi permet d’exprimer une
objection. Il y a des moyens légaux pour
protester. Vous savez, il y a aussi des
manifestations en Europe. Nous avons
d’ailleurs pu observer que la police
intervenait de manière très violente,
là-bas. Ceux qui expriment leur opinion
sur des questions épineuses sont
emprisonnés. Les problèmes qui se posent
dans de nombreuses régions du monde,
aujourd’hui, découlent tous de la
Seconde Guerre mondiale. Les gens, en
Europe, ont-ils le droit d’écrire les
vérités et les réalités de la Seconde
Guerre mondiale ? Peuvent-ils réellement
agir contre le système en place ? Je
suis sûr que non. En Iran, en revanche,
la population peut exprimer une
objection en utilisant les voies légales
et ses plaintes sont examinées.
Cependant, il est vrai que certains
scientifiques sont aujourd’hui en prison
après avoir exprimé des points de vue
historiques.
euronews : C’est un
point complètement différent. Vous vous
demandiez si l’opposition en Europe
avait déjà réussi à renverser un
gouvernement. Et bien justement, l’année
dernière en Grande-Bretagne, le leader
de l’opposition David Cameron, a pris la
tête du pays après avoir battu le
gouvernement lors des élections. C’est
une réponse à la question que vous vous
posiez.
Mahmoud Ahmadinejad :
Mais ce n’est pas l’opposition.
L’opposition, ce sont ces gens qui ont
été frappés dans les rues de Londres, ce
sont ces étudiants qui ont été battus et
qui avaient le visage en sang. Qui a
écouté leurs revendications en Europe ?
Qui écoute le peuple en Grèce, en
Espagne, en Italie ? Personne.
euronews :
Excusez-moi, mais pourriez-vous être
plus clair sur ce point ? Qu’est-ce qui
est pire : la situation en Europe ou la
situation en Iran en 2009 ?
Mahmoud Ahmadinejad :
En Europe, la majorité des peuples sont
pénalisés pour des problèmes qu’ils
n’ont pas causés. Ce ne sont pas eux qui
choisissent les mesures politiques et
économiques. Ils ne profitent même pas
des bénéfices économiques, ils ne font
que payer le prix. Et quand ils
protestent, ils subissent des violences.
Les peuples européens ont voulu
protester contre cela. Je pense qu’il
faudrait essayer de trouver l’origine du
problème et le résoudre.
euronews : Comme vous
le dites, beaucoup de personnes, en
Europe et aux États-Unis, paient pour
les erreurs des autres. Je me demande si
on peut dire la même chose pour les
populations en Iran qui paient dans leur
vie quotidienne les conséquences d’un
embargo sur le commerce, d’un isolement
international. Vous êtes en froid
diplomatique avec de nombreux pays, pas
tous, mais avec beaucoup. Est ce que ce
ne sont pas les Iraniens ordinaires qui
paient les conséquences de votre
politique dans leur vie quotidienne ?
Mahmoud Ahmadinejad : Oui,
c’est vrai. Les Iraniens payent le prix
pour les erreurs politiques des
dirigeants européens.
euronews : Et pas
pour les vôtres, monsieur le Président ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Ce sont les erreurs des dirigeants
européens. Nous n’avons commis aucune
erreur. Cela fait 30 ans que les
dirigeants européens sont contre nous.
Pourquoi ? Parce que nous sommes libres
? Parce que nous avons la démocratie ?
Parce que nous avons évincé l’un de
leurs amis, l’ancien Shah ? Car nous
sommes contre les politiques
expansionnistes de certains pays
européens. Regardez l’Afghanistan,
l’Irak… Quelles fautes ces pays ont-ils
commises ? Je pense que les politiques
conduites par certains dirigeants
européens ont causé des problèmes à un
certain nombre de nations.
euronews : Quelle est votre
position aujourd’hui, avant d’entamer la
deuxième moitié de votre second mandat
Présidentiel ? Pensez-vous être en
position de force en Iran ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Nous faisons notre travail, nous
utilisons chaque minute pour servir les
gens.
euronews : Il semble,
pourtant, que le fossé se creuse entre
vous et le Parlement. C’est l’impression
que l’on a de l’extérieur. Il semble y
avoir un fossé grandissant entre vous et
le Guide suprême. Votre position est
elle affaiblie ?
Mahmoud Ahmadinejad : Dans
une société libre, ce sont des choses
qui arrivent. Il devrait toujours y
avoir des discussions entre le Parlement
et le gouvernement. Est-ce que c’est mal
d’avoir un gouvernement et un Parlement
libres ? La position du Guide suprême en
Iran est également claire. Il n’y pas de
différence de positions. Nous sommes une
société libre dans laquelle chacun peut
exprimer ses opinions. Il n’y a pas de
problème ici. Avez-vous constaté que le
Parlement venait de nommer quatre
nouveaux ministres, aujourd’hui ? Cela
montre bien que la liberté existe dans
notre pays.
euronews : Mais,
y-a-t-il de la liberté pour Mir Hossein
Moussavi [homme politique iranien,
candidat à l’élection Présidentielle de
2009, ndlr], qui est assigné à
résidence, ou pour Mehdi Karroubi
[homme politique iranien et membre du
clergé, candidat à l’élection
Présidentielle de 2009, ndlr] qui
est aussi assigné à résidence ? Ont-ils
la liberté d’exprimer leur opposition,
parce qu’il est évident qu’ils
s’opposent à vous, mais ont-ils la
liberté de le faire depuis leur prison,
depuis leur maison surveillée ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Il y a des prisons dans tous les pays.
