Opinion
Deux ans
de guerre des milices et d’ingérence
étrangère :
La Libye de moins en moins «
libre »
Mehdia Belkadi
Mercredi 23 octobre 2013
Instabilité politique, insécurité
alarmante, situation critique des droits
de l’Homme, économie désastreuse,
embrasement dans la région et risque de
guerre civile féroce, le constat est
sans appel. Deux ans après l’assassinat
de l’ex-guide Mouamar Al Khadafi, c’est
le chaos !
Terrorisme, assassinats ciblés et
violences intertribales font l’actualité
de la Lybie post-Kadhafi où des
manifestations ont régulièrement lieu
contre les «nouvelles» autorités, de
mouvance islamiste, accusées de faire
sombrer le pays dans le chaos. L’on est
loin de la fameuse exclamation «La Libye
est libre !» faite par les opposants
armés, la «communauté internationale» et
les principaux médias internationaux le
23 octobre 2011. Dès le premier
anniversaire de l’entrée de la Libye
dans une nouvelle ère, l’on se fait plus
réaliste. «La Libye n’a pas été
totalement libérée», avouait alors, dans
un discours télévisé, Mohamed Al
Megaryef, à l’époque président de
l’Assemblée nationale libyenne, au
moment où des tribus qui hébergeaient
des «têtes» de l’ancien régime avaient
pris les armes pour les protéger des
bombardements.
Si les manifestations nostalgiques à
l’ancien régime se font plus rares, les
Libyens déplorent la situation chaotique
dans laquelle ils vivent depuis deux
ans. Les milices, lourdement armées par
l’Otan, dont certaines ont depuis
bénéficié d’entraînement d’Al Qaida,
font la loi empêchant l’édification d’un
Etat stable. Les ex-combattants étaient
invités à rejoindre les deux corps de
l’armée et de la police, mais les
milices se livrent désormais à une
bataille de leadership. Aussi, bien
qu’officiellement pro-gouvernementales,
elles sont pourtant concurrentes de
l’armée officielle et comptent bien
garder ce pouvoir, ce qui explique le
retard dans la formation d’une armée et
d’une police. Dans l’absence
d’institutions de l’Etat, le contrôle
des armes lourdes en libre circulation
s’avère impossible et les milices se
sont érigées informellement en police,
s’octroyant le droit de détention et de
condamnations sommaires. Elles sont
accusées de graves entraves aux droits
de l’Homme par différentes ONG,
rapportant de nombreux cas
d’enlèvements, de tortures et
d’assassinats extrajudiciaires. Il faut
dire que le 23 octobre 2011 avait
annoncé la couleur. N’est-ce pas en
procédant au lynchage et à l’exécution
sommaire de Kadhafi, de son fils
Moatassim et d’une soixantaine de ses
hommes (rapport HRW, octobre 2012) que
les rebelles ont « libéré » la
Libye ? «Nous avons volontairement
contribué au chaos qui règne dans le
pays en prenant les armes», regrette
Muftah Al Bedri, la cinquantaine, cité
par l’AFP.
L’OTAN revient
Outre les violations des droits humains,
les troupes rebelles ont mis la main sur
tous les trafics comme celui de la
drogue, des armes ou encore
l’immigration clandestine. Le Premier
ministre Ali Zeidan a fait état dimanche
de «plusieurs forces entravant la
construction de l’organe sécuritaire de
l’Etat». L’homme sait de quoi il parle,
il a été victime d’enlèvement, le 10
octobre dernier, par une milice
«officieuse». Seul « rempart » contre la
violence : la manne pétrolière. Mais la
moindre annulation de primes engendre
une riposte : attaques contre les
institutions de l’Etat, enlèvement de
responsables ou blocage des sites
pétroliers provoquant des pertes
inestimables. Ce n’est pas tout pour la
« Libye libre » ! L’instabilité des pays
voisins et la nature géographique ont
favorisé la circulation d’armes ayant eu
comme conséquence directe la guerre au
Mali et l’attaque terroriste de
Tiguentourine dans le Sud algérien au
début de l’année.
Suivant la tendance « arabprintanière »
et bénéficiant d’un financement qatari,
des groupes extrémistes sont montés en
puissance, en particulier dans l’est du
pays, théâtre d’assassinats de membres
des forces de sécurité et d’attentats
contre les intérêts et représentations
diplomatiques occidentales, celles-là
mêmes qui sont à l’origine de la guerre.
L’attaque la plus spectaculaire est
celle du 11 septembre 2012 contre le
consulat américain à Benghazi,
provoquant la mort de l’ambassadeur et
de trois autres Américains. La flambée
des violences a fait fuir la plupart des
diplomates et des compagnies étrangères,
retardant la reconstruction de ce pays.
Deux ans et 50 000 morts après (Amnesty
international, janvier 2012), l’OTAN
vient une nouvelle fois à la
«rescousse». L’organisation a décidé
lundi d’envoyer des conseillers en Libye
pour aider Tripoli à renforcer ses
institutions de défense. Pourtant, à
l’origine du chaos libyen suite au
détournement de la résolution de l’ONU,
l’on a du mal à croire à l’efficacité de
cette aide, bien que le Premier ministre
se veut optimiste, prédisant «un avenir
radieux», sans toutefois préciser s’il
s’agissait d’un avenir proche.
Publié sur
Reporters.dz
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