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Info Palestine
Mon héros personnel : Tali
Fahima
Michel Warschawski
Tali
accueillie à la sortie de la prison par sa mère
"Hier,
3 janvier 2007, j’attendais à la porte de la prison Ayalon à
Ramle avec quelques dizaines d’amis, pour accueillir Tali Fahima
qui allait être libérée après plus de deux années
d’emprisonnement."
J’étais là, simplement présent, et j’avais
en mémoire un autre évènement, similaire à celui-ci, il y a 16
ans de cela, quand mes amis et ma famille m’accueillaient, ici,
à cette même porte de la prison Ayalon, lors de ma propre libération.
Les accusations contre moi n’étaient pas très
différentes de celles portées contre Tali : en un mot,
c’est parce que nous avons franchi la frontière qui, selon la
loi israélienne et l’idéologie sioniste, doit séparer les
Israéliens des Palestiniens.
Mais ici s’arrêtent les similitudes.
Alors que mon arrestation a eu lieu après deux décennies
d’activités politiques, Tali a commencé à avoir des ennuis
avec les autorités israéliennes dès ses premières actions
politiques ; alors que les relations prohibées que j’ai
eues avec les activistes palestiniens se sont nouées en résultat
d’un long processus de maturation politique, la décision de
Tali d’aller à Jénine et d’y rencontrer l’activiste
palestinien, Zakariya Zbeideh, a été, comme elle l’a expliqué
pendant son procès, l’« acte normal » d’un être
humain libre, intéressé à comprendre les racines d’un conflit
qui détermine nos existences. Elle ne pouvait accepter que dans
ce conflit, il y ait, d’un côté, des êtres humains, normaux
et paisibles, et de l’autre côté - dans le camp de réfugiés
de Jénine, dans les quartiers de Gaza, les universités
palestiniennes - que des monstres.
Autre différence : j’ai été élevé dans
une famille instruite, de la classe moyenne, « naturellement »
orientée à gauche, alors que Tali vient d’une famille pauvre
de Kiryat Gat, qui, traditionnellement, soutient les partis de
droite.
Dans ce sens, mes activités politiques ont été
le résultat d’une longue progression dans une politisation
soutenue par une activité politique transfrontalière et une
tradition historique ; je n’ai aucun mérite d’avoir réalisé
ces actes qui par la suite m’ont mené en prison. Tali Fahima,
par contre, a agi d’elle-même, sans le soutien des siens, avec
sa seule conscience et de sa libre décision. De plus, elle a agi
sans avoir reçu d’enseignement marxiste, sans tradition
communiste, sans camarades de parti et sans personnalité
historique à laquelle s’identifier.
C’est pourquoi Tali Fahima, cette jeune femme de
Kiryat Gat, est mon héros personnel.
Une dernière différence et d’importance :
devant la prison, en plus des quelques vieux suspects
traditionnels de ma génération politique, il y avait des
dizaines de jeunes, certains même très jeunes, des activistes
israéliens pour qui la personnalité et l’action de Tali représentent
un exemple. Des jeunes femmes et des jeunes hommes pour qui
refuser la construction d’un mur qui veut séparer les Juifs des
Arabes, les Israéliens des Palestiniens, est une chose naturelle.
Ces mêmes jeunes gens se confrontent avec l’armée israélienne
sur le mur à Bil’in chaque semaine, protégent les habitants du
sud de la Cisjordanie de la violence des colons et se rendent à
Ramallah malgré les check-points et les lois qui l’interdisent.
Ils ont à peine entendu parler de la Première
Intifada, ne savent rien de l’OLP et, très certainement,
n’ont jamais lu Edward Saïd. Leur conscience politique s’est
formée seulement à partir de leur bon sens, une chose qui ne les
rend pas moins politiques que les générations précédentes
d’activistes, mais qui les rend certainement plus déterminés
et intransigeants dans leur combat pour la justice.
Et c’est pourquoi, ils s’identifient
pleinement à Tali Fahima, c’est pourquoi elle est leur héros,
à eux aussi.
Michel Warschawski est un activiste israélien de
longue date et co-fondateur d’Alternative
Information Center (AIC)
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