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Opinion

Dans la vallée de l'Oronte
Marie-Ange Patrizio

 

Samedi 3 décembre 2011

Chers amis,

Je reprends mon récit à partir de ce que j’ai entendu cette semaine sur la Syrie dans nos media, et en particulier sur Homs.

« Images volées qui mettent en danger la vie de ceux qui font ces images », « au-delà (sic) de la barbarie » (?!). « D’abord qu’est-ce qui reste de la ville ? On a des images de l’Egypte, mais de la Syrie rien ou presque rien »[1]. Et pas grand-chose de plus après ces émissions et reportages.

J’illustrerai mon récit, aujourd’hui et plus tard, par quelques photos, faites à visages découverts : le mien et ceux des gens que j’ai photographiés avec leur permission ou à leur demande. Je mettrai tout au long de mon récit les dates, noms des lieux et des gens rencontrés. Au point de sauvagerie irrationnelle où en est l’agression contre la Syrie, tous ces témoins savent que rien ne peut les protéger contre les agresseurs : ils demandent qu’au moins on dise ce qui leur arrive.

   J’appelle escadrons de la mort, sur la base des informations que nous avons tous entendus (voir reportages de nos collègues journalistes belges non suspects de complicité idéologique avec le régime[2]), les groupes d’assaillants arrivant d’au-delà des frontières, armés parfois de façon très sophistiquée et coûteuse, nécessitant donc un entraînement militaire dans des camps (Liban ? Turquie) et embauchant sur place des Syriens appâtés par le gain : « délinquants de droit commun », « drogués », « malades mentaux », « faibles d’esprit ». Tarifs rapportés par certains interlocuteurs : 100 dollars pour une manifestation « pacifique » contre le gouvernement, 400 dollars pour le coup de feu (et atrocités qui vont avec) : équivalent du salaire syrien mensuel moyen. Qui paye ? Qui entraîne ? Qui commande ?

   Des réponses seront proposées par les gens rencontrés : pas par des anonymes, et pas, comme disent D. Pujadas et Martine Laroche-Joubert[3], avec des images « volées » de quelques secondes chacune, « car c’est très difficile, très dangereux » de faire des photos ou des films en Syrie : c’est faux, tous les membres de notre groupe qui peuvent parler librement, c’est-à-dire sans contrôle ou commandes de leurs rédactions, peuvent en témoigner.

  Je donnerai aussi tout au long de ce récit des détails qui vous paraîtront peut-être inutiles et/ou incongrus mais qui montreront justement dans quelle atmosphère on peut pour le moment faire des photos, parler, enregistrer des passants, et se déplacer même à Homs et dans ses alentours, dans la semaine du 13 au 19 novembre 2011. Quand je ne donnerai pas précisément les noms de lieux et de personnes, c’est que je ne serai pas arrivée à transcrire les mots arabes, et/ou que mon matériel de journaliste très amateur était défaillant ou incomplet. Des cahiers, carnets et crayons font aussi l’affaire mais quand on écrit vite on a du mal à se relire… Vous pourrez compléter le plus souvent avec les autres textes et travaux d’autres rédacteurs, membres de notre groupe.

 Nous sommes partis mardi 16 novembre en fin de matinée du monastère de Saint Jacques l’Intercis (voir : http://www.maryakub.org/ ), pour un rendez-vous à 13h chez le gouverneur de la région de Homs (équivalent d’un préfet de région ici). Nous avons pris l’autoroute venant de Damas et allant à Alep via Homs. Route bien asphaltée qui longe en partie les Monts de l’Anti-Liban : paysages arides avec ce jour-là de beaux nuages dans le ciel.

 Froid. A mi parcours environ, nous faisons une halte sur le bas-côté, qu’on appellerait ici bande d’arrêt d’urgence. Le chauffeur nous indique qu’on peut acheter quelque chose à manger : il y a sur le bord de l’autoroute une sorte de petit abri sous lequel un jeune homme fait des pizzas dans un four traditionnel : la pizza est cuite sur la cendre.

