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L'EXPRESSIONDZ.COM
LE PRÉSIDENT AMÉRICAIN ET LE MONDE ARABE
L'heure de vérité
Mustapha Cherif
Photo Sana
Jeudi 28 mai 2009
Les puissants de ce monde ne peuvent pas indéfiniment protéger
un régime israélien qui bafoue les valeurs qu’ils prônent.
Barack Obama prononcera un discours très attendu le 4 juin au
Caire. Il s’adressera au monde musulman. Après ce discours, le
monde arabe, échaudé, jugera le nouveau président aux actes,
mais il faut prendre conscience que l’on doit de même agir et
assumer nos responsabilités. Le monde arabe et musulman est à la
croisée des chemins. La position de l’opinion publique
américaine, européenne et mondiale commence à changer. La cause
palestinienne est perçue comme juste, et les excès flagrants de
la politique israélienne sont appréhendés non seulement comme un
danger pour la stabilité du monde, mais comme intenables, compte
tenu des principes «démocratiques» de l’Occident. La
crise mondiale du libéralisme sauvage aidant, c’est une
opportunité pour tenter de favoriser les solutions justes et le
multilatéralisme. Les puissants de ce monde ne peuvent pas
indéfiniment protéger un régime israélien qui bafoue les valeurs
qu’ils prônent. Les contradictions de régimes arabes archaïques,
des réactions aveugles face à l’occupation,
l’instrumentalisation des religions et une mauvaise
communication empêchent de transformer l’essai. La résistance
intelligente alliée à une communication stratégique est vitale,
elle concerne l’avenir de l’humanité, pas seulement celui des
Palestiniens.
Une nouvelle dynamique peut
s’enclencher
C’est dans le danger et la tourmente que le changement et le
salut sont possibles. Le réveil est requis, avant qu’il ne soit
trop tard. Barack Obama et l’actuelle administration savent
maintenant que le dossier israélo-palestinien bloque toute
avancée pour un nouvel ordre international cohérent et alimente
la mondialisation de l’insécurité. De ce fait, le principe de la
création effective d’un Etat palestinien est la question
prioritaire sur laquelle sera jugé Obama pour son premier
mandat. Ce n’est pas par philanthropie que Barack Obama peut
contribuer au règlement de cette question centrale pour l’avenir
du monde, mais parce qu’il considère avec raison que désormais
l’intérêt objectif des USA l’exige. Sa marge de manoeuvre n’est
pas large, compte tenu des préjugés, de l’aveuglement et du
poids des puissants lobbys et milieux qui défendent des intérêts
étroits. Mais, si les Arabes rassurent les Européens divisés, se
réforment et sortent de l’immobilisme et du sous-développement
politique, une nouvelle dynamique peut s’enclencher que nul ne
pourra retenir. Les conditions du changement sont pratiquement
réunies; si on sait saisir l’opportunité. Barack Obama a
signifié son intention de régler ce problème au Premier ministre
israélien, Benyamin Netanyahu, un politicien de la pire espèce,
qu’il recevait à la Maison-Blanche, le 18 mai.
Le président américain, notamment ce début juin en Egypte, va
certainement vouloir apparaître dans le rôle d’arbitre et
signifier aux Arabes leurs droits mais aussi leurs devoirs. Il a
raison d’espérer des Arabes un changement de leur politique
attentiste, qui s’enferme dans la victimisation, sans agir
efficacement pour sortir du sous-développement politique et
économique. La volonté américaine de dialoguer et de faire
sortir le monde arabe de sa torpeur est salutaire, car depuis
vingt ans au moins toutes les propositions et idées pour
réformer le monde arabe ont été refusées sans qu’aucune
alternative ne soit présentée par les Arabes eux-mêmes, sous
prétexte de refus d’ingérence et de priorité à la «stabilité».
La question palestinienne n’avancera que si le monde arabe gagne
en légitimité et crédibilité.
La cause palestinienne semble dans une impasse tragique, mais
c’est Israël qui pratique la fuite en avant et l’extrémisme
suicidaire. Les protagonistes de ce conflit, à cause des
difficultés abyssales d’Israël à sortir du bellicisme, semblent,
dit-on, incapables de parvenir à un règlement définitif, mais le
temps est pour les Palestiniens, malgré toutes les actions
destructrices d’Israël. Israël considère qu’en cas de fin du
conflit avec les Palestiniens et les Arabes elle risque
d’imploser, ayant besoin d’un ennemi pour durer. C’est cette
psychologie qu’il faut changer. D’autant que la loi du plus fort
et la haine sont vouées à l’échec. Une synergie USA, UE, Monde
arabe peut régler le problème, dans l’intérêt des Israéliens et
des Palestiniens. Sinon demain, à terme, le prix à payer sera si
élevé que nul ne peut imaginer ce qui va se passer.
