Inter
Press Service
Les
avocats et les diams au cœur d’une campagne de boycott
anti-israélien
Moyiga
Nduru
on Inter Press Service (Johannesburg)
26 janvier 2007
http://www.ipsnews.net/africa/nota.asp?idnews=36331
« Nous lançons
un appel à la mobilisation à tous les travailleurs
sud-africains. Nous voulons que tous les diamants provenant d’Israël
soient considérés comme des diamants de guerre. Nous exhortons
les gens à ne plus acheter de diamants israéliens », a déclaré
Mohamed.
Un appel lancé par un syndicaliste sud-africain en direction des
chaînes de supermarchés afin de les exhorter à arrêter
d’importer des avocats d’Israël pourrait en fin de compte
conduire à bannir tous les produits importés de l’Etat juif,
si les syndicats et les militants de défense des droits de
l’homme réussissent leur coup.
Katishi Masemola, secrétaire général de l’Union des
Travailleurs des Industries Alimentaires et Connexes [Food and
Allied Workers’ Union – FAWU], a fait savoir aux chaînes de
supermarchés sud-africaines, voici quelques jours, qu’Israël
produit des avocats dans des conditions « de type
esclavagiste ». Il affirme que l’Organisation
Internationale du Travail proscrit le recours au travail des
enfants, qu’Israël, soutient-il, emploie dans ses vergers
d’avocatiers.
IPS a contacté l’ambassade israélienne à Pretoria, la capitale
de l’Afrique du Sud, afin de solliciter ses commentaires.
Celle-ci n’a pas répondu à l’appel de l’IPS.
Au cours d’une interview, M. Masemola nous [nous = IPS] a déclaré :
« Israël occupe des parties de la Palestine, et il frustre
ce pays de son accession à l’autonomie étatique. Dans ces
territoires occupés, on produit des avocats dans des conditions
très dures, de type esclavagiste. Des fermiers israéliens louent
des enfants palestiniens, qu’ils paient à coups de
lance-pierres. »
« La quantité d’avocats que les chaînes sud-africaines de
la grande distribution alimentaire importent est négligeable.
Cela ne représente que deux pour cents du tonnage total des
avocats qu’elles se procurent tant outre-mer que localement »,
a-t-il dit. « Les supermarchés peuvent très bien s’en
passer ».
Derek Donkin, directeur général de l’Association Sud-Africaine
des Producteurs d’Avocats [South African Avocado Growers’
Association – SAAGA], a indiqué que l’Afrique du Sud produit
100 000 tonnes d’avocats annuellement. « Entre 40 000 et
50 000 sont exportées. Le reste est vendu sur le marché local »,
nous a-t-il déclaré depuis le siège de son association, sise à
Tzaneen, à quatre heures de route de la plate-forme commerciale aéroportuaire
de Johannesburg, la plus importante d’Afrique du Sud.
« L’Afrique du Sud importe une petite quantité
d’avocats, durant la saison creuse (de novembre à février), où
nous ne produisons pas d’avocats. La plus grande partie des
avocats que nous importons provient d’Espagne », a-t-il
expliqué.
Dans une lettre en date du 16 janvier, adressée à Shaheed
Mohamed, coordinateur de la branche sud-africaine de la Coalition
pour des Sanctions Contre Israël, Brian Weyers, directeur
marketing de Shoprite Checkers, une grande chaîne de supermarchés,
indiquait que le Groupe Shoprite n’importait d’Israël que
1,12 % des 6,8 millions d’avocats vendus par ses soins.
« Nous avons acheté 93,85 % des avocats [que nous avons
vendus] localement, et nous avons importé 5,03 % de nos ventes
d’Espagne et du Kénya », a-t-il ajouté. M. Weyers a
indiqué que ces fruits étaient hors saison et que c’était là
l’explication du recours, par le groupe Shoprite, à des sources
d’approvisionnement alternatives.
« En ce qui concerne les avocats d’importation, ils ont été
achetés à une compagnie israélienne, Carmel Agrexco, laquelle
nous a assuré qu’elle était approvisionnée également par
beaucoup de producteurs arabes, qui la chargent d’exporter leurs
productions », a indiqué M. Weyers.
« Nous devons aussi signaler que Shoprite n’est pas la
seule compagnie, en Afrique du Sud, à vendre des produits israéliens.
Aujourd’hui, vous pouvez acheter des pamplemousses, des oranges
et des kakis israéliens chez la plupart de nos concurrents, dans
la ville du Cap », a-t-il précisé.
Au début de nos investigations, nous avons constaté que la
controverse portant sur les fruits n’était que la partie émergée
de l’iceberg. « Les avocats ne sont pas tout. Le principal
produit qui nous préoccupe, ce sont les diams. Israël importe
des diamants d’Afrique du Sud ; il les polit et il les
taille, après quoi il les renvoie en Afrique du Sud, à un prix
supérieur d’au minimum dix fois à leur valeur de départ. Il
en va de même pour l’or », nous a indiqué Mohamed au
cours d’une conversation téléphonique, depuis Le Cap.