Nous en achèterons dix parts pour l’équivalent d’un peu moins de trois euros. Exquises. Nous les mangeons tranquillement en bavardant avec le « pizzaiolo » : j’apprends que la pizza n’a pas été inventée à Naples mais ici en Syrie. A vérifier, puisque, là aussi, nous pourrions être victimes d’intoxication (pas alimentaire, du « régime »). Quelques uns d’entre nous s’éloignent de la route à la recherche d’un « petit coin ».

  De l’autre côté de l’autoroute, une statue monumentale de Hafez El-Assad domine la colline.

  Arrivée à Homs[4], après environ 1 heure de route, à vitesse constante et tranquille ; pas le moindre barrage, pas le moindre check-point à photographier… Au grand rond-point de l’arrivée à Homs, où trône une autre statue d’Hafez al-Assad de taille tout à fait raisonnable par rapport à celle de l’autoroute, enfin un « check-point », mais plutôt pitoyable : quelques sacs de sable sur le bord de la route (qui ne la barrent pas), d’un mètre de hauteur environ, un petit drapeau effiloché planté dessus, et le portrait de Bachar al-Assad posé à côté (avec un petit bouquet de fleurs en plastique). Les trois ou quatre soldats qui sont censés faire un check-point nous font signe de nous arrêter : une voiture nous attend sur le côté qui va nous guider vers le rendez-vous avec le gouverneur.

Trois ou quatre hommes en costume ou manteau, et cravate, sans doute des fonctionnaires ou membres du parti Baas, vont nous accompagner sans discrétion pendant toute l’après-midi à Homs. Pas d’escorte pour nous surveiller, nous protéger ni nous ouvrir la route qui de toutes façons est tout à fait ouverte : il y a de la circulation dans Homs à cette heure-là, mais pas d’embouteillage. Sur les trottoirs, vie apparemment banale de passants et enfants ou jeunes peut-être sur le chemin de l’école. La plupart sont seuls ou en petits groupes comme on peut en voir chez nous. Notre minicar n’attire pas l’attention. Nous ne traversons qu’une partie de cette ville qui est paraît-il très grande (plus d’un million et demi d’habitants) ; nous n’avons peut-être pas eu autant de temps pour circuler que Manon Loizeau, clandestine et guidée par les « insurgés », qui a déclaré sans peur du ridicule « nous ne voyons pas l’armée de Bachar al-Assad mais elle est partout ».  Nous arrivons dans une villa sans barrage à l’entrée et, en apparence au moins, peu sécurisée par des troupes armées. Dans le hall de la villa, oui, forces de sécurité discrètes mais présentes. Qui restent à l’écart et bavardent de façon parfois bruyante, pendant l’entrevue avec le gouverneur Ghassan Abdel-Al et trois membres d’Eglises dont je n’ai pas noté les différentes obédiences ; l’un des trois sert d’interprète.

   On nous sert cafés et thés, et quelques biscuits. A la fin de la séance, une jeune femme vient nous servir un sandwich (très bien garni) et une boisson chacun, à emporter : pas de réception luxueuse mais une hospitalité chaleureuse.

  Le gouverneur (arrivé après le début de la crise) résume la situation à Homs, depuis le début des événements. Je ne rapporterai ici de son intervention que la réponse à ma question, à la fin de notre débat : « Avez-vous dû fermer les écoles pendant les journées les plus dures de ce que les media européens nous ont décrit comme une "insurrection" populaire ? Avez-vous dû fermer les services publics, et les marchés ont-ils pu continuer à être approvisionnés ? »

Réponse (extraits) :

« Les mouvements (des groupes armés) ont souvent eu lieu au moment ou juste avant l’ouverture des écoles (comme les premiers bombardements à Gaza, le samedi 27 décembre 2008, à 11h30, ndr) ; je ne peux pas du tout accepter que quiconque puisse arrêter ou troubler la vie de nos étudiants ; il y a eu des attaques, des troubles qui essayaient d’empêcher les écoles d’ouvrir, d’empêcher les enfants d’aller à l’école ; des coups de feu le matin pour jeter la panique, pour terroriser la population et contraindre les familles à garder leurs enfants chez eux. ; ils ont attaqué et brûlé 7 établissements scolaires.

