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Aujourd'hui le Maroc
Michèle
Alliot-Marie, ministre français de l’Intérieur : «Nous devons
construire des frontières électroniques contre la criminalité»
Mustapha Tossa
Michèle Alliot-Marie - Photo intérêt
général
5 novembre 2007 La
76ème session de l'Assemblée générale d'Interpol se tient du 5
au 8 novembre à Marrakech. A l’occasion, Michèle Alliot-Marie,
la ministre française de l’Intérieur, réitère l’urgence de
renforcer les efforts entre le Maroc et la France pour la lutte
contre la criminalité sous toutes ses formes, y compris le
terrorisme. ALM
: Vous participez aujourd’hui à l’assemblée générale d’Interpol
à Marrakech. Quel sera votre message et quelles propositions
allez-vous faire pour rendre cet organisme encore plus performant
dans ses missions ?
Michèle Alliot-Marie : Ma
présence à Marrakech est l’occasion de porter le témoignage
de l’amitié ancienne et profonde entre la France et le Maroc.
C'est aussi l'occasion d'apporter mon soutien à Interpol où plus
de 180 pays au monde coopèrent contre la criminalité, et dont le
siège est à Lyon. Avec le Comité exécutif et le secrétaire général,
Ronald Noble, nous allons œuvrer à renforcer encore la coopération
et les échanges d’information entre les polices du monde
entier.
La lutte contre le crime organisé au 21ème siècle passe par la
réalisation d’analyses communes entre polices des cinq
continents et par un recours massif aux technologies les plus
modernes. Dans un monde globalisé, nous devons construire des «frontières
électroniques contre la criminalité». La lutte contre la
drogue, contre la pédophilie et contre le terrorisme implique la
formation commune des policiers, le développement de centres
d'analyses du renseignement et l'utilisation de logiciels de plus
en plus performants. Les valeurs de la démocratie et des droits
de l’Homme participent de la coopération entre les polices. Je
suis venue réaffirmer au nom de la France leur signification pour
les citoyens du monde entier et pour les services de sécurité
qui unissent leurs efforts pour les protéger.
Les relations entre la France et
le Maroc sont au beau fixe, comme vient de le montrer la récente
visite de Nicolas Sarkozy. Comment cela se traduit-il au niveau de
la coopération sécuritaire entre les deux pays?
Mes relations de travail avec votre ministre de l’Intérieur,
Chakib Benmoussa, sont confiantes et constructives. Elles
sous-tendent les travaux des services spécialisés de nos deux
pays. La lutte contre le terrorisme exige de favoriser les échanges
d’information et de structurer des rapports institutionnels
confiants. Au-delà de l'intensification de la coopération
policière, la France et le Maroc entretiennent un partenariat
exemplaire pour la sécurité civile et la coopération entre les
administrations territoriales. Les walis marocains et les préfets
français procèdent à des échanges fructueux dans le domaine de
la décentralisation et de l’organisation des services publics.
Les échanges entre les ministères de l'Intérieur des deux pays
ont ainsi atteint un niveau sans précédent. Le Maroc est au
premier rang des interlocuteurs de l'Union européenne non
seulement parce que c'est un grand pays mais aussi en raison de la
capacité de ses dirigeants à s'impliquer pleinement dans les
projets euro-méditerranéens.
Le Maroc et la France font de la
lutte antiterroriste une priorité absolue. Quelle évaluation
faites-vous des risques qui menacent les deux pays ?
Les risques sont élevés. Ils continueront à l'être dans les
prochaines années. Il n'existe aucune protection absolue contre
le terrorisme. Cependant, nous avons démontré notre capacité à
déjouer des tentatives d'attentat et à punir leurs auteurs.
Depuis une vingtaine d'années, la grande majorité des auteurs
d'actions terroristes ont pu être arrêtés et jugés. Après un
travail minutieux du ministère de l’Intérieur, la Justice en
France a condamné le 11 juillet 2007 à de lourdes peines de
prison les huit complices des attentats terroristes liés au
Groupe islamique combattant marocain qui ont eu lieu à
Casablanca. La lutte contre le terrorisme international implique
un effort permanent qui continuera de mobiliser nos énergies pour
parvenir à anticiper et non pas seulement à réagir.
