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Utiliser des faux renseignements pour justifier une guerre nucléaire préemptive contre l'Iran

IRAN: Les mystérieux « documents de l'ordinateur portatif »
Michel Chossudovsky

Dimanche 28 novembre 2010

Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité (CS) de l’ONU a adopté l’imposition d’une quatrième ronde de sanctions radicales contre la République islamique d’Iran. La résolution 1929 du CS comprend un embargo élargi sur les armes, ainsi que des « contrôles financiers renforcés » :

 

[Résolution 1929 (9 juin 2010)] Décide que tous les États doivent empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à l’Iran, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs nationaux ou des personnes relevant de leur juridiction, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, qu’ils aient ou non leur origine dans leur territoire, de chars de combat, véhicules blindés de combat, systèmes d’artillerie de gros calibre, avions de combat, hélicoptères d’attaque, navires de guerre, missiles et lanceurs de missiles […], décide également que tous les États doivent empêcher la fourniture à l’Iran par leurs nationaux ou à partir de leur territoire ou à travers leur territoire de toute formation technique, ressources financières ou services financiers, conseils, autres services ou aide liés à la fourniture, à la vente, au transfert, à la livraison, à la fabrication, à l’entretien ou à l’utilisation de telles armes et de matériel connexe, et invite tous les États à faire preuve de vigilance et de retenue concernant la fourniture, la vente, le transfert, la livraison, la fabrication et l’utilisation de toutes autres armes et du matériel connexe; (Le Conseil de sécurité impose des sanctions à l’Iran à l’issue d’un vote divisé par le rejet de la résolution par le Brésil et la Turquie, comprend le texte complet de la résolution 1929, Département de l’information des Nations Unies, 9 juin 2010, c’est l’auteur qui souligne.)

 

La Fédération de Russie et la République populaire de Chine ont toutes deux cédé aux pressions étasuniennes en faveur de la résolution 1929. En novembre, après la publication d’un décret par le président Dmitri Medvedev, Moscou a annoncé l’annulation de son accord de coopération militaire avec l’Iran relatif au système de défense aérien S300.

 

Sans l’aide militaire de la Russie, l’Iran est une cible facile. Son système de défense aérien dépend de la coopération militaire soutenue de la Russie.

 

Ces développements frappent au cœur même de la structure des alliances militaires. Ils empêchent la Russie et la Chine de vendre des armes à la fois stratégiques et conventionnelles, ainsi que de la technologie militaire à leur allié de facto : l’Iran. En réalité, il s’agissait de l’un des principaux objectifs de la résolution 1929, que Washington a l’intention de renforcer.

 

Faux renseignement

 

La résolution 1929 est basée sur un mensonge fondamental. Elle maintient la notion que l’Iran est une puissance nucléaire en devenir et une menace à la sécurité mondiale. Elle donne un feu vert à l’alliance militaire États-Unis-OTAN-Israël pour menacer l’Iran avec une attaque nucléaire punitive préemptive en utilisant le CS de l’ONU comme approbation systématique.

 

La position des États-Unis au CS de l’ONU est en partie fondée sur de soi-disant documents du renseignement fournissant des « preuves » du programme d’armement nucléaire iranien.

 

En novembre 2005, le New York Times a publié un rapport de William J. Broad et David E. Sanger intitulé « Relying on Computer, U.S. Seeks to Prove Iran's Nuclear Aims » (Les États-Unis cherchent à prouver les visées nucléaires de l’Iran en se fiant à un ordinateur). Les allégations de Washington rapportées dans le New York Times reposaient sur des documents « obtenus d’un ordinateur iranien volé par une source inconnue et donnés au renseignement étasunien en 2004 ». (Voir Gareth Porter, « Exclusive Report: Evidence of Iran Nuclear Weapons Program May Be Fraudulent », Global Research, 18 novembre 2010, c’est l’auteur qui souligne.)

 

Ces documents comprennent « une série de dessins d’un véhicule de rentrée » qui pourrait apparemment s’adapter à une arme nucléaire produite par l’Iran.

 

À la mi-juillet, de hauts représentants du renseignement étasunien ont invité les chefs de l’agence d’inspection de l’énergie atomique en haut d’un gratte-ciel donnant sur le Danube à Viennes et ont révélé le contenu de ce qu’ils disaient être un ordinateur portatif iranien volé.

 

Selon une demi-douzaine d’Étasuniens et d’Européens ayant participé à la réunion, les Étasuniens ont projeté rapidement sur un écran et étalé sur une table de conférence une sélection de plus de mille pages des simulations et des comptes-rendus d’expériences provenant de l’ordinateur iranien en disant qu’ils montraient un effort de longue date visant à concevoir des ogives nucléaires.

 

Les Étasuniens ont reconnu dès le départ que les documents ne prouvent pas que l’Iran possède une bombe atomique. Ils les ont présentés comme étant la preuve la plus convaincante jusqu’ici que, malgré l’insistance de l’Iran sur l’aspect pacifique de son programme nucléaire, le pays tente de développer une ogive compacte adaptée à son missile Shahab, lequel peut atteindre Israël et d’autres pays du Moyen-Orient. (William J. Broad et David E. Sanger, « Relying on Computer, U.S. Seeks to Prove Iran's Nuclear Aims », New York Times, 13 novembre 2005)

 

Le département d’État étasunien a par la suite remis ces « documents secrets » à l’Agence internationale d’énergie atomique (AIEA), dans le but de démontrer que l’Iran développait un programme d’armement nucléaire.

