Syrie
Syrie : Le trajet
des gazoducs qataris
décide des zones de combat !
Nasser Charara
Jeudi 15 novembre
2012
Selon toute
vraisemblance, le dossier du gaz est
« l’arrière plan » essentiel de la
guerre contre la Syrie et plus
particulièrement de la guerre qui
frappe la région de Homs. Le
quotidien Al-Akhbar
a obtenu
des informations
en provenance de sources
sûres qui se résument à dire qu’il
existe
un plan qatari, approuvé par
l’administration US, dont l’objectif
est la mise en place d'un nouveau
gazoduc destiné au transport du gaz
qatari vers l’Europe ; la Turquie et
Israël étant parties prenantes.
De plus en plus, tout porte à croire que
le gaz est le vrai fond du problème de
la guerre contre la Syrie. C’est à
partir de fuites émanant d’un géant
pétrolier occidental que le quotidien
Al-Akhbar a obtenu des informations,
fiables, donnant les détails d'un projet
qatari, soutenu par les
États-Unis, et concernant la
construction d’un nouveau gazoduc qui
transporterait le gaz du Qatar vers
l’Europe via la région syrienne de Homs.
Cette ville et sa région sont donc le
« nœud » ou le « cœur
géographique » de ce
projet qui, du même coup, offrirait des
avantages
stratégiques à la Turquie et à Israël
dans
l'équation du commerce
gazier mondial.
Ce nouveau gazoduc devrait emprunter une
« voie terrestre » qui démarre du Qatar,
traverse
le territoire
saoudien, puis le
territoire
jordanien évitant
ainsi le territoire irakien, pour
arriver en territoire
syrien et plus
précisément à Homs. À partir de
Homs le gazoduc
devrait bifurquer dans trois
directions : Lattaquié
sur la côte syrienne,
Tripoli
au nord du Liban,
Turquie.
Le but principal de ce projet est
d’acheminer le gaz qatari et israélien
vers le continent européen pour le
distribuer à toute l’Europe, avec un
triple objectif. Le premier : casser le
monopole gazier russe en Europe. Le
second : libérer la Turquie de sa
dépendance du gaz iranien. Le
troisième : donner à Israël une chance
d’exporter son gaz vers l'Europe par
voie terrestre et au moindre coût.
Pourquoi Homs ?
Globalement, les objectifs cités plus
haut ne pourraient être atteints si
l’itinéraire du gazoduc rêvé ne passait
pas par la région de Homs destinée à
être « le carrefour principal du
projet », parce que le gaz qatari ne
dispose pas d'alternative pour rejoindre
l'Europe, sinon que de recourir à de
gros porteurs par voie maritime ; ce qui
serait plus long, d’un coût plus élevé,
et non sans danger pour certaines zones
du parcours.
Selon les informations issues de cette
même compagnie pétrolière occidentale,
le Qatar envisage aussi d'acheter mille
cargos pour développer sa flotte
maritime de transport du gaz avec
l’ambition de s’impliquer dans un projet
américain beaucoup plus vaste destiné à
revoir l’équation du commerce gazier
mondial. À la clé, deux modifications
significatives. La première est fonction
des découvertes de gaz en mer
Méditerranée par Israël. La seconde est
fonction de l’éventuelle exploitation
des événements en Syrie, après création
d’une situation politique qui
permettrait de faire de Homs le
carrefour principal de l’exportation du
gaz qatari et israélien vers l'Europe.
Toujours selon ces mêmes sources, les
zones du territoire syrien où les bandes
armées de la dite « opposition
syrienne » bénéficient du soutien US,
qatari et turc - c'est-à-dire, le nord,
Homs, et les envions de Damas – se
superposent à celles du trajet que
devrait suivre le gazoduc dans sa route
vers la Turquie et Tripoli, si jamais
elles finissaient par tomber sous le
contrôle des forces de l'opposition
inféodée aux trois parties. En effet, la
comparaison de la carte des zones de
combat avec celle du tracé du gazoduc
qatari démontre bien la relation entre
l’activisme armé et l’objectif de
contrôler, coûte que coûte, ces zones
syriennes.
Une fois arrivé en Syrie, le gazoduc
devrait suivre deux lignes. La première
irait des environs de Damas pour arriver
à une trentaine de Kms de deux
carrefours qui seraient An-Nabk et Al-Kussayr,
puis de Homs il se dirigerait vers
Tripoli et Lattaquié via Talbisseh et
Al-Rastan. La deuxième ligne devrait
parcourir le nord de la Syrie en allant
de Homs vers Maarat al-Nu’man puis
Idlib, avant de rejoindre la Turquie.
Autant de villes syriennes que
l’opposition armée cherche effectivement
à contrôler.
