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Aujourd'hui le Maroc
Mahmoud
Abbas, faillite et dépendances
Mustapha Tossa
Décrit
par l’ensemble des portraitistes comme un personnage terne, au
discours limé, préférant la composition à l’affrontement,
Mahmoud Abbas n’a pas su gérer le feu qui couvait depuis
longtemps entre les deux factions rivales, le Fatah et le Hamas. Alors
que la Hamas a fini de verrouiller son emprise sur la bande
de Gaza, le président palestinien Mahmoud Abbas, jadis marginalisé,
affaibli, traité avec indifférence et condescendance, est
redevenu subitement aux yeux de la communauté internationale
l’ultime recours pour faire barrage à la vague verte qui menace
de déferler sur l’ensemble des territoires palestiniens.
Décrit par l’ensemble des portraitistes comme un personnage
terne, au discours limé, préférant la composition à
l’affrontement, Mahmoud Abbas n’a pas su gérer le feu qui
couvait depuis longtemps entre les deux factions rivales, le Fatah
et le Hamas. Ces deux forces se disputent âprement le pouvoir
palestinien depuis que ce dernier avait raflé la mise lors des
dernières législatives du 25 janvier 2006 au grand désespoir américain.
Les images de la Bande de Gaza en plein processus de «Talibanisation»
avec des militants cagoulés, déchaînés, en train de piller et
de brûler les symboles du pouvoir de l’Autorité palestinienne
ont fait le tour du monde avec une grande rapidité, provoquant
par la même occasion le sursaut de nombreuses capitales arabes et
occidentales. Alors que la communauté internationale s’était résignée
au surplace d’un Ehud Olmert sans imagination et d’un Ismaël
Haniyeh sans concessions, ses membres les plus influents viennent
de se fendre d’un soutien bruyant à Mahmoud Abbas intronisé
pour l’occasion comme la dernière digue contre la marée
fondamentaliste. Fort de ce soutien, le président palestinien a,
après avoir limogé le Premier ministre Ismaël Haniyeh, chargé
Salam Fayyad de former un cabinet de crise. Ancien cadre de
la Banque mondiale à Washington, ancien ministre des Finances
dans différents gouvernements palestiniens, Salam Fayyad a
longtemps joué le rôle du grand argentier de l’Autorité
palestinienne sous la bienveillance concordante des Américains et
des Israéliens.
Cette décision a créé une situation régionale inédite,
malicieusement résumée par Martin Indyk, ancien ambassadeur américain
en Israël sous l’administration Clinton : «Hamastan et
Fatahstine: une solution à deux Etats…seulement pas celle que
George Bush avait en tête», avait-il écrit dans un éditorial
du Washington Post du 15 juin dernier.
Le gouvernement Fayyad, débarrassé des «indésirables» éléments
du Hamas, est assuré, en théorie, de bénéficier des aides
financières et économiques dont était privé Ismaël Haniyeh
pour cause de refus de reconnaître Israël et d’inscription de
son mouvement sur les listes américaines et européennes
d’organisations terroristes. La tentation est grande de
concentrer ces aides sur les habitants de la Cisjordanie en vue
d’obtenir une nette amélioration de leurs conditions de vie.
Ces mesures serviront à créer un laboratoire grandeur nature
destiné à séduire l’opinion palestinienne et lui faire goûter
les fruits de la paix et de la reconnaissance d’Israël. Tandis
qu’encerclée, la Bande de Gaza, gérée par le Hamas, offrira
le visage d’une infernale prison à ciel ouvert.
La situation créée par le coup de force de Hamas à Gaza offre
une valeur stratégique explosive. Alors que les commentaires de
la presse israélienne commencent déjà à décrire Gaza comme
une prolongation idéologique et militaire du territoire iranien,
l’Egypte frontalière ne parvient plus à cacher ses inquiétudes.
Même si Le Caire a longtemps été accusé d’avoir fermé les
yeux sur le trafic d’armes qui a permis au Hamas d’écraser
ses adversaires, le régime égyptien est loin de s’accommoder
de l’existence à ses côtés d’un foyer de terreur et
d’agitations qui ne cache pas ses sympathies militantes avec les
Frères musulmans, le Hezbollah et l’Iran.
Mahmoud Abbas est mis aujourd’hui devant le fait accompli de
devoir combattre le Hamas, non parce que Israéliens et Américains,
voulant appliquer à la lettre l’esprit d’Oslo, l’exigent
mais parce que son autorité est violemment remise en cause.
Nombreux sont ceux qui guettent ses premières décisions en vue
de reprendre le leadership qui lui a été contesté par les
armes. De sa capacité à mater politiquement et militairement
le Hamas dépend l’avenir de son autorité… maintenant que la
guerre civile entre les deux frères ennemis est ouverte et
territorialement distincte…
Par : Mustapha
Tossa
DNCP à Paris
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© Aujourd’hui le Maroc 2007
Publié avec l'aimable autorisation de : Aujourd'hui le Maroc
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