« Israël importe pour 3 milliards de rands de diams (soit,
environ, 430 millions de dollars) d’Afrique du Sud annuellement.
Israël ne produit pas le moindre carat de diamant. Pourtant ce
sont 30 % de son Produit Intérieur Brut qui sont dégagés par
l’industrie du diamant. Les diamants pourraient être polis et
façonnés en Afrique du Sud ; cela donnerait du travail à
une partie des chômeurs qui représentent 40 % de la
main-d’œuvre sud-africaine », a-t-il suggéré.
Durant l’année écoulée, la De Beers – la compagnie minière
leader en Afrique du Sud – a licencié 1 200 de ses 10 000
employés, d’après Rivonia Mura Khosi, un leader syndical de la
mine De Beers de Kimberley (Afrique du Sud).
« Par-dessus le marché, ils veulent licencier encore 400
travailleurs supplémentaires. La semaine prochaine, nous allons
rencontrer la direction pour discuter de cette question. Si nous
pouvons éviter les licenciements, tant mieux », nous a-t-il
déclaré au cours d’une interview, poursuivant : « Sinon,
nous allons essayer de leur négocier un bon pécule de départ ;
ça va être très dur… »
Lentement, mais sûrement, la coalition anti-israélienne se
renforce, en Afrique du Sud. « Nous n’avons pas encore
lancé d’appel à l’imposition de sanctions à Israël. Nous
savons qu’Israël perpètre des atrocités à l’encontre des
Palestiniens. Mais nous en viendrons là ; ça n’est plus
que la question de quelques mois… » nous a dit M. Masemola.
« Nous lançons un appel à la mobilisation des travailleurs
sud-africains. Nous voulons que tous les diamants provenant d’Israël
soient considérés comme des diamants de guerre. Nous exhortons
les gens à ne pas acheter de diamants provenant d’Israël »,
a expliqué M. Mohamed.
Une campagne internationale visant les diamants façonnés en Israël
est prévue pour le mois de février prochain en Afrique du Sud,
en Grande-Bretagne, au Canada, en Australie et en Irlande.
En ce qui le concerne, le Groupe De Beers rejette toute accusation
de comportement répréhensible : « 100 % des diamants
De Beers sont certifiés exempts de conflictualité. Actuellement,
ce sont moins d’un pour cent des diamants en vente dans le monde
entier qui sont concernés par les trafics de guerre. Alors
qu’aujourd’hui plus de 99 % des diamants bruts sont certifiés
provenir de sources indemnes de conflits, l’industrie du diamant
a une politique de tolérance zéro pour les diamants de guerre,
et elle n’aura pas de repos tant que les diamants de la guerre
n’auront pas totalement été éradiqués », explique la
firme sur son site internet.
« Le Libéria connaît aujourd’hui la paix, et actuellement
le Liberia, la République du Congo (connue aussi sous le nom de
Congo Brazzaville) et la Côte d’Ivoire sont soumis à des
sanctions de l’Onu », précise ce site.
En vertu du système de certification adopté en 2003, sous le nom
de Processus de Kimberley, qui regroupe 71 pays, les diamants
doivent être exempts de toute conflictualité. Ce processus a été
suscité par des conflits sanglants dans des pays africains riches
en ressources diamantifères, qui ont causé des centaines de
milliers de morts.
En Afrique, la coalition de M. Mohamed est active au Maroc et en
Egypte. L’Afrique du Sud est le seul pays d’Afrique
subsaharienne à comporter une branche (unique, à ce jour) de
cette association. Les quatre collègues de M. Mohamed ont
participé au Forum Social Mondial de Nairobi, au Kénya (du 20 au
25 courant), où ils ont organisé une manifestation de
protestation contre Israël.
M. Mohamed a indiqué que sa coalition vise aussi l’Afrique du
Sud en raison de ses ventes de pièces de rechange d’avions et
d’hélicoptères à Israël. Il a rappelé qu’Israël utilise
des mitrailleuses héliportées contre les Palestiniens. « Par
association, nous sommes donc impliqués dans l’assassinat de
civils palestiniens innocents par l’armée israélienne »,
nous a-t-il expliqué.
Le gouvernement sud-africain, qui n’a pas imposé de sanctions,
ni adopté de règlements de boycott, aux biens en provenance d’Israël,
est perçu comme pro-palestinien, en raison de liens historiques
entre l’African National Congress au pouvoir et l’OLP.
Rappelons que le régime sud-africain d’apartheid,
(heureusement) disparu, travaillait en étroite collaboration avec
l’Etat juif.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
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