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Aujourd'hui le Maroc
L'insoumise du
gouvernement Sarkozy
Mustapha Tossa

Photo Aujourd'hui le Maroc
Lundi 19 octobre 2009
Rama Yade a créé l’événement en invitant le monde
politique à ne pas donner l’impression de favoriser les
puissants au détriment des petits.
Malgré ses rétropédalages médiatiques et ses dénégations
tactiques, Rama Yade, la jeune secrétaire d’Etat aux Sports dans
l’équipe de François Fillon aura été la seule voix officielle à
se distinguer du concert de louanges et de critiques qui avait
accueilli la décision de Sarkozy de nommer son fils cadet Jean à
la tête l’établissement public d’aménagement de la défense (Epad)
et l’unique personnalité officielle à avoir tiré la sonnette
d’alarme sur les conséquences néfastes qu’une succession
d’affaires et de scandales peut provoquer dans l’opinion.
Nicolas Sarkozy avait misé sur une solidarité gouvernementale
sans failles pour démontrer le bien-fondé de sa décision et la
mauvaise foi de ses détracteurs. Tous les ministres sont montés
au créneau pour dire tout le bien qu’ils pensent de ce
talentueux jeune qu’est Jean Sarkozy, la nécessité de ne pas lui
barrer le chemin de son ascension au prétexte qu’il porte un
illustre patronyme. Tous ont essayé de conjuguer le ton de leur
indignation, quitte à friser le ridicule comme l’a
involontairement montré le porte-parole du gouvernement Luc
Chatel et sa célèbre saillie: «Voulons-nous interdire à
quelqu’un de par son nom tel ou tel mandat? Nous sommes en
République». Tous ont essayé de jouer la solidarité avec Sarkozy
qui affronte en cette période une séquence lourde avec une
accumulation d’affaires sensibles, Mitterrand, Polanski, Jean
Sarkozy. Tous sauf une : Rama Yade. Elle crée le véritable
événement lorsqu’elle dégaine sa petite phrase invitant le monde
politique à ne pas donner l’impression de favoriser «les
puissants» au détriment «des petits»: «Il ne faut pas donner le
sentiment qu’il y a une coupure entre des élites, qui se
protégeraient, pour lesquelles il y a une justice des puissants,
et puis des petits, pour lesquels la justice est sévère». La
parole de Rama Yade a été amplifiée car elle n’est pas que
secrétaire d’Etat aux Sports. Elle est, non seulement
personnalité préférée des Français selon les derniers
baromètres, mais aussi porte-parole de la tête de liste UMP pour
les élections régionales en Ile-de-France Valérie Pécresse. Dès
que Rama Yade a opéré sa sortie sur le climat délétère qui
risque de provoquer un divorce en politique, nombreux sont ceux
qui ont cru y déceler un halo d’aigreur et d’amertume à
l’encontre de Sarkozy. Entre Rama et Nicolas, rien ne va plus
depuis que la fougueuse secrétaire d’Etat au Droits de l’Homme
qu’était Rama Yade, avait refusé à la demande explicite du
président de la République de diriger la liste UMP en
Ile-de-France lors de l’élection européenne. Ce refus effronté
et plein de morgue avait fait entrer Sarkozy dans une colère
noire. Elle fut dégradée du prestigieux et visible poste
gouvernemental des droits de l’Homme à celui, technique et
gestionnaire, des sports. Et la seule raison qui semblait
l’avoir empêché de renvoyer Rama Yade à son anonymat fut sa
décision déjà programmée de se séparer d’une autre icône de la
diversité, Rachida Dati. Il faut dire que mettre Rachida et Rama
dans une même charrette d’expulsion hors du gouvernement aurait
porté un coup fatal à l’ensemble de l’architecture d’ouverture
qu’il avait patiemment tissée et sur laquelle il avait misé
toute sa fortune politique. Même si Rama Yade, sur les conseils
avisés de son entourage, a essayé d’accuser certains médias
d’avoir instrumentalisé ses propos, il n’empêche qu’avec sa
posture, elle campe malgré elle le statut d’une voix discordante
au sein du gouvernement. N’étant pas une femme de réseau,
nommée à ces postes par la simple volonté de Nicolas Sarkozy, sa
popularité excessive pourra-t-elle la protéger d’une vengeance
présidentielle programmée à la veille d’un remaniement
gouvernemental qu’on dit de plus en plus inévitable ? Mustapha
Tossa
DNCP à Paris
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Aujourd’hui le Maroc 2009
Publié le 21 octobre 2009 avec l'aimable
autorisation de Aujourd'hui le Maroc
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