«Al Qaïda au Maghreb islamique»
est apparue récemment comme une organisation qui fait peser une
menace mortelle sur les pays du Maghreb, comment la France
traite-t-elle ce phénomène ?
Cette organisation terroriste place le Maroc et l'Algérie, mais
aussi la France, l'Espagne, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie,
en première ligne de ses objectifs. Elle a déjà fait couler
beaucoup de sang. Nous sommes tous solidaires dans la lutte contre
Al Qaïda. L'information en temps réel est un enjeu constant pour
les services. Il faut sans relâche neutraliser les noyaux qui se
forment en vue d'éviter les attentats. Mes services sont mobilisés
jour et nuit dans ce long et difficile combat. La réorganisation
des services de renseignement, pour disposer d'un pôle moderne et
unique de renseignement intérieur, s'inscrit pleinement dans
cette démarche de recherche d'efficacité. A ce titre, la France
a redéfini sa doctrine de lutte anti-terroriste en intégrant une
réponse globale, qui comprend aussi des mesures d’aide aux
victimes, une meilleure coordination des services et des actions
de communication. Dans nos sociétés aujourd'hui, la sécurité
collective dépend aussi du progrès économique et social au
profit des populations les plus démunies.
Pendant votre séjour au Maroc,
vous avez rencontré votre homologue marocain Chakib Benmoussa.
Sur quels dossiers urgents la coopération entre vos deux ministères
peut-elle connaître une accélération?
Nous voulons accélérer le traitement des grands dossiers. Ils
sont nombreux. C'est le cas de la coopération dans le domaine de
la police technique et scientifique, de la lutte contre la drogue
en Mer Méditerranée ou encore de la menace terroriste. Ces thèmes
sont également évoqués dans le cadre de la conférence des
ministres de l'intérieur de la Méditerranée occidentale (CIMO).
Plus de 50 actions de coopération franco-marocaine, en police,
formation ou sécurité civile seront réalisées en 2008… C'est
notre contribution à la mise en œuvre du partenariat stratégique
qui lie la France et le Maroc, dans le domaine de la démocratisation
et de la consolidation de l’Etat de droit, tel que souhaité par
Sa Majesté le Roi.
En tant que ministre de l’Intérieur
et des Cultes, attendez-vous à une coopération particulière de
la part du Maroc en ce qui concerne les affaires islamiques?
La France est une nation qui connait bien l'Islam du fait de son
histoire et en raison de la place importante qu'y occupe la
religion musulmane. Une importante communauté de ressortissants
marocains, ou d'origine marocaine, vit en France. Leur représentation
est importante au sein du Conseil français du culte musulman, créé
en 2003, pour fournir aux autorités françaises un interlocuteur
officiel des communautés musulmanes.
La communauté musulmane dispose également désormais d'une
fondation des œuvres de l'Islam dont la mission est notamment de
favoriser la construction des mosquées.
Nous sommes très actifs dans la recherche d'un dialogue entre
l'Europe et le monde musulman. Je n'oublie pas le rôle tout à
fait significatif que les communautés musulmanes et notamment la
communauté marocaine ont joué dans la transformation de la
France en un Etat moderne et prospère pendant plusieurs générations,
ni la reconnaissance que nous devons aux musulmans qui ont
combattu pour la France.
La grande mosquée de Paris qui fut construite en signe de
reconnaissance pour les combattants musulmans morts au champ
d'honneur pour la défense de la France a été inaugurée le 15
juillet 1926 par le Sultan Moulay Youssef, arrière-grand-père de
Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Par :
Mustapha Tossa
DNCP à Paris
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Publié le 6 novembre 2007 avec l'aimable autorisation de : Aujourd'hui le Maroc
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