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Forward
La
communauté juive britannique se retrouve, encore une fois,
empêtrée dans un scandale lié au parti Travailliste
Nathan Jeffray
Un
‘bobby’ londonien au regard soupçonneux…
Au
numéro 10 – AGAIN ! : Downing Street [équivalent de
‘Matignon’ chez les British, ndt] se retrouve,
encore une fois, au centre d’une enquête judiciaire à propos
d’un financement de campagne électorale…
Crédits photo : Getty Images
in Forward, 4 décembre 2007
http://www.forward.com/articles/12166/
Manchester (Angleterre) – Quand le scandale
politique dominant les unes des journaux britanniques a éclaté,
la semaine passée, l’homme qui en est au centre, David
Abrahams, assistait à un dîner de charité, à Londres, au
profit du Technion, prestigieux institut de technologie israélien
[un grand raout similaire se déroule ces jours-ci, à Paris, avec
notamment Jacques Attali en chef d’orchestre ! ndt]
Abrahams, un riche magnat britannique de
l’immobilier, est un des principaux donateurs des causes juives
et israéliennes, mais, le dimanche 25 novembre, tous les yeux étaient
fixés sur ses largesses en faveur du parti Travailliste. Le matin
de ce jour-là, le quotidien Mail on Sunday fut le premier à révéler
qu’Abrahams avait secrètement siphonné des dons politiques par
l’intermédiaires de comparses très nettement moins fortunés
que lui. Abrahams avait transformé [par un coup de baguette
magique…] un petit entrepreneur de maçonnerie installé depuis
peu à son compte, un certain Ray Ruddick, en troisième donateur
du parti gouvernemental britannique, par ordre de générosité décroissante !
Questionné à propos de ce scandale avant le
raout du Technion, Abrahams nous a dit [nous = la revue juive
progressiste Forward, ndt] que sa méthode de mécénat politique
était liée à son éducation – « on doit faire les
choses discrètement, et ne pas aller les chanter sur les toits »
– ajoutant : « C’est ma morale personnelle… Qu’y
puis-je : elle est influencée par mes origines juives… ?! »
Mais ces explications fournies par Abrahams
n’ont en rien apaisé ses détracteurs, et le scandale a commencé
à carboniser la plupart des gros bonnets du parti Travailliste.
Lundi dernier, le secrétaire général de ce parti, Peter Watt, a
démissionné, reconnaissant qu’il était au courant de la
manip.
Pour la communauté juive britannique, le
scandale a des implications dont on imagine aisément l’ampleur.
De nouvelles informations ont indiqué qu’un des acteurs-clés
du côté des récipiendaires des largesses d’Abrahams était,
lui aussi, un éminent philanthrope juif, lui aussi un des
responsables de la communauté.
« Cette affaire est très préoccupante,
et manifestement, elle risque de se retourner contre nous »,
nous [= Forward] a dit Jon Benjamin, président du Board of
Deputies of British Jews [l’équivalent du CRIF, en
Grande-Bretagne, ndt]. « Nous avons déjà connu ce genre de
situation ». Le Panel des Président [Board of Deputies] est
l’organisation-parapluie des associations juives britanniques.
Comme l’a insinué Benjamin, ce n’est là
que le dernier en date des scandales du parti Travailliste à
impliquer les principaux dirigeants de la communauté juive de
Grande-Bretagne. L’année dernière, l’envoyé spécial de
Tony Blair au Moyen-Orient, Michael Levy, fut soumis à une enquête
criminelle pour avoir échangé des ennoblissements [peerages]
contre des dons d’argent, et d’avoir violé une loi selon
laquelle tout don de plus de 5 000 £ [environ 7 500 €uros]
doit être déclaré. L’enquête a pris fin durant l’été, et
Levy n’a pas été mis en examen.
