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Ha'aretz

Une colon sioniste au parlement italien !
Meron Rapoport


Fiamma Nirenstein

in Haaretz, 18 avril 2008

http://www.haaretz.com/hasen/spages/976069.html 

Le quartier de Gilo, près de Jérusalem, compte près de 50 000 habitants, c'est une des plus grandes colonies israéliennes. Jusqu'à-présent, il n'avait aucun représentant au parlement. Cette semaine, c'est fait : Fiamma Nirenstein, qui habite ce quartier de colonisation depuis dix ans, vient, en effet, d'être élue au parlement italien. Si nous nous en tenons aux définitions de l'Onu, qui considère le quartier de Gilo, aux limites Sud de (notre) capitale (sic !), comme une colonie, on peut dire que Nirenstein est la première colone à être membre d'un parlement non-israélien.

La semaine dernière, durant une série de conversations téléphoniques avec Rome, entre de premières indications d’une victoire rasibus de la coalition de droite, à laquelle Nirenstein appartient, et les informations définitives concernant la victoire écrasante de Berlusconi, Nirenstein a expliqué à plusieurs reprises qu’elle n’a pas demandé la nationalité israélienne, mais que cette circonstance bureaucratique n’affecte en rien son identité. « Je me sens comme si j’avais fait mon aliyah », dit-elle au cours d’une conversation fluctuant entre l’hébreu et l’italien.

Durant la campagne électorale, Nirenstein n’a nullement caché son israélité. Sa campagne a été centrée sur l’idée qu’Israël est un avant-poste de la démocratie occidentale dans la lutte contre le terrorisme mondial. « J’ai concouru pour un siège au parlement en tant que députée de la région de Ligurie. J’ai tenu des meetings à Gênes et dans d’autres villes de cette région », raconte-t-elle. « Mais je n’ai pas parlé avec les Liguriens des problèmes locaux. Je leur ai dit que la chose la plus importante, pour l’identité italienne, était de se tenir au côté d’Israël ». Nirenstein a intitulé son dernier bouquin « Israele Siamo Noi » (Israël, c’est nous). Par ce « nous », elle faisait référence, bien entendu, aux Italiens.

Même si l’Italie n’a connu que peu d’attentats terroristes et même si le nombre d’immigrés musulmans y est relativement peu important, en comparaison avec d’autres pays européens, le fait de parler de l’importance de la lutte contre le terrorisme islamique, ou simplement de la manière de traiter l’Islam, de manière générale, est très présente dans le discours italien contemporain. Oriana Fallaci a consacré les dernières années de sa vie à écrire des bouquins dans lesquels elle désignait carrément l’Islam comme la source de tout le mal existant dans le monde. Berlusconi lui-même, ce leader incontesté de la droite italienne depuis plus d’une décennie, a expliqué, lors d’une de ses apparitions publiques, voici, de cela, quelques jours : « Nous devons être conscients de la supériorité de notre culture, qui a donné la prospérité aux habitants des pays qui l’ont adoptée, et qui assure le respect des droits de l’homme et de la religion. Or ce respect n’existe certainement pas dans les pays musulmans. »

C’est peut-être la raison pour laquelle Berlusconi et Gianfranco Fini, partenaire de Berlu et ex-chef du parti néofasciste, ont proposé que Nirenstein vienne rejoindre leur liste commune, celle du Partito della Libertà. 

Le paternel de La Nirenstein est arrivé en Italie durant la Seconde guerre mondiale ; il était soldat dans la Brigade juive. A Florence, il a rencontré la mère, qui combattait chez les partisans contre le gouvernement fasciste, et par la suite contre le régime nazi. « Je suis née communiste », explique-t-elle. Dans sa jeunesse, elle appartenait à la génération 1968 ; elle fonda la première publication féministe en Italie, et elle a travaillé dans des journaux de gôche.

Après la guerre de 1967 (dite des « Six jours »), un divorce commença à se dessiner entre elle et ses « camarades communistes », qui voyait dans Israël un pays occupant. « J’ai été hésitante, longtemps », dit-elle. « En 1982, j’ai signé une pétition contre la première guerre du Liban. Si c’était à refaire aujourd’hui, je ne la signerais pas. Qu’a gagné Israël, à se retirer du Liban ? »

Plus à droite que Netanyahu

Elle effectua sa première visite en Israël en tant que reporter, et ce n’est qu’après cette première visite qu’elle revint en Israël pour une longue période, en 1992. Durant deux ans, elle a dirigé l’Istituto Italiano di Cultura de Tel Aviv. Puis, après l’élimination de Rabin, elle décida qu’elle devait rester en Israël. « J’avais le sentiment que c’était le lieu le plus fascinant au monde, et puis j’avais aussi cette sensation que les informations diffusées à propos d’Israël étaient faussées. » Elle n’a pas obtenu la citoyenneté israélienne ; d’ailleurs, elle pensait qu’un passeport israélien ne ferait que la gêner dans son travail, mais ceci mis à part, elle pense aussi que « tout juif, où qu’il soit dans le monde, est israélien, même s’il n’en a pas conscience. Celui qui ne sait pas cela se goure gravement. »

