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Aujourd'hui le Maroc
France
: Bernard Kouchner : Une prise de guerre
Mustapha Tossa
Nicolas
Sarkozy a réalisé le rêve de Bernard Kouchner que la galaxie
socialiste lui a longtemps dénié pour cause d’un ego brûlant
porté vaillamment en bandoulière, d’une consommation excessive
des médias jusqu’à l’indigestion.
Lorsque les capitales arabes les plus influentes
auront prochainement à recevoir le nouveau chef de la diplomatie
française, Bernard Kouchner, nombreux sont ceux qui, la posture
alerte, ne pourront s’empêcher de jeter aux alentours des «regards
entendus», des œillades complices et interrogatives sur
les réels pouvoirs du nouveau locataire du quai d’Orsay. Sa
nomination à ce poste très exposé a suscité un tourbillon
politique et médiatique d’une grande intensité. Sur fond de
trahison partisane, de retournement d’alliance, d’ouverture
opportuniste, Nicolas Sarkozy a réalisé le rêve de Bernard
Kouchner que la galaxie socialiste lui a longtemps dénié pour
cause d’un ego brûlant porté vaillamment en bandoulière,
d’une consommation excessive des médias jusqu’à
l’indigestion.
La question qui taraude les esprits les moins rompus à la chose
diplomatique est la suivante : lequel des Bernard Kouchner
s’est, en fait, installé aux Affaires étrangères?
Le Bernard Kouchner théoricien du devoir d’ingérence qui a
longtemps fait la fortune universelle de son auteur ? Le militant
humanitaire, fervent supporter de la religion des droits de l’Homme
ayant survolé les multiples plaies de la planète ? Ou le French
doctor, fondateur inspiré de «médecins sans frontières» ayant
raté sa vocation d’acteur, avant de jouer devant les palais de
la république la grande comédie du pouvoir?
Le ralliement de B. Kouchner à N. Sarkozy a soulevé des hauts le
cœur même chez les plus blasés. Durant la campagne des présidentielles
où il a joué un rôle important aux cotés de Ségolène Royal,
l’actuel ministre des Affaires étrangères français n’avait
pas arrêté de pilonner le candidat Sarkozy, le considérant
comme un homme qui «n'éprouve aucune honte à pêcher dans les
eaux de l'extrême droite». Et Quand Sarkozy pointait le caractère
inné de la pédophilie, Kouchner considérait ce point de vue «singulièrement
dangereux, voire complètement irresponsable» avant de procéder
à une exécution morale du futur président de la république: «Quand
à la fois on fait un ministère de l'identité française et on
parle des caractères acquis et de l'inné génétique, on est là
dans un terrain mouvant et une dérive historiquement scandaleuse».
Ce terrain des valeurs n’est pas le seul qui oppose Kouchner à
Sarkozy. Si les deux ne cachent pas leur admiration pour le style
Bush, le premier, atlantiste convaincu, a été l’une des rares
voix dites de gauche à trouver des vertus à l’aventure
militaire américaine en Irak. Peut-être y voyait-il
l’illustration parfaite de son fameux devoir d’ingérence ?
Sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, les deux
hommes se trouvent aux antipodes. Tandis que Nicolas Sarkozy
s’est retranché dans un refus catégorique, son actuel ministre
des Affaires étrangères soutient l’adhésion de la Turquie
qu’il qualifie de «pays d’Islam séculier». Cette situation
a de fortes chances de donner la migraine aux autorités turques.
Sous l’ère Sarkozy, sacrifiant aux sirènes séductrices de
l’ouverture, la diplomatie française a une voix originale et un
visage inattendu. Mais rares sont ceux qui s’attendent à
ce que le nouveau président de la république laisse Bernard
Kouchner déployer les multiples gammes de ses talents. La
diplomatie française, selon le sacro-saint principe du «domaine
réservé» que Nicolas Sarkozy avait égratigné lors de la
campagne électorale, continuera à être pilotée depuis le
Palais de l’Elysée sous la houlette de Jean-David Levitte,
ancien ambassadeur à Washington. Elle le sera d’avantage dans
ce contexte politique particulier de «présidentialisation» avérée
de l’action gouvernementale et des affaires étrangères. Un
contexte qui répond a un besoin urgent de Nicolas Sarkozy d’étoffer
sa stature internationale. Après la diplomatie «médicamenteuse»
suivie par Philippe Douste Blazy, Bernard Kouchner, l’homme qui
croit que «la politique étrangère française n'était pas si
différente entre la gauche et la droite», a de fortes
chances de voir sa prestation au quai d’Orsay cantonnée à des
coups de gueule devant les caméras, à des indignations scénarisées
pour dénoncer les grands drames insolubles de l’actualité.
Jusqu’à ce que les contradictions des uns et des autres
deviennent dures à supporter ou que «l’ouverture» politique
perde de son charme et de son magnétisme.
Par : Mustapha
Tossa
DNCP à Paris
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© Aujourd’hui le Maroc 2007
Publié avec l'aimable autorisation de : Aujourd'hui le Maroc
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