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Analyse
Nous avons besoin d'une
commission d'enquête honnête pour établir la vérité
Palestine Info
Nabil Sha'ath (au centre) serre la main de
Khalil al-Hayya,
leader du Hamas après leur rencontre à Gaza ville le 3 février
2010
(Xinhua/Wissam Nassar)
Mardi 9 février 2010
La visite récente du dirigeant Fatah Nabil
Sha’ath dans la Bande de Gaza est un premier pas bienvenu vers
une réconciliation nationale palestinienne. Contrairement à
beaucoup de fanatiques du Fatah, qui prônent ouvertement une
guerre sans fin contre le Hamas, Sha’ath a toujours fait preuve
de beaucoup de modération vis-à-vis du Hamas, refusant de
considérer le mouvement de libération islamique comme « l’ennemi
», comme beaucoup d’autres éléments anti-islamistes au sein du
Fatah l’ont fait.
A son crédit, le dirigeant Fatah de premier plan n’a jamais
nourri d’illusions sur les limites entre les troubles
inter-palestiniens, comme la scission entre le Fatah et le
Hamas, et le conflit fondamental entre le peuple palestinien et
Israël.
Malheureusement, ce sont ces limites que quelques fonctionnaires
de l’Autorité Palestinienne (AP) ont cherché à estomper ou à
effacer au service d’Israël. Comme par exemple ce militaire de
haut rang dans l’appareil sécuritaire de l’AP qui a été cité
comme disant à ses « collègues » israéliens, il y a deux ans,
que « nous sommes alliés et nous avons un ennemi commun, et
le nom de cet ennemi commun est le Hamas ».
C’est pourquoi la visite de Sha’ath et la série de réunions
auxquelles il a participé avec les dirigeants de Gaza, dont le
premier ministre élu Ismaël Haniya, doivent être applaudies et
accueillies par tous les Palestiniens qui veulent sincèrement
voir la fin proche des 30 mois de dissensions entre le Hamas et
le Fatah.
La Bande de Gaza n’appartient pas seulement au Hamas, pas plus
que la Cisjordanie n’appartient seulement au Fatah. Mais tant
l’une que l’autre, ainsi que le reste de la Palestine occupée,
appartiennent au peuple palestinien, y compris aux partisans du
Fatah et du Hamas.
Ceci étant dit, il est impératif, dans l’intérêt d’une véritable
réconciliation nationale, que les deux côtés cessent les
récriminations mutuelles. Le Fatah, en particulier, doit mettre
fin à son discours de propagande souvent empoisonnée qui affirme
que le Hamas a fait un coup d’Etat et tué des centaines de
miliciens et partisans Fatah.
Proférer des mensonges obscènes ne servira pas la chère cause de
la réconciliation nationale. Finalement, le Fatah, comme le
Hamas, est partie prenante dans la compétition et, en tant que
tel, ne peut être en même temps juge et partie.
Mais si le Fatah est vraiment et sincèrement intéressé à
connaître la vérité, le Hamas ne devrait émettre aucune
objection à la création d’une authentique Commission d’Enquête
composée de juges et de juristes aux références impeccables. Une
telle commission serait nécessaire pour aboutir à une
réconciliation nationale durable car elle serait fondée sur la
vérité et l’honnêteté.
Beaucoup de questions sensibles devraient recevoir une réponse
satisfaisante. Parmi elles :
1) Quelle fut la nature des relations entre la CIA, c’est-à-dire
le général Keith Dayton, et les milices de l’AP à majorité Fatah
à Gaza avant les événements de juillet 2007 ?
2) Les agences de sécurité de l’AP à Gaza ont-elles été de
connivence avec les Nord-Américains, et peut-être les
Israéliens, contre le gouvernement démocratiquement élu du Hamas
?
3) Les agences de sécurité de l’AP, en particulier la Force de
Sécurité Préventive, ont-elles planifié un coup d’Etat contre le
Hamas avant les événements de juillet 2007 ?
4) Les agences de sécurité ont-elles reçu des camions d’armes
financées par les Etats-Unis via Israël pour renverser le
gouvernement Hamas ?
5) Les agences de sécurité ont-elles essayé, en toute
connaissance de cause, de fomenter l’insécurité et l’instabilité
à Gaza dans le but d’embarrasser et de fragiliser le
gouvernement d’unité nationale ?
6) Qui a assassiné les trois enfants de Baha’a Balusha ?
7) Qui a assassiné le professeur Hussein abu Ajwa ?
8) Qui a rompu le cessez-le-feu chaque fois que la médiation
égyptienne permettait d’en atteindre un ?
9) Le Fatah a-t-il envisagé d’écraser le gouvernement Hamas,
avec l’aide des Etats-Unis et d’Israël, et probablement de
quelques régimes arabes ?
10) Qui sont les responsables de la tentative d’assassinat du
premier ministre Haniya en décembre 2007, alors qu’il rentrait à
Gaza depuis l’Egypte ?