La mauvaise conscience des Européens
Le dossier palestinien est le test de vérité de l’Occident. Plus
de soixante années après la fin de la Seconde Guerre mondiale et
la mauvaise conscience des Européens à n’en plus finir, va-t-on,
oui ou non, regarder la réalité en face, dire et pratiquer le
droit, au lieu de soutenir l’injustifiable? L’Europe, qui s’est
construite, en ces temps modernes, plus que quiconque, sur des
principes de droit, de justice et de démocratie, est face à ses
responsabilités. Saura-t-elle dépasser son passé, sa
subjectivité, son prisme déformé, qui ruinent sa crédibilité,
pour amener Israël à cesser la colonisation et accepter à ses
côtés un Etat palestinien, tout en garantissant la sécurité à
chacun? Les Arabes doivent réapprendre à communiquer, pour se
faire entendre des Européens, des citoyens israéliens, eux aussi
traumatisés, et aider Barack Obama. Seul, ce dernier ne pourra
pas réaliser ce qu’espère l’immense majorité des opinions dans
le monde: la création d’un Etat palestinien. Le consensus sur le
soutien américain à Israël s’effrite avec l’arrivée de jeunes
citoyens épris de justice dans l’opinion américaine. Selon un
sondage américain publié à l’occasion de la rencontre entre
Netanyahu et Obama, la majorité des Américains sont favorables à
des pressions sur Israël pour faciliter l’établissement d’un
Etat palestinien; 80% des électeurs de Barack Obama estiment
qu’il est temps d’exercer des pressions sur Israël, et tous
électeurs confondus, 45% sont favorables à des pressions
réelles.
Si des divergences existent non seulement entre démocrates et
républicains sur le conflit israélo-palestinien, et aussi au
sein des opinions des élites, un consensus commence à se
dessiner au sein de la nouvelle administration. Chacun attend de
voir comment Obama va tenter d’imposer son point de vue. Tout le
monde sait qu’après l’échec de Clinton à ce sujet et
l’aveuglement de Bush, Obama n’a pas le droit à l’erreur. D’où
l’importance de l’aider en mettant fin entre autres aux
divisions. Les déceptions et les promesses non tenues ont poussé
des jeunes Palestiniens à l’extrémisme et d’autres puissances
régionales sont entrées en jeu. Les déclarations occidentales
ont perdu tout crédit, contredites sur le terrain par la
politique du deux poids, deux mesures. Les mensonges des
dirigeants israéliens et leur politique arrogante de
colonisation, qui se poursuit, tuent tout espoir de coexistence
dans cette région et dans le monde. Le partage de la terre fixé
en 1948 et le droit international sont bafoués, de manière
brutale et flagrante depuis 1967 avec l’annexion par la
soldatesque israélienne des terres arabes et d’El Qods Charif,
Jérusalem, et chaque jour sur la partie qui revient aux
Palestiniens. La viabilité politique, territoriale et économique
est liquidée, pour laisser place à un apartheid et des
bantoustans. Peu de politiques sont confiants, cependant, compte
tenu des enjeux, il est démentiel de croiser les bras et
d’attendre que des miracles s’opèrent, car c’est l’avenir de la
liberté et du vivre-ensemble qui sont sur la balance. Barack
Obama pour le moment parle clairement: il a affirmé que les
engagements pris par les gouvernements israéliens précédents
devaient être respectés et que les colonisations devaient être «stoppées».
Alors que, d’une part, Israël détient illégalement des centaines
de bombes nucléaires, et que, d’autre part, nul ne peut empêcher
un pays de détenir le nucléaire civil, il est inquiétant que le
président américain se soit enfermé dans un agenda au sujet de
l’Iran: il a affirmé qu’à «la fin de l’année», il
réexaminerait sa stratégie à ce sujet, même s’il a précisé que
ce dossier n’est pas prioritaire. Israël a mis en avant cette
question pour faire diversion et préparer l’opinion publique à
une éventuelle guerre dite «préventive». Faire peur, en
termes de surenchère est une vieille tactique israélienne pour
paralyser ses partenaires.
La poursuite de la colonisation et
l’impunité des Israéliens
Netanyahu, pour tenter de marginaliser la question
palestinienne, va certainement proposer à la Syrie des
négociations et faire croire qu’il facilite la tâche d’Obama
dans la région. Le moment de vérité est-il venu? Robert Malley,
ancien négociateur de Bill Clinton, démis récemment de ses
fonctions parce qu’il a eu le courage de rencontrer des éléments
du Hamas, élus par leur peuple, répond par la négative, lors
d’un entretien télévisé sur une chaine américaine. La poursuite
de la colonisation et l’impunité des Israéliens continuera
jusqu’à ce que les Arabes assument leurs responsabilités et
contribuent à faire basculer dans le bon sens l’opinion publique
américaine, européenne et israélienne.
Il s’agit de contrecarrer les raccourcis de ceux qui répandent
la peur, prônent le choc, et diabolisent les musulmans pour
empêcher que la colonisation soit stoppée. Les islamophobes
empêchent de déconstruire le regard déformé entre l’Occident et
l’Orient, ne clarifient en rien les causes des problèmes,
ajoutent à la confusion. Ils dédouanent les situations
d’agressions, et refusent le droit de contester et de résister
contre l’oppression et les injustices. Si trop d’actes inhumains
sont perpétrés par ceux qui usurpent le nom de l’Islam, et que
les voix opposées ne paraissent pas assez audibles, il est
partial d’oublier 15 siècles d’histoire, de pratiquer
l’amalgame, et inadmissible de faire croire que le monde
musulman est monolithique. Contresens et amalgames irriguent les
accusations de ceux qui s’inventent un nouvel ennemi.
Dénigrement qui cherche à faire croire que l’agression
criminelle de Ghaza est un acte de légitime défense. Ainsi, le
discours dominant stigmatise, produit l’allégation que les
musulmans méritent tout ce qui leur arrive, que seul est un «fascisme»
le terrorisme des faibles, et non point la sauvagerie du
terrorisme des puissants. Est détourné le débat sur les
problèmes de fond qui minent notre monde. Le monde arabe peut-il
comprendre que le temps du changement est venu, ou que celui de
la descente aux enfers s’accélérera?
Mustapha Cherif, Professeur en relations internationales
www.mustapha-cherif.net
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Publié le 28 mai 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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