Opinion
Jasmin, massacre et dignité
(2)
Nabil El-Haggar
Mercredi 23 février 2011
Les échos
de la révolution égyptienne et tunisienne continuent à retentir
dans le monde arabe, de la Lybie à l’extrême sud de l’Arabie.
Après plus de quarante années de gestation et de fermentation
politique et culturelle, les peuples arabes ont pris confiance
en eux, ont fait tomber le mur de la peur et se sont « mis
debout ».
Vont-ils
totalement réussir à se débarrasser des dictatures militaires,
des monarchies tribales et des oligarchies taillées sur pièces
qui les soumettent depuis plus d’un siècle ?
S'il est encore trop tôt pour répondre par l’affirmative,
cela ne relève désormais plus de l’impossible !
Les
dictateurs s’accrochent et espèrent museler le peuple en
organisant quelques massacres au Yémen et à Bahreïn et un grand
en Lybie! Ils fondent cet espoir sur le silence assourdissant
d’un certain occident qui a peur d’une grande démocratie arabe.
Cinq
cents cinquante Libyens ont été tués en trois jours, dont 250
bombardés par l’aviation. Pourquoi aucune réaction digne
de ce nom n’est parvenue aux oreilles du Dictateur ? Parce que
la Lybie a des accords avec l’Europe pour lutter contre
l’immigration clandestine africaine. Parce que le régime libyen
a monnayé sa « respectabilité » en acceptant de ne plus financer
les organisations soupçonnées de terrorisme. Cela rappelle le
silence devant le massacre bien plus dévastateur de plus de 2000
palestiniens bombardés à Gaza par la « démocratie » d’Israël, il
y a deux ans.
Par
ailleurs, les Etats-Unis d’Obama, après avoir rendu hommage à la
démocratie naissante en Egypte et en Tunisie, posent leur veto à
la résolution présentée par les Palestiniens à l’ONU condamnant
le développement des colonies.
Autrement
dit, en pleine révolution arabe, les Palestiniens n’ont pas
droit à la démocratie ! Le symbole est énorme, Obama est petit.
Les
conditions de la réussite
Il ne
suffira pas de se débarrasser des dictateurs et de leurs régimes
pour que la révolution arabe soit accomplie. Il faudra réussir
la refondation de l’histoire arabe à partir des espoirs portés
par la jeunesse initiatrice de cette révolution. Il faudra
réussir la construction d’une démocratie véritable qui leur
permettra de se débarrasser de toutes les anomalies qui
empoisonnent les sociétés arabes depuis trop longtemps. Ce qui
revient à mener la bataille culturelle, celle des valeurs et de
l’acceptation de l’autre.
Cette
réussite est la condition sine qua non pour que les sociétés
arabes puissent enfin se retrouver autour d’un projet politique,
social et culturel commun, qui recueille l'adhésion de tous les
« Arabes, hommes et femmes » indépendamment des confessions, des
religions, des tribus et des régions. Ce projet devra convaincre
que seuls les concepts politiques porteurs de valeurs telles que
citoyenneté et laïcité peuvent garantir une réelle démocratie et
une égalité de tous en droits. Des valeurs sans lesquelles la
démocratie n’est pas possible.
La
révolution et la Palestine
Il
incombera aussi à la révolution arabe de régler la
question palestinienne !
Cette
révolution sera en effet boiteuse tant que la question
palestinienne, trop longtemps ignorée des gouvernements arabes
actuels, n'aura pas trouvé une solution
juste. Nous savons que ceci ne sera pas facile.
Parlons-en prochainement.
Nabil El-Haggar, universitaire
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