11) Enfin, lorsqu’Israël a lancé son massacre néo-nazi contre
Gaza l’année dernière, qui a tué, blessé ou brûlé des milliers
de Palestiniens innocents, des rumeurs ont circulé selon
lesquelles certains cercles de l’organisation Fatah (et
également au sein de l’OLP) s’étaient entendus avec les
Israéliens, certaines personnalités suppliant les Israéliens de
détruire des centres entiers de population palestinienne «
parce qu’ils le méritaient puisqu’ils avaient voté pour le Hamas.
» En conséquence, ces accusations graves et ces allégations
doivent faire l’objet d’examens minutieux pour établir la
vérité.
De plus, le Fatah peut suggérer toute série de questions qu’il
estime mériter une investigation sérieuse, comme l’affirmation
que des combattants du Hamas ont tué un fonctionnaire du Fatah
en le précipitant du toit d’un immeuble de plusieurs étages.
J’évoque ce point particulier parce qu’une enquête méticuleuse
sur les circonstances de cet incident montre que la victime,
Husam abu Gneis, fut en fait poussé par erreur par un agent du
Fatah qui l’avait pris pour un membre du Hamas parce qu’il
portait la barbe.
Je ne suggère pas que le Fatah est coupable jusqu’à preuve du
contraire. Cependant, tant le Fatah que le Hamas doivent être
considérés comme innocents tant que leur culpabilité n’est pas
prouvée, ce qui nécessite la création d’une véritable commission
d’enquête.
L’instauration de la justice et de la vérité, par des juges
intègres, neutres et professionnels, pourrait mettre fin à
toutes les disputes et incriminations mutuelles entre les deux
camps. De plus, il y aurait des leçons à tirer d’une telle
action hardie et sage puisque la vérité sortirait, nue, aux yeux
de tous ceux qu’elle intéresse.
En ce qui concerne les questions plus immédiates concernant le
soi-disant document égyptien, il est amplement évident que ce
document a perdu beaucoup, sinon tout, de son attrait suite à
l’action manifestement hostile du régime égyptien contre le
Hamas, à savoir la construction du mur de la honte de conception
israélienne le long de la frontière entre Gaza et le Sinaï.
Cette honte colossale a effectivement placé le régime de
Moubarak dans le cercle d’hostilité au Hamas. Par conséquent, il
faut trouver un parti tiers neutre qui garantisse l’authenticité
et la pérennité de tout accord de réconciliation.
Enfin, pour organiser des élections en Cisjordanie et dans la
Bande de Gaza, il faudra que des garanties de sécurité et autres
soient données pour éviter la répétition des violations
scandaleuses qui ont eu lieu avant et après les élections de
2006. A l’époque, Israël a raflé la plus grande partie des
candidats islamistes qui avaient gagné ou qui étaient en passe
de remporter les élections pendant que l’Occident et les régimes
arabes fantoches, probablement avec l’assentiment et
l’encouragement tacite d’éléments dirigeants au sein du Fatah,
imposaient un blocus mortel contre le nouveau gouvernement
palestinien, au motif qu’ils n’aimaient pas les résultats des
élections.
Bien sûr, organiser des élections dans les circonstances
actuelles revient à dire aux électeurs qu’ils seront affamés et
mis sous blocus s’ils votent pour le Hamas, et que ce n’est
qu’en votant pour le Fatah qu’ils pourront toucher leurs
salaires à la fin du mois.
La même chose s’applique à la situation politique actuelle dans
les territoires occupés, en particulier en Cisjordanie, où une
inquisition agressive, et même féroce contre le Hamas se
poursuit depuis l’été 2007.
Dans ce contexte, pas moins de 10.000 personnes ont été
arrêtées, des centaines d’institutions islamiques ont été
saisies et remises au Fatah, et des milliers de gens innocents
ont été virés de leur boulot parce qu’ils étaient soupçonnés
d’être affiliés ou associés au Hamas.
De plus, au moins douze partisans du Hamas ont été torturés à
mort, pendant que d’autres sont handicapés à vie par suite des
tortures physiques sévères auxquels ils ont été soumis, de la
main des interrogateurs du Fatah.
Il est donc très difficile d’imaginer même que des élections
véritables et transparentes puissent être organisées sous les
conditions prévalant en Cisjordanie. Des élections véritables
exigent une atmosphère saine où les citoyens peuvent exercer
leur liberté d’expression et de parole, et organiser des
rassemblements de soutien de leurs partis politiques respectifs.
Cette exigence essentielle n’existe pas aujourd’hui en
Cisjordanie et, dans une moindre mesure, dans la Bande de Gaza.
Ce qui signifie que l’appareil d’Etat politique actuel en
Cisjordanie doit être immédiatement démantelé. Sinon, la tenue
d’élections dans les circonstances actuelles, alors que des gens
sont arrêtés et torturés pour le simple fait de brandir le
drapeau vert islamique, sera vouée au désastre.
Source :
Palestine Info
Traduction : MR pour ISM
Publié le 9 février 2010 avec l'aimable autorisation d'ISM
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