En termes de système politique israélien réellement existant, la Nirenstein se situe à droite du parti Kadima et du parti travailliste, et peut-être même à droite du président du Likoud, Benjamin Netanyahu. Elle dit croire à l’idée de « deux pays pour deux peuples », mais elle pense que le principe de l’échange « des territoires contre la paix » a fait un flop. Inutile de palabrer sur cette question, explique-t-elle, tant que le monde arabe dans sa totalité n’aura pas reconnu Israël. Des négociations avec le Hamas ? Vous plaisantez, j’espère…

Pourtant, des sondages indiquent qu’une majorité d’Israéliens est prête à négocier avec lui.

Nirenstein : « L’opinion publique est en faveur d’un compromis avec le Hamas, afin que celui-ci cesse de tirer [des roquettes artisanales, ndt] sur Sderot. Mais du point de vue moral (sic !), il ne doit pas y avoir de négociations avec le Hamas, qui pense que les juifs sont des bâtards résultant de croisements entre des singes et des porcs. Vous ne pouvez pas négocier avec des cannibales, avec des gens qui bouffent de la barbaque humaine… »

Dur, dur, de tchatcher avec la Nirenstein… Pas seulement à cause de la mauvaise qualité de la liaison téléphonique avec Rome, mais aussi parce qu’elle pense qu’Israël est un phare qui devrait inspirer l’Occident tout entier. « Israël est l’avant-poste de toutes les démocraties dans le monde, et le temps est venu, pour l’Europe, de reconnaître cet état de fait », assène-t-elle.

Mais, durant votre campagne électorale, vous avez rencontré des Italiens qui savent tout juste où se trouve Israël, non ? Comment les avez-vous persuadés qu’Israël est important, pour leur vie-même ?

« Je leur ai dit que l’Italie avait énormément à apprendre, d’Israël. L’Italie peut apprendre d’Israël ce qu’est une démocratie véritable, comment une démocratie peut survivre dans des conditions de guerre, sans sacrifier, pour autant, ses principes fondamentaux. Israël est une culture de la vie, une culture de gens qui recherchent la paix en permanence. Notre problème, en Italie, c’est que, parfois, nous ne savons pas qui nous sommes. Vous pouvez savoir qui vous êtes quand vous connaissez votre ennemi et votre ami. Israël est l’ami de l’Italie !... »

Alors, si je comprends bien ; l’ennemi de l’Italie, c’est l’Islam ?

« Comprenez-moi bien : je ne dis pas que tous les musulmans sont des terroristes, ni que tous les musulmans sont des criminels. Mais le Hamas a annoncé sa volonté de conquérir Rome, de faire de la Ville au Sept Collines un avant-poste à partir duquel il conquerra l’ensemble de l’Europe ! » [Authentique ; je n’invente rien…, ndt]

Et vous pensez ça ; que le Hamas, réellement, a l’intention de conquérir Rome ??

« Rome est un lieu extrêmement symbolique, aux yeux de l’Islam radical. L’Italie, avec sa culture catholique, est un ennemi, aux yeux de l’Islam. »

Manifestement, tout ce délire tourne autour de l’une des questions centrales de la dernière campagne électorale italienne : la question des immigrés. Fini, qui sera sans doute nommé président du parlement dans la nouvelle administration Berlu, parle fréquemment de la nécessité d’interdire l’immigration illégale. Même le parti social-démocrate, modéré, dirigé par l’ex-maire de Rome Walter Veltroni, a consacré beaucoup d’attention à la question de l’immigration.

« Les gens ont l’impression que l’immigration menace leurs villes, leur culture », explique la Nirenstein. « C’est peut-être exagéré, mais les habitants de Florence, par exemple, voient dans leur cité un temple protégeant toutes ces œuvres d’art, qui ont été créées dans cette ville. Quand ils voient les marches du Dôme noires d’une foule d’immigrés, cela les met en état de choc. »

J’ai vécu à Florence. L’Italie m’a laissé le souvenir d’un pays tolérant…

« Cela a énormément changé. Il y a des quartiers entiers où vous ne pouvez pas vous rendre de nuit. Il y a des viols, il y a des agressions, il y a le trafic de drogues. Il y a des écoles spéciales pour les immigrés, dans lesquelles on n’accroche pas de crucifix au-dessus du tableau. Les immigrés méprisent notre culture. Nous leur avons donné du travail, et eux, ils raillent nos valeurs. Il y a une profonde contradiction entre l’Islam le plus radical et les valeurs italiennes ».