[…] Le samedi (12 novembre) après la résolution de la Ligue Arabe, des gens ont manifesté pour dire qu’ils n’étaient pas d’accord » [avec sa position de ne pas faire intervenir l‘armée ou les forces de sécurité contre les fauteurs de troubles ; les manifestants demandaient le déploiement de ces forces dans les rues et sur les toits des immeubles pour protéger la population].

« A Homs et district  il y a 1630 établissements scolaires (vérification faite ensuite car mes notes me semblaient incertaines) [5] et une dizaine d’écoles ont dû être fermées pendant plusieurs jours, dans le quartier de [X]  (je n’ai pas su transcrire le nom arabe) où ont eu lieu les plus gros troubles » ; cela nous donne une proportion de l’ampleur des troubles dans la totalité de la ville. « Le territoire de Homs équivaut à peu près à quatre fois la superficie du Liban ».

« Il y a eu 755 civils tués, 142 militaires (police et soldats, qui sont des conscrits), les listes des victimes (blessées, enlevées et tuées) sont à votre disposition (Mère Agnes-Mariam a recueilli ces listes, elle les fournit à qui les demandera et voudra bien les traduire de l’arabe).

Question d’un autre  membre du groupe : qui sont les agresseurs ?

Réponse du gouverneur : « Pensez-vous qu’il soit possible de dire que c’est l’Etat qui tire sur ses citoyens  en tant qu’Etat ? »

 Intervention de l’archevêque de Homs (je n’ai pas noté son nom).

« […] Je voudrais commencer par parler des troubles fomentés par certains media : Al Jazeera, Al Arabya, et au Liban, et vous dire ce que j’ai vu de mes propres yeux.

Devant la porte de l’archevêché, dans le quartier ancien de Homs, j’ai vu un homme sur sa mobylette qui parlait avec un correspondant de Al Jazeera et qui disait "voilà je suis à Deraa et j’entends des coups de feu très forts". C’est notre gros problème : nous vivons surtout ces troubles médiatiques ; nous en tant que chrétiens, nous ne sommes pas isolés dans ce pays, nous existons, nous avons une histoire de 600 ans avant l’Islam et nous avons collaboré quand l’Islam est arrivé dans cette région, nous avons collaboré ensemble à faire l’histoire et notre civilisation. Je voudrais vous assurer que nous n’avons aucun complexe d’infériorité, ni de peur ni de phobie et que nous travaillons en toute liberté.

  Le problème est arrivé ici et a touché tous les Syriens. En tant que chrétiens nous nous trouvons dans tous les domaines et fonctions publics.

  Quand nous parlons de groupes armés, peut-être y a-t-il même des chrétiens faibles d’esprit qui font partie de ces groupes armés ? Nous avons eu des martyrs, des chrétiens victimes de ces groupes, et ces groupes armés ont fait courir le bruit que c’était des militaires qui ont tiré, alors qu’on nous a dit, à nous, on vous tue parce que vous collaborez avec le régime.

Les manifestations ont commencé par être calmes, puis avec des armes blanches, puis tout d’un coup (ce mot « tout d’un coup » est quelque chose qui revient dans tous les récits, partout, quels que soient les personnes que nous avons rencontrées, ndr) il y a eu des armes très sophistiquées, d’origine européenne, américaine (« des balles à un euro pièce » nous dira plus tard un militaire : « qui peut les payer ? »).

Il y a une absurdité : comment peut-on parler de manifestations pacifiques quand on voit toutes ces armes ? »

 Intervention d’un opposant[6] présent à cette réunion, écrivain et poète, qui a participé aux rencontres consultatives du dialogue national, il parle en arabe.