Le scandale actuel, surnommé Donorgate, a été
déclenché par la preuve qu’Abrahams a détourné des lois
faites pour garantir la transparence du financement des partis
politiques. En sus des 200 000 £ (400 000 $) données
au parti Travailliste par un employé d’une des entreprises de
construction d’Abrahams, trois autres intermédiaires ont été
dénoncés, dont la secrétaire personnelle d’Abrahams. Les dons
s’élevèrent à 600 000 £, soit un peu plus d’1,2
millions de dollars. Les responsables du parti Travailliste nièrent,
dans un premier temps, qu’ils étaient au courant des méthodes
de donation peu catholiques d’Abrahams, mais la preuve a émergé,
depuis lors, que celui-ci était en étroite relation avec le
conseiller en matière d’élections du Premier ministre Gordon
Brown, un certain Jon Mendelsohn, qui se trouve être également
l’ancien président du groupe de lobbying Les Travaillistes Amis
d’Israël [Labor Friends of Israel].
Brown a reconnu que les dons ainsi pratiqués
contrevenaient aux lois garantissant la transparence, et il a
promis que le Parti les rembourserait ; mais Mendelsohn et
Abrahams ne cessent depuis lors de se chamailler et de chipoter,
par presse interposée…
Le problème, pour la communauté juive
britannique organisée [eng. British Jewry, ndt], c’set le fait
que ce scandale implique non seulement des personnalités qui se
trouvent être juives, mais, bien plutôt, deux hommes qui sont
des acteurs communautaires clés et des thuriféraires d’Israël
particulièrement forts en gueule.
Mendelsohn, dont on pense qu’il s’agit
d’un des magouilleurs les plus introduits au Parlement, est un
ancien président de l’Union des Etudiants Juifs [Union of
Jewish Students] ainsi que de la Fondation pour l’éducation en
matière d’Holocauste [Holocaust Educational Trust], entre
autres instances.
Abrahams a, quant à lui, été vice-président
du Mouvement Travailliste juif, ainsi que membre du conseil
d’administration des Syndicalistes Amis d’Israël [Trade Union
Friends of Israel]. Il est membre de la Synagogue de St John’s
Wood, une congrégation londonienne prospère, considérée comme
le joyau de la couronne de The United Synagogue, le pendant, en
Grande-Bretagne, de notre Orthodox Union [Union des juifs
orthodoxes américains, ndt].
Abrahams a diffusé un communiqué, dimanche,
disant qu’il se trouvait à côté de Mendelsohn lors du dîner
de gala de Londres, le 25 avril.
« Je lui ai dit », a-t-il déclaré
dans son communiqué, « que j’avais fait des dons tout à
fait légalement au parti, et je lui ai décrit la manière dont
ce don avait été effectué via certains intermédiaires, pour
des raisons d’anonymat, ce à quoi, Mendelsohn m’a répondu : « C’était
certainement une bonne idée ! » »
Seulement, voilà : Mendelsohn a répliqué,
publiant son propre communiqué, disant : « Cette
dernière déclaration est totalement fictionnelle, et complètement
fallacieuse. Je m’engage à coopérer sans réserve avec la
police, dans son enquête. »
La tension entre les deux hommes remonte à
l’époque où ils étaient ensemble à l’association Labor
Friends of Israel [Les Amis Travaillistes d’Israël]. Quand
Mendelsohn accéda à la tête de cette association, en 2002, il
aurait (dit-on) viré Abrahams du bureau exécutif.
Des journalistes investiguent déjà sur d’autres racines juives
du scandale en cours. Le Daily Telegraph a fait état de craintes
qu’Abrahams « ne soit lui-même qu’un autre prête-nom
pour un autre bienfaiteur mystérieux ». Ce journal a
souligné certaines connexions israéliennes, et il a fait
observer que l’an dernier, Abrahams avait été photographié en
compagnie de l’ambassadeur d’Israël à Londres.
Au sein de la communauté juive, Abrahams est connu pour ses amitiés
avec des hommes [et des femmes, ndt] politiques israéliens. Il a
rencontré le Premier ministre israélien Ehud Olmert durant la
visite que celui-ci a effectuée récemment en Grande-Bretagne.
Andrew Dismore, un parlementaire travailliste, qui représente une
circonscription londonienne à la forte population juive, a déclaré
à la revue Jewish Chronicle que les gens « recherchent des
liens avec des intérêts juifs, ainsi qu’une preuve d’un
complot juif. Et il n’est pas de pierre que la presse
britannique ne retourne activement, dans l’espoir d’en trouver
une… »
Traduit de l’étazunien par Marcel Charbonnier
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