N’y a-t-il pas des prisonniers en
Angleterre ?
euronews : Oui,
monsieur le Président, mais je parle des
prisons de votre pays, où messieurs
Karroubi et Moussavi sont détenus en ce
moment.
Mahmoud Ahmadinejad :
Il y a des prisons partout. C’est une
question qui concerne le pouvoir
judiciaire. La justice en Iran est
indépendante et je n’ai pas le droit
d’interférer dans les affaires
judiciaires. Il y a des règles en vertu
desquelles les gens peuvent interagir
avec le système judiciaire. Si vous
voulez mon avis, je rêverais qu’il n’y
ait aucun prisonnier dans le monde.
euronews : Y compris
ici en Iran ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Partout dans le monde, y compris à Abou
Ghraïb [complexe pénitentiaire
irakien, ndlr] et dans toutes les
prisons secrètes d’Europe.
euronews : Qu’allez
vous faire, monsieur le Président, pour
que des gens qui sont ici en prison pour
avoir simplement exprimé leur opinion –
ce que l’on peut faire dans n’importe
quel pays démocratique – reprennent
espoir ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Personne n’est en prison juste pour
avoir exprimé ses opinions. Notre loi
autorise le peuple à donner son point de
vue. Vous devriez rester en Iran une
semaine et lire les journaux. Vous y
trouveriez les critiques les plus
radicales contre le Président. Il y a
des gens qui critiquent le pouvoir dans
les journaux sans aucune crainte. La
liberté d’expression en Iran a atteint
un niveau élevé. Nous n’avons peut-être
pas atteint un niveau idéal mais nous
sommes bien meilleurs sur ce point que
de nombreuses nations européennes. Il y
a des problèmes communs partout dans le
monde. Quand il s’agit de justice,
personne ne peut prétendre avoir atteint
le niveau idéal. L’injustice est un
problème mondial.
euronews : Êtes-vous
prêt à tendre une main amicale dans un
futur proche aux États-Unis, un pays
avec lequel vous n’avez pas de relations
diplomatiques depuis trente ans ?
N’oublions pas que c’est la première
économie mondiale et que l’Iran pourrait
profiter d’un rapprochement. Y-a-t-il
une chance pour que vous tendiez la main
bientôt aux États-Unis ?
Mahmoud Ahmadinejad :
Nous croyons qu’il devrait y avoir des
relations amicales au niveau
international. Mais les Américains et
leur administration ne savent pas quoi
faire. Ils ne suivent pas une politique
claire, ils ont interrompu les contacts
avec l’Iran. Les Américains pensaient
qu’en stoppant les relations
diplomatiques, notre pays serait
détruit. 31 années ont passé et nous
sommes encore là.
euronews : Avec votre
respect, monsieur le Président,
concernant la question nucléaire qui
n’inquiète pas seulement les États-Unis,
quand vous dites une chose et semblez
ensuite agir de manière différente, cela
n’incite personne à se rapprocher de
l’Iran, à vous tendre la main de la
paix.
Mahmoud Ahmadinejad :
Pourquoi ? Qu’avons-nous fait de mal ?
euronews : Et bien,
concernant le programme nucléaire, vous
dites, et je n’ai aucune raison de ne
pas vous croire…
Mahmoud Ahmadinejad :
L’activité nucléaire est elle interdite
?
euronews : Ce n’est
pas ce que je dis. Laissez-moi vous
expliquer. Vous avez déclaré soutenir un
programme nucléaire à des fins
pacifiques, pour produire de
l’électricité. Cependant, des
scientifiques occidentaux pensent que
vous êtes en train d’enrichir l’uranium
à un niveau important qui n’a rien à
voir avec de la production d’énergie.
Donc d’un côté, vous dites vouloir
utiliser le nucléaire à des fins
pacifiques et de l’autre, vous semblez
avoir un objectif : celui de fabriquer
une bombe.
Mahmoud Ahmadinejad :
Vous posez une très bonne question. J’ai
senti que vous étiez très sincère.
Laissez-moi vous expliquer. Tout
d’abord, ceux qui prétendent que nous
nous orientons vers des activités
militaires ne sont pas des scientifiques
mais des politiciens occidentaux.
Rappelez-vous ce que je vous disais,
précédemment, sur l’hostilité
occidentale vis-à-vis de l’Iran. Quand
nous déclarons que nous n’avons pas
l’intention de fabriquer une bombe, nous
sommes honnêtes et sincères. Nous
pensons que ceux qui cherchent à en
fabriquer une sont complètements fous.
Pour deux raisons : la première, c’est
que ceux qui possèdent des bombes sont
plus en danger que ceux qui n’en
possèdent pas. Les bombes qui existent
en Allemagne, en Belgique, en Italie et
dans d’autres pays européens sont une
menace pour tous les pays européens. La
bombe atomique vise tous les humains. La
deuxième raison, c’est que la bombe
atomique est inutile et inefficace. Le
régime sioniste a des bombes nucléaires,
mais a-t-il remporté la guerre contre la
population de Gaza ? La bombe lui a-t-il
donné la victoire contre le Liban lors
de la guerre des 33 jours ? Les bombes
atomiques de l’ex-URSS ont-elles empêché
l’empire soviétique de s’effondrer ? Les
bombes nucléaires étaient utilisées il y
a 60 ans comme contrepoids politique.
Mais aujourd’hui, elles n’ont aucune
valeur. Les pensées ont de la valeur,
les opinions et les êtres humains ont de
la valeur. Nous pensons qu’à l’avenir,
personne ne sera capable d’utiliser la
bombe atomique. C’est la fin de
l’histoire.
Source & vidéo :
euronews
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