« J’habite dans une rue où vivent plusieurs confessions ; nous n’avons jamais connu de conflits confessionnels ; nous nous demandons d’où est venue cette calamité confessionnelle. A ceux qui ne savent pas nous disons que ce sont les services de la  Cia qui ont fondé ces groupes terroristes qui lancent leurs anathèmes.

La Cia a formé les groupes talibans en Afghanistan, les a exportés dans les régions qu’elle veut déstabiliser. Pourquoi ?

Le problème axial de cette région c’est le problème de l’occupation israélienne de la Palestine, de ceux qui veulent en Palestine une nation juive, qui agissent parallèlement  aux USA et centres de décision européenne pour déstabiliser la Syrie sur des bases confessionnelles […].

J’attire votre attention sur le fait que les forces de l’ordre [ont eu] à affronter les manifestations sans aucun arme alors que nous citoyens demandions le contraire ». Je reviendrai sur les ordres de ne pas tirer sur les manifestants donnés par le président Assad, dans le récit fait par un sergent que nous avons rencontré le lendemain à Baniyas.

« Aujourd’hui la Syrie se construit par un rassemblement consultatif qui rassemble différentes factions politiques syriennes, c’est le président de la République qui l’a lancé. Il est allé plus haut que ce que les factions opposantes ont demandé. Accords 1) sur le multipartisme, 2) loi sur les élections générales, 3) loi pour la liberté de la presse, et d’autres lois traitant du multipartisme.

  L’opposition n’est pas cohérente (homogène ? ndr) dans ses orientations ; elle a été créée par la Turquie et les services secrets de l’OTAN : c’est le Conseil national formé et proclamé à Istanbul (présidé par Burhan Ghalioun, ndr). Ceux-là refusent tout dialogue avec l’Etat. Mais il existe des forces d’opposition à l’intérieur (de la Syrie, Ndr) qui ont ouvert le dialogue avec l’Etat. Nous avons le problème de l’absence de fiabilité médiatique dans le monde. Les media qui sont venus et ont constatés les charniers de cadavres découpés à la scie sont retournés chez eux et n’ont pas montré ce qu’ils ont filmé. Nous sommes dans un ghetto médiatique, dans un blocus médiatique et nous supplions ceux qui ont au cœur justice et équité, et tendresse et compassion […] et qui oeuvrent dans le monde, de montrer la vérité. Nous ne voulons rien d’autre que la vérité ».

 Nous quittons nos hôtes en fin d’après-midi pour nous diriger vers un quartier où se trouve une manifestation : les gens sont en rang le long du trottoir avec des jerricans vides, ils font la queue pour une distribution de mazout pour le chauffage. Ils refusent qu’on les prenne en photo. De là, nous rejoignons un groupe de manifestants qui réclament le départ du gouverneur à cause de son incapacité à faire baisser le prix du fuel et de son refus (pour le moment) de faire poster l’armée dans les rues et sur les toits pour protéger les habitants : la manifestation n’est pas hostile à Assad, ils ont aussi des portraits du président mais réclament le changement du gouverneur. Quand ils apprennent qui nous sommes, un groupe nous emmène vers un petit hôpital de quartier (dispensaire ?) où nous rencontrons, dans un climat un peu confus, des rescapés blessés par les groupes armés ; ils montrent leurs blessures, racontent les embuscades : vous trouverez ces témoignages (en partie) dans les articles de nos collègues journalistes belges. Une femme médecin-anesthésiste arrive au bout d’une demi-heure peut-être, de chez elle où elle a été prévenue, et raconte ; elle montre la photo sur son portable d’une fillette de 3 ans assassinée, qu’elle a reçue en urgence à l’hôpital.

