Opinion
Trois femmes
puissantes
ou la Turquie et son casse-tête kurde
Mounadil
al-Djazaïri
Samedi 12 janvier
2013 On ne peut pas
dire que la presse française en fasse
des tonnes sur l’affaire des
trois militantes Kurdes assassinées
à Paris il y a quelques jours (pour le
coup, ce sont elles qui ont eu la tête
fracassée).
Slate nous dit cependant que:
Frapper Sakine Cansiz, c’est donc
frapper Abdullah Öcalan, alors qu’il
négocie de sa prison d’Imrali avec
les services secrets turcs et qu’on
venait tout juste d’apprendre qu’un
accord cadre serait en vue.
Slate rejoint ainsi la position
officielle turque telle qu’elle a pu
être exprimée par le premier ministre
Recep Tayyip Erdogan:
Le Premier ministre turc, Recep
Tayyip Erdogan a dénoncé jeudi
l’exécution déplorable de trois
femmes kurdes à Paris, retrouvées
mortes dans la nuit tuées d’une
balle dans la tête.
« Il nous faut être patient et
attendre que les autorités fassent
la lumière sur cet incident. Il
pourrait s’agir d’un règlement de
compte interne (au sein du PKK) ou
d’une provocation pour tenter de
perturber nos efforts de bonne
volonté pour avancer dans le cadre
du processus de paix », a-t-il
déclaré, selon l’agence de presse
Anatolie
Mais les choses ne sont peut-être pas
si simples ainsi qu’on peut le subodorer
en voyant le premier ministre Truc
employer le mot « exécution » au lieu
d’assassinat. Un mot auquel l’adjectif «
déplorable » peine à ajouter une réelle
dimension émotionnelle.
De son côté, RFI évoque
trois pistes possibles: celle d’un
conflit interne au Parti des
Travailleurs du Kurdistan (PKK), un coup
des services secrets turcs sur ordre de
leur gouvernement pour faire capoter les
discussions en cours et faire porter le
chapeau ausx radicaux du PKK et enfin
une action des Loups Gris, le mouvement
nationaliste turc d’extrême droite.
J’observerai qu’on peut sans
difficulté fusionner la deuxième et le
troisième hypothèse, ce qui nous
laisserait seulement deux éventualités.
Et l’hypothèse d’une action ses
services secrets turcs est des plus
probables, pour des raisons de simple
logique.
On sait par exemple que la démarche
bassement électoraliste du premier
ministre Turc dans son « dialogue » avec
le PKK est admise par tous les
observateurs même si certains pensent
qu’il peut en sortir du positif.
Pourtant, la crise syrienne a donné
l’occasion au premier ministre Turc de
démontrer son hostilité absolue à de
véritables discussions avec les Kurdes
et, au contraire, de sa volonté de les
amener à se soumettre en échange de
quelques mesures symboliques.
Mais Ergogan comme les Kurdes
eux-mêmes savent très bien que la
concrétisation du
projet national kurde n’a jamais été
aussi proche qu’aujourd’hui et que c’est
le gouvernement turc lui-même qui, avec
sa politique bizarroïde (il n’y a pas
d’autre mot) relativement à la Syrie et
à Irak a favorisé cet état de fait.
Je ne veux pas dire par là que les
Kurdes vont réaliser leur projet
national, mais que le prix à payer pour
les en empêcher sera plus élevé que
jamais.
Un autre élément qui plaide en faveur
de l’hypothèse d’un meurtre commandité
par les autorités turques est à chercher
dans d’autres propos de M. Erdogan, ceux
par lesquels il réagit à des mots du
président Français, François Hollande.
On peut lire en effet dans une
dépêche Reuters du 12 janvier:
Meurtres de Paris-Erdogan demande des
explications à Hollande
M. Erdogan ne demande pas au
président Français de faire la lumière
sur le triple meurtre à Pais mais réagit
à ces propos de M. Hollande:
« C’est directement trois
personnes dont l’une était connue de
moi et de beaucoup d’acteurs
politiques parce qu’elle venait
régulièrement nous rencontrer », a
déclaré jeudi François Hollande.
Propos qui ont suscité le
mécontentement du premier ministre Turc
qui a adressé cette sommation au chef de
l’Etat français
« Le président français doit
expliquer à l’opinion turque et au
monde pourquoi il avait rencontré
des membres d’une organisation
terroriste ».
Une petite phrase où on peut voir
tomber le masque d’Erdogan qui qualifie
sans hésiter les trois victimes de
membres d’une « organisation terroriste
». On peut donc conclure que ce que M.
Erdogan jugeait déplorable dans «
l’exécution » de ces trois militantes
Kurdes, c’était la méthode. Peut-être
aurait-il préféré la strangulation?
Et l’organisation terroriste est
celle-là même avec laquelle son
gouvernement est supposé avoir engagé
des négociations sérieuses et sincères!
Les dernières mises à jour
|