Opinion
L'école et les
caniches de garde
Mohammed
Yefsah
Samedi 15 juin
2013 Protester est le premier pas vers le
bourgeonnement de la conscience. La
philosophie instruit le refus. Des
plumitifs, qui passent leur temps à
accoucher de mots venimeux, parfois
insultants sur le régime, se placent
nombreux ces jours-ci en parents
hantés par la violence et proposent
aux jeunes lycéens en révolte la
sagesse et la modération. Si la
jeunesse refuse la résignation et le
manifeste à sa façon, dans un pays
qui ne donne pas de voie à
l'expression, pourquoi alors lui
apprendre à se taire ? La
protestation contre un sujet du
baccalauréat, qu'ils n'ont pas
étudié semble-t-il, devrait en
premier lieu poser la question :
l'éducation nationale a-t-elle fait
son travail ? Avec les qualificatifs
tels que scénario ou révolte à
l'algérienne, comme autrefois «
primes à l'émeute », à lire au sens
propre et figuré, s'exprime le
dédain. Mépriser l'expression de
cette jeunesse qui, malgré sa
situation sociale de survie n'a pas
sombré dans le terrorisme
contrairement à la jeunesse
d'octobre, donne une idée de
l'élitisme avec lequel sont regardés
ceux qui luttent. L'Algérie qui
fabrique avec célérité une caste de
riches n'indigne pas nos augustes
chroniqueurs et analystes. Mœurs des
temps ! En ingurgitant chaque soir
du whisky ou du lait caillé avec des
cacahuètes, ils croient qu'ils
changent le monde par la seule magie
de leurs écrits. Prophéties du ciel
! Ce sont des caniches de garde à
l'algérienne, à l'image des nouveaux
chiens de gardes sous d'autres
cieux, défenseurs acharnés du monde
en l'état actuel, défenseurs zélés
du tout libéralisme. L'une de ces
lumières est sidérée par la «
mentalité ANSEJ » et dans l'élan de
son vomissement s'en prend à «
l'effacement des dettes des Fellahs
», à la gratuité et tout ce qui
reste d'un Etat social. Ce
chroniqueur propose la sanction,
l'effort, les valeurs et autres mots
balises. Il faudrait traduire ces
notions philosophiques, éminemment
conservatrices, par matraque et
coups sans pitié. « L'effort » de
saisir le malaise de cette jeunesse
est évacué d'un revers de la main.
Ce sont d'ailleurs les mêmes qui
jaspinent depuis des lustres sur
l'école algérienne en voyant
derrière chaque égyptien un
prédicateur et un éducateur de
futurs terroristes. Cette école,
dont ils sont en majorité le
produit, les tourmente. Ils
s'acharnent maintenant sur des
jeunes que le souci de la réussite
angoisse et pousse à la maladresse.
Ils s'en prennent à cette réaction
spontanée et cette école en révolte,
laquelle malheureusement produit de
l'échec, plus que l'école
d'autrefois qui avait au moins
l'ambition de ne pas exclure de ses
bancs les enfants du peuple. Nos
spécialistes des intrigues et des
rumeurs du palais déversent,
certains en fascistes en puissance,
leur haine des révoltés de la rue,
des insoumis de l'école, des
travailleurs en lutte, des émeutiers
en colère, alors qu'ils ne cessent
d'appeler au changement du régime,
surtout dans le feu du « printemps
arabe ». Ils veulent du changement
dans le respect de l'agenda de
l'Otan et soutiennent des hommes
issus du sérail. Mais, ils refusent
le combat pour ceux qui se battent
pour leur dignité, dans le souci de
ne pas se trouver définitivement à
la rue. Le vrai sujet à questionner
est cette réserve inépuisable de
révolte et cette troublante angoisse
de l'échec chez nos jeunes. Nos «
plumes » et le pouvoir ne sont pas
d'accord au sujet du « nouveau ».
Eux et le pouvoir sont en symbiose
pour bastonner la canaille. Nos «
intellectuels » des médias, qui ont
eu leur bac apparemment sans
tricher, exigent des autorités la
liberté et la matraque. Cela aurait
pu faire une belle dissertation
philosophique !
Publié sur
Les Débats
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