  Un autre nous montre une vidéo qui circule sur Internet, postée par les groupes armés pour terroriser la population : pourquoi Manon Loizeau et M. Laroche-Joubert ne nous les ont-elles pas montrées, celles-là, d’images « volées » ? Filmée par les assassins, c’est l’égorgement d’un homme enlevé par les groupes armés : c’est insoutenable. Je ne regarde plus aucune de ces vidéos qu’on nous montre. Je m’éloigne et photographie la petite pharmacie du dispensaire (photo 151), pour le moment encore bien achalandée malgré notre embargo et nos sanctions. Combien de temps les patients du quartier trouveront-ils encore ces médicaments courants ?

 

   A propos des effets, sur l’approvisionnement en médicaments et mazout, de l’embargo et des sanctions imposés grâce à nos régime européens, j’insère ici le courrier d’une Syrienne travaillant à Paris, jusqu’ici opposante au régime mais consciente des priorités actuelles d’union nationale, dont le père est mort d’un cancer cet été à Homs. Elle m’a contactée après avoir lu ma lettre Chemins de Damas : « le médicament qu'aurait dû tenter mon père, est fabriqué par Bristol-Myers Sqibb[7] qui pratique un embargo sur la Syrie, donc pas de médicament, et cette firme honorable, contrairement à Pfizer, n'accorde pas de médicament à usage compassionnel, ça ne fait pas partie de leur politique. (ordre d'idée  du coût : 4300 euros/mois).

Il y a sérieusement une pénurie de mazout (contrebande) et d'électricité (la Turquie ne fournit plus), et s'ensuivront d'autres pénuries par voie de conséquences ».

    

 Dehors, devant l’hôpital, des enfants et adolescents attroupés chahutent. Il fait nuit dans Homs, et il fait froid, je monte m’abriter dans le minicar, je suis transie, choquée et vidée par ce que j’ai vu dans le dispensaire ; je n’attends plus qu’une chose, rentrer au plus vite au monastère, m’abriter dans la communauté. Qui pourtant est isolée.

  Nous y arriverons sans problème par le même trajet que le matin, dans le trafic banal de la grand route, où l’on voyage nettement plus discrètement qu’ « à moto à travers champs [et pleins phares], pour échapper à la surveillance des forces de la répression » (sic) (cf. reportages de Sofia Amara, M. Loizeau et Laroche-Joubert).  J’espère que les téléspectateurs auront aussi relevé ces détails grotesques et incohérents.

 Je me permets de dire au passage à Manon Loizeau de soigner davantage les détails de sa mise en scène : quand on doit courir pour échapper aux tirs de forces de sécurité qui vous traque[raie]nt, il vaut mieux enfiler les deux bretelles de son sac à dos, plutôt que de le porter négligemment en bandoulière. C’est plus commode pour courir et plus crédible et cohérent avec la bande sonore de la caméra qui la filme « courageusement » etc. Ces reportages « de guerre », faits à des tables de montage à Paris, sont cocasses si on ouvre bien les yeux et les oreilles. Les téléspectateurs et auditeurs perspicaces remarqueront (allez revoir les vidéos) le peu d’éléments précis donnés ; pas de dates notamment.

   En partant de Homs, vers 19h environ, je remarque sur le bord de la route une femme avec une jeune adolescente qui s’apprêtent à traverser : elles sont chargées de cabas. Elles n’ont pas l’air d’être apeurées ; moi, je suis très étonnée de les voir marcher seules au bord de cette route de la banlieue de Homs, pas très éclairée…

A propos de la population de Homs, autre remarque par respect pour cette population qu’elle dit avoir rencontrée, mais aussi pour sa fiabilité de reporter du service public, concernant l’ « exceptionnelle enquête journalistique en Syrie » et « grandissime (sic) reportage de Laroche-Joubert »[8] : il n’y a pas « 800.000 habitants à Homs »[9] mais 1.647.000[10].