Les mêmes sources affirment que de leur
point de vue, Robert Ford [Ambassadeur
des USA en congé de la Syrie, NdT] et
Frederick Hoff [Le chargé du dossier gaz
au Levant] sont tous deux membres de
la « Cellule de crise syrienne aux USA »
et se partagent les rôles. Le premier
organise les activités de l'opposition
armée anti-syrienne sur le terrain, de
manière à ce qu’elles répondent aux
exigences de la mise en place du gazoduc
qatari, dont le tracé a été
préalablement concocté par le second. De
plus, Robert Ford a reçu une nouvelle
charge consistant à mettre en place un
mini-gouvernement syrien, à l’étranger,
ayant des ramifications au sein des
groupes et organisations armées
sévissant dans le nord de la Syrie, à
Damas et à Homs dans le but de réussir
la partition de la Syrie selon une carte
superposable à celle des deux lignes du
gazoduc, celle allant vers la Turquie,
et celle allant vers Tripoli au Liban ;
tout en ménageant d’autres régions pour
le « régime » [!?; NdT]
Avantages pour la Turquie
Ce projet de gazoduc procure à la
Turquie de multiples avantages
stratégiques et économiques. Un : elle
deviendrait un passage vital pour
l’Europe qui pourrait ainsi diversifier
ses sources de gaz pour ne plus dépendre
que du gaz russe ; ce que les USA
encouragent vivement. Deux : elle
pourrait réaliser son vœu d’entrer dans
le club européen. Trois : elle serait
soulagée de ne plus dépendre
quasi-totalement du gaz iranien ; ce qui
ajouterait à sa valeur géostratégique.
Quatre : elle réduirait sa facture
énergétique exorbitante et toucherait,
en plus de tout le reste, les dividendes
payés par le Qatar et Israël pour le
droit de passage de leur gazoduc à
destination de l’Europe.
Avantages pour Israël
Du même coup, Israël serait candidate à
devenir à son tour un « Émirat gazier
majeur » en l’espace de cinq ans
environ, du fait
de son exploitation du gaz
des deux champs « Leviathan » et
« Tamar » partagés avec le Liban. Selon
des études françaises, les capacités de
ces gisements dépassent celles de « North
Dome-South Pars » commun au Qatar et à
l’Iran, et considéré comme le plus grand
champ gazier du monde…
Israël et le Qatar ont donc besoin
d’emprunter la route de Homs vers
l'Europe, parce que les alternatives
sont très coûteuses, d’autant plus que
le « Canal de Suez » n’est pas adapté à
recevoir les gros cargos de pétrole et
de gaz prévus à cet effet.
Avantages pour le Liban ?
Il n’est pas inintéressant de noter la
remarquable transformation positive de
l'attitude de Doha à l’égard du Premier
ministre libanais Najib Mikati, lors de
sa dernière visite au Qatar. Non
seulement le boycott diplomatique et
économique est levé, mais l’ouverture
est totale. On ne menace plus d’expulser
les libanais travaillant sur le
territoire qatari. On propose la mise en
place de projets de développement pour
soutenir et renforcer la stabilité
économique du pays. Encore mieux, on se
propose d’offrir une assistance
financière au port de Tripoli, lequel
est destiné à suppléer au port syrien de
Lattaquié en cas de nécessité. Il n’est
pas inintéressant, non plus, de noter
que la raffinerie de Tripoli ne
fonctionne plus depuis des années, mais
qu’existent toujours des réservoirs de
stockage de pétrole, non de gaz. Mais il
est parfaitement possible de réhabiliter
le port et d’y amener les installations
nécessaires à la liquéfaction et au
stockage du gaz. En même temps, ce
serait l’une des options d'expédition du
gaz qatari vers l'Europe !
Et la Russie dans tout ça ?
Toujours selon les mêmes sources, la
Russie aurait informé le Liban qu'elle
ne sera pas d'accord avec ce dernier
projet d’exploitation du gaz
méditerranéen avant d’obtenir des
garanties de l’Occident lui attestant
qu’il ne chercherait pas à changer
le « régime » en Syrie ; exigence qui ne
serait nullement incompatible avec la
poursuite des travaux de prospection
gazière par des sociétés russes dans le
secteur. Ceci, parce que ces sociétés ne
doivent pas s’absenter au moment du boom
gazier méditerranéen ; sans oublier que
l’Iran, l’Irak, et la Syrie ont un
projet commun partant de leurs propres
territoires. Il consiste tout simplement
à ce qu’un gazoduc iranien, traverse
l’Irak pour arriver à Homs, avant de
bifurquer vers Lattaquié et Tripoli…
Nasser Charara
13/11/2012
Article original : Al-Akhbar [Liban]
سوريا | مساعٍ قطرية لتأمين خط أنابيب إلى
حمص ليتفرّع إلى أوروبا
http://www.al-akhbar.com/node/171421
Article traduit de l’arabe par Mouna
Alno-Nakhal [Biologiste]
Lire aussi :
Syrie : La guerre pour le gaz !
Un conflit international à manifestation
régionale
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30652
Liban : La ligne bleue maritime au
service de l’ambition israélienne !
La guerre pour le gaz ne concerne pas
que la Syrie…
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30841
Nasser Charara
est un journaliste libanais.
Le
dossier Syrie
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