« Le problème, c’est qu’il n’y a pratiquement pas d’Islam modéré, en Italie. C’est exactement le contraire. A Rome, ils ont construit une mosquée énorme. Il y a beaucoup de mosquées, en Italien, et à l’intérieur de ces mosquées officient des madrasas extrêmement antioccidentales. Il y a de la polygamie, il y a des femmes battues – c’est extrêmement répandu. Il y a un père, qui a tué sa fille : « crime d’honneur ». C’est logique, que les Italiens remarquent tout ça, et que ça les fasse réagir. »

Salut fasciste

Dans les bouquins commis par la Nirenstein, vous ne trouverez pas ce sentiment antimusulman agressif qui hurle à chacune des pages des torchons de la Fallaci. Mais même si elle n’appartient pas à la vague d’opposition anti-immigrés (et, surtout, antimusulmane) qui est en train de déferler sur l’Italie, elle appartient bel et bien à cette nouvelle droite qui a remporté une victoire impressionnante, la semaine dernière. Il semble qu’il n’y ait pas une seule manière correcte d’être « de droite », valable pour l’ensemble de l’Europe : Berlusconi, le capitaliste fier de l’être et le pro-américain le plus avide d’Europe, d’un côté, la Ligue du Nord, avec ses discours haineux sauvages de l’autre, et puis Fini, avec son ancien parti néofasciste. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy semblent presque communistes, en comparaison avec cette bande de cinglés…

La Nirenstein n’accepte pas « complètement » cette définition. Pour elle, Berlusconi est un centriste, qui a bénéficié aussi de voix de gauche, parce qu’il est pour « les chiens du dessous » et parce qu’il veut alléger la fiscalité qui les écrase. Elle se voit elle-même en « amie de la Ligue du Nord », qui veut tout simplement faire de l’Italie un Etat fédéral. Elle pense que c’est là une ambition légitime, même si certaines des déclarations de la Ligue sont « déplaisantes ».

Sa proximité avec l’ex-parti néofasciste a causé quelques désagréments à la Nirenstein durant la campagne électorale, en particulier après qu’un des candidats de la liste Berlusconi au Sénat, Giuseppe Ciarrapico, eut annoncé fièrement qu’il était et qu’il restait un fasciste. D’après la Nirenstein, sa candidature « ne collait pas » avec la sienne propre, elle qui est une antifasciste convaincue, une juive, et la fille d’un résistant ; mais cela ne l’a pas empêchée de rester sur la liste… « De toute façon, une liste électorale parfaite, ça n’existe pas… », se justifie-t-elle.

Avez-vous rencontré des gens dans le genre de Ciarrapico, durant la campagne ?

« A un des meetings auxquels j’ai assisté, à Gênes, un type a fait le salut fasciste, avec le bras tendu. Je suis allée voir les mecs de l’Alleanza Nazionale (c’est le nouveau blaze du parti néofasciste) et je leur ai demandé de qui il s’agissait. J’ai dit que je protestais, que j’étais choquée de voir ce genre de chose et que je ne voulais pas que cela se reproduise. »

Mais Fini faisait bien le salut fasciste, le bras tendu, lors de ses meetings, dans les années 1960, à une époque où tout un chacun savait à quoi avait conduit le fascisme, non ?

« Je ne sais pas si Fini faisait ce salut, peut-être bien qu’il le faisait, de son jeune temps. Mais je ne vois pas ce qu’il aurait pu faire de plus que d’aller s’agenouiller à Yad Vashem, à part peut-être se suicider ?? »

Il ne pouvait peut-être guère faire mieux, en effet... Mais comment vous, vous qui êtes juive, vous qui êtes la fille d’un partisan, comment vous sentez-vous, aux côtés d’un homme qui a soutenu le fascisme, tout en étant un adulte conscient ?

« Fini était fasciste comme, moi, j’étais communiste, à l’époque où je me moquais bien de ce que Pol Pot avait fait, et où j’admirais Che Guevara… Je vois en lui quelqu’un qui a évolué, depuis. »

Après ces élections, explique la Nirenstein, l’Italie est un meilleur endroit où vivre, un pays plus stable, un endroit débarrassé de gauche radicale et de droite radicale. Elle ne sait pas encore ce qu’elle va faire dans le nouveau parlement. La Nirenstein aimerait s’occuper de politique étrangère, mais elle sait qu’elle devra en payer le prix : pour l’instant, elle va rester à Rome et dire ‘good-bye’ à ses amis en Israël. Elle n’a pas l’intention de renoncer à sa maison à Gilo, toutefois. Cette maison attendra le retour de Rome de la nouvelle députée.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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