    Le soir au monastère, Agnes-Mariam nous montre une autre liste, fournie par les hôpitaux, liste complète des soldats et civils tués jusqu’au 23 oct. : 790 soldats et forces de l’ordre et 372 civils massacrés par des groupes armés. Non rapportée par l’ONU qui tient ses listes (non publiées) de l’Observatoire Syrien des Droits de l’homme, à Londres[11].

Massacrés signifie torturés, dépecés. Je ne donnerai pas les détails de ces atrocités. Je reprendrai par contre une phrase d’un des « révolutionnaires » qui a servi de guide à M. Loizeau « ils [les « shahibas », les « agents du régime »] tuent les gens comme des chiens » : chez les gens que nous avons rencontrés, rescapés ou familles des victimes, je n’ai jamais entendu ce mot, chien, ni pour rendre compte des massacres ni pour parler des agresseurs de leurs proches : mais par contre les termes sauvagerie, barbarie, terrorisme. Qui sont les « chiens » ?

  Autre remarque linguistique à propos des images qualifiées de « volées » par nos reporters de guerre : journalistes ou pas, nous n’avons dans notre groupe « volé » aucune photo, aucune image ; les gens que nous avons interviewé l’ont fait en toute connaissance de cause de l’utilisation possible de leur témoignages, oral ou filmé. Que signifie alors « image volée » ? Dans un vol, le voleur généralement lèse ses victimes mais lui, ainsi que tous les receleurs qui en profitent ensuite jusqu’au sommet de l’échelle des complicités, tire bénéfice de son larcin.

   Manon Loizeau, Martine Laroche-Joubert, Sofia Amara, de qui parlez-vous quand vous évoquez ces images volées -à qui, par qui et pour qui ?- que vous utilisez pour faire vos reportages ?

   Et que penser de reportages de service public qui ne donnent la parole qu’à une des parties en présence -opposée au gouvernement- dans un pays avec lequel nous ne sommes pas (officiellement) en guerre ? Et où l’on qualifie l’armée régulière (et de conscription) de ce pays de « miliciens du régime » ? Voir la Charte de Munich[12].

Je vous parlerai la prochaine fois de notre visite le 17 novembre à des soldats rescapés d’une embuscade à Baniyas : 51 victimes dont 9 morts sur 105 soldats attaqués par 200 assaillants, à l’arme lourde.

m-a

Voir aussi :
Guerre médiatique
Mensonges et vérités sur la Syrie
par Thierry Meyssan
http://www.voltairenet.org/Mensonges-et-verites-sur-la-Syrie

 

[2] Liens en fin de ma lettre Chemins de Damas, pour les émissions et articles de la RTBF et Libre Belgique.

[3] Journal de France 2 mardi 29 novembre à 20h, invitée sur le plateau M. Laroche-Joubert

[5] Selon les statistiques de 2008 du ministère de l’éducation, 1727 établissements scolaires (primaire et secondaire) à Homs, pour une population de 375.000 élèves, et 36.000 lycéens, sur une population globale de plus d’ 1million et demi d’habitants. Informations fournies à ma demande par une amie syrienne à Marseille qui a interrogé des amis habitant à Homs. A vérifier si nécessaire.

[7] ”together we can prevail” …! http://www.bms.com/careers/Pages/home.aspx

[10] Statistiques de 2007 sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Homs : j’avais entendu : 1,5 million environ.

[11] Voir article de C. Baulieu : extrait : « L’OSDH (le prétendu Observatoire Syrien des Droits de l’Homme) basé à Londres, donne quotidiennement un nombre de morts sans préciser le noms de ces victimes présumées, et n’indique jamais non plus s’il s’agit de forces de l’ordre. Un ex-correspondant d’Al Jazeera et actuel journaliste de la TV syrienne d’information continue, est parvenu à se procurer la liste d’une centaine de noms, liste dont il a entrepris la vérification auprès des familles et qui s’est avérée fausse (abandon des recherches après la quarantième personne) ». http://www.comite-valmy.org/spip.php?article2057

 

 

   

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Source : Marie-Ange Patrizio

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