Aujourd'hui le Maroc
Sarkozy est à
contre-courant de Kouchner
Mustapha Tossa
Photo Aujourd'hui le Maroc
Mercredi 24 février 2010
Bernard Kouchner est en train de jouer une étrange
partition tout à fait à contre-courant de la symphonie générale.
Que se passe-t-il au sein de la parole diplomatique française ?
Est-elle en train de vivre un schisme et une schizophrénie
permanente ou s’agit-il tout simplement d’un diabolique partage
des rôles entre l’Elysée et le Quai d’Orsay ? A voir les
dernières et fracassantes sorties du ministre des Affaires
étrangères Bernard Kouchner et les non moins violents recadrages
de François Fillon et de Nicolas Sarkozy, la tentation est
grande de constater que le ministre en titre des Affaires
étrangères est en train de jouer une étrange partition tout à
fait à contre-courant de la symphonie générale.
Deux sujets sensibles ont parfaitement illustré récemment ce
dédoublement de parole. Le premier concerne l’approche de l’Etat
palestinien. A la veille de la visite du président de l’Autorité
palestinienne Mahmoud Abbas à Paris, Bernard Kouchner s’est
précipité au «Journal du Dimanche» pour lâcher une des idées les
plus inédites sur la manière de solutionner le conflit
israélo-palestinien, celle qui consiste à envisager de
reconnaître un Etat palestinien avant la fin du processus de
négociation. Pour les familiers de la retenue européenne sur le
sujet, l’idée semblait révolutionnaire, voire subversive. Du
Moyen-Orient où il effectuait une tournée à caractère
économique, le Premier ministre François Fillon s’est cru obligé
de tempérer les ardeurs de son ministre des Affaires étrangères
et dire que la priorité pour la France est d’aider à enclencher
le processus de négociation. A Paris où il recevait Mahmoud
Abbas, Sarkozy s’interrogeait à haute voix : à quoi servirait un
Etat palestinien sans frontières, sans continuité géographique
et sans moyens de fonctionner ? Cette position tranchée sans
nuance fut perçue comme un désaveu public d’une proposition
lancée par le ministre des Affaires étrangères et qui fait
polémique à Tel-Aviv et à Bruxelles, sans parler du choc
émotionnel qui a dû être ressenti à Washington. Ce qui pousse à
s’interroger sur la réalité et les arrière-pensées de cette
sortie. S’agit-il d’une brusque lubie qui a saisi un ministre
qui cherche à capter les grands titres de l’actualité et à faire
parler de lui ou est-il question d’un ballon d’essai mûrement
planifié pour faire réagir et transmettre les messages. Le
second sujet sur lequel Bernard Kouchner semble avoir marqué un
son diplomatique clivant est celui de l’Algérie lorsqu’avec des
mots crus, il a estimé que la relation entre la France et
l’Algérie «sera peut-être plus simple» lorsque la génération de
l’indépendance ne sera plus au pouvoir. Cette déclaration a
rajouté à l’ire algérienne contre la France un palier
supplémentaire.
Déjà aux prises avec Paris sur l’opportunité de criminaliser,
par voie parlementaire, les œuvres du colonialisme deux ans
avant le cinquantième anniversaire de l’indépendance, Alger a
vivement réagi aux propos de Bernard Kouchner qui n’est plus sûr
d’être le bienvenu dans ce pays. Pour faire baisser la tension
entre les deux pays, Nicolas Sarkozy a dépêché à Alger ses deux
véritables globe-trotters de la diplomatie secrète qui sont
Claude Guéant le secrétaire général de l’Elysée et Jean-David
Levitte, le conseiller diplomatique. Une manière de souligner le
fossé de plus en plus béant qui le sépare du Quai d’Orsay. Mustapha
Tossa
DNCP à Paris
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Aujourd’hui le Maroc 2010
Publié le 26 février 2010 avec l'aimable
autorisation de Aujourd'hui le Maroc
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