 

Alors que leur authenticité a été remise en question à plusieurs occasions, un récent article du journaliste d’enquête Gareth Porter confirme sans équivoque que les mystérieux documents de l’ordinateur portatif sont faux. Les dessins contenus dans les documents ne sont pas liés au missile Shahab mais à un système de missile nord-coréen obsolète qui a été désarmé par l’Iran au milieu des années 1990.

 

Comme c’est stupide! Les dessins présentés par les représentants du département d’État des États-Unis concernaient « la mauvaise ogive de missile » :

 

En juillet 2005, […] Robert Joseph, le secrétaire d’État adjoint des États-Unis pour le contrôle des armements et de la sécurité nationale, a fait une présentation formelle des prétendus documents du programme d’armement nucléaire iranien aux hauts représentants de l’agence à Viennes. M. Joseph a rapidement montré à l’écran des extraits des documents, en portant une attention particulière à la série de dessins ou « schémas » techniques montrant 18 façons d’adapter une charge utile non identifiée dans le véhicule de rentrée ou l’« ogive » du missile balistique iranien à moyenne portée, le Shahab-3.

 

Toutefois, lorsque les analystes de l’AIEA ont été autorisés à étudier les documents, ils ont découvert que ces schémas étaient basés sur un véhicule de rentrée que les analystes savaient avoir déjà été abandonné par l’armée iranienne en faveur d’un nouveau modèle amélioré. L’ogive montrée dans les schémas avait la forme habituelle de « bonnet d’âne » de la version originale du missile No Dong nord-coréen, acquis par l’Iran au milieu des années 1990 […]

 

Les documents du portatif illustraient le mauvais véhicule de rentrée en train d’être reconçu […] (Gareth Porter, op. cit.)

 

Qui étaient derrière la production de faux renseignement ? Gareth Porter suggère que le Mossad israélien a été une source de faux renseignement concernant le présumé programme d’armement nucléaire de l’Iran :

 

L’origine des documents du portatif pourrait ne jamais être irréfutablement prouvée. Cependant les preuves accumulées indiquent qu’Israël en est la source. Déjà en 1995, le chef de la division de la recherche et de l'évaluation du renseignement militaire de Tsahal (Armée de défense israélienne), Yaakov Amidror, a tenté sans succès de persuader ses homologues étasuniens que l’Iran prévoyait « devenir nucléaire ». Selon des sources israéliennes citées par un service de presse pro-israélien, en 2003-2004 les hauts représentants de la CIA considéraient les rapports du Mossad sur le programme nucléaire iranien comme une tentative de faire pression sur l’administration Bush pour qu’ils envisagent une action militaire contre les sites nucléaires iraniens. (Ibid.)

 

Mensonges et fabrications pour justifier un programme militaire

 

Les documents de l’ordinateur portatif ont été essentiels pour assurer la position étasunienne au Conseil de sécurité de l’ONU.

 

Nous avons là un cas évident de faux renseignements comparables à ceux présentés par Colin Powell en février 2003 sur les présumées armes de destruction massive de l’Irak. Les faux renseignements présentés au CS de l’ONU ont servi de justification à l’invasion de l’Irak en mars 2003.

 

« La preuve, ou plutôt l’absence de celle-ci, parle d’elle-même. Dans les mois qui ont mené à la guerre en Irak, l’administration Bush a produit des centaines de pages de renseignement pour les membres du Congrès et les Nations Unies démontrant comment le président de l’Irak, Saddam Hussein, possédait des tonnes d’armes chimiques et biologiques et poursuivait activement un programme d’armement nucléaire.

 

Les renseignements recueillis par la CIA et la Defense Intelligence Agency (DIA), une agence du département de la Défense qui récolte des renseignements pour le Pentagone, ont été utilisés par l’administration Bush pour convaincre le public que l’Irak représentait une menace pour le monde. (Voir Jason Leopold, « Powell Denies Intelligence Failure In Buildup To War, But Evidence Doesn’t Hold Up », Global Research, 10 juin 2003)

 

Le système de missile iranien Shahab

 

Les États-Unis ont encore une fois utilisé de faux renseignements pour fabriquer une justification pour aller en guerre.

 

La position des États-Unis et du Conseil de sécurité de l’ONU tombe à l’eau. La question qui importe est la suivante : la Russie et la Chine vont-elles revoir leur position au CS des Nations Unies concernant le régime de sanctions contre l’Iran ?

 

Le mouvement antiguerre des États-Unis s’opposera-t-il aux plans de Washington visant à mener une guerre nucléaire préemptive contre l’Iran, sur la base de faux renseignements ?

 

 


Article original en anglais : The Mysterious "Laptop Documents". Using Fake Intelligence to Justify a Pre-emptive Nuclear War on Iran, publié le 24 novembre 2010.

 

Traduction par Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.

Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur émérite de sciences économiques à l'Université d'Ottawa. Il est l'auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller international publié en 12 langues). 

© Copyright Michel Chossudovsky, Global Research, 2010
Publié le 29 novembre 2010 avec l'aimable autorisation de Michel Chossudovsky

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Source : Mondialisation.ca
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