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Aujourd'hui le Maroc
La France envisage de parler au Hamas sous
conditions
Mustapha Tossa
Photo: Aujourd'hui le Maroc
22 janvier 2009 Le changement de
ton de la diplomatie française à l’égard du Hamas est surtout le
fruit de la nouvelle conjoncture internationale qu’offre
l’arrivée de Barack Obama aux affaires.
Même si elle ne l’a pas crié sur tous les toits, la diplomatie
française vient d’opérer un vrai tournant dans son attitude à
l’égard du Hamas. Le fracas des armes israéliennes aidant et les
échos d’insoutenables massacres contre les civils palestiniens
ont dissimulé l’ampleur du virage. Après avoir longtemps milité
pour mettre en quarantaine le mouvement de résistance islamique
palestinien, soutenu sans réserve Israël dans sa stratégie
d’isoler la portion du territoire qu’il contrôle, joint sa voix
à celle des Européens et des Américains de George Bush pour le
mettre sur la liste des infréquentables organisations
terroristes, voici que Paris développe une autre musique qui la
rend disponible à ouvrir des canaux de communication avec le
Hamas.
Et c’est le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner,
qui était chargé de formuler ce virage à l’Assemblée
nationale : «Nous allons continuer non seulement à encourager
mais faire un forcing pour obtenir la levée du blocus» car «s'il
n'y a pas de levée du blocus de Gaza - et nous l'espérons dans
les jours qui viennent- tout recommencera (…) C'est notre avis
et nous avons pensé aussi - nous l'avons découvert il y a
longtemps - que le Hamas était un des interlocuteurs (…) Nous
pensons qu'il faudra parler avec eux quand ils accepteront le
processus de paix, lorsqu'ils accepteront de s'inscrire dans la
négociation».
Les puristes pourront toujours dire qu’au fond, la diplomatie
française n’a pas changé d’approche et que la conditionnalité
ainsi formulée viderait de sa substance toute ouverture sur le
Hamas. Mais d’autres pourront, pour bien souligner l’ampleur du
virage, rappeler le tollé général qui avait failli provoquer une
grande crise diplomatique entre la France et ses partenaires
lorsque fut révélé en avril 2008, la rencontre à Gaza entre un
haut diplomate français à la retraite Yves Aubin de la
Messuzières et Ismaël Haniyeh «le Premier ministre» du Hamas.
Devant la grande polémique qui avait agité le Quartette que
dirige Tony Blair et qui avait posé trois conditions avec la
reprise de contact avec le Hamas, l’arrêt de la violence, la
reconnaissance d’Israël et l’acceptation de la feuille de route,
Bernard Kouchner s’en est sorti avec une pirouette qui cachait
mal le malaise. Sur le thème, il s’agissait d’une initiative
personnelle de Yves Aubin de la Messuzières comparable à celle
que mène Jimmy Carter pour l’Administration américaine, Bernard
Kouchner avait fini par admettre qu’il s’agissait de simples
«contacts» non de «relations» suivies. Nicolas Sarkozy avait
alors enterré la polémique en l’enveloppant dans des propos
aussi vagues que prometteurs : «Qu'il y ait des passerelles pour
discuter, après tout, moi je ne me permets pas de juger ce que
font les uns et les autres, peut-être que ça sera utile un
jour». Pour l’Elysée d’ailleurs , il ne s’agit ni plus ni moins
que d’une mise à niveau de la politique française dans la
région : «Si demain il y a un gouvernement d'union nationale, on
ne va pas sortir de la pièce parce qu'il y a des ministres du
Hamas; il y a bien des ministres du Hezbollah dans le
gouvernement libanais».
Les observateurs ont cru déceler un fait important dans le
comportement de Paris. Interrogé de savoir si la France avait
renoncé à poser comme préalable à la discussion avec le Hamas la
reconnaissance d’Israël, le porte-parole du Quai d’Orsay, Eric
Chevalier, a eu cette réponse sibylline : «Je n'ai pas dit
qu'elle n'était pas un préalable. J'ai dit qu'il y avait des
éléments du Quartet, avec un élément absolument majeur, qui est
celui de la renonciation à la violence».
Le changement de ton de la diplomatie française à l’égard du
Hamas est surtout le fruit de la nouvelle conjoncture
internationale qu’offre l’arrivée de Barack Obama aux affaires.
Le nouveau président américain qui s’apprête à designer Georges
Mitchell , le talentueux et efficace artisan des accords de paix
en Irlande, comme envoyé spécial au Proche-Orient, n’a pas caché
sa stratégie d’ouvrir des canaux de discussion avec l’Iran et le
Hamas. Nicolas Sarkozy, qui entend cogérer les crises du monde
avec Obama, ne pouvait pas rester à la traîne, enfermé dans une
logique dépassée par les événements. D’où ce grand redéploiement
à l’encontre du Hamas qui s’annonce.
Mustapha Tossa
DNCP à Paris Droits
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Aujourd’hui le Maroc 2009
Publié le 24 janvier 2009 avec l'aimable
autorisation de Aujourd'hui le Maroc
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