RIA Novosti
George W. Bush lâché
par les experts américains
Marianna Belenkaïa
George W. Bush - Photo RIA Novosti
23 août 2007
Un rapport sur la situation en Irak doit être présenté à la
mi-septembre par l'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad Ryan
Crocker et le général David Petraeus, commandant des troupes américaines
en Irak. Trois semaines avant cet événement, M. Crocker a
qualifié le processus politique en Irak de très décevant.
Ensuite, c'est le président américain George W. Bush qui a déclaré
qu'il était mécontent de l'activité du premier ministre irakien
Nouri al-Maliki.
La réalité irakienne ne s'inscrit pas dans le cadre prévu
pour elle par Washington et ne correspond pas aux exigences de la
campagne électorale qui prend peu à peu de l'ampleur aux
Etats-Unis. Mais il ne s'agit pas que de l'Irak. Les résultats
d'un sondage effectué parmi 108 éminents experts américains qui
ont travaillé ces dernières décennies dans les structures du
pouvoir (département d'Etat, secrétariat à la Défense,
administration présidentielle, etc.) témoignent de l'échec de
toute la politique appliquée par les Etats-Unis dans la région
du Grand Moyen-Orient.
Rappelons que les campagnes militaires en Afghanistan et en
Irak ont été qualifiées par l'administration Bush de
"guerre contre la terreur" livrée en vue d'assurer,
avant tout, la sécurité des Américains aussi bien à l'intérieur
des Etats-Unis qu'hors de leurs frontières. On a en outre déclaré
que la sécurité était impossible sans la démocratisation des
pays du Grand Moyen-Orient et que l'Afghanistan et l'Irak
apporteraient la lumière de la démocratie dans cette région.
Que disent aujourd'hui les experts américains, six ans après
le début de la campagne militaire afghane et quatre ans et demi
après le début de la campagne irakienne? En portant une évaluation
sur la politique étrangère appliquée ces dernières années par
Washington, on peut affirmer en se fondant sur les résultats du
sondage précédemment cité qu'elle a échoué. 91% des sondés
sont certains que le monde est devenu plus dangereux pour les
Etats-Unis. Cet indice s'est accru de 10% par rapport à un
sondage analogue réalisé en février dernier.
En outre, 84% ne croient pas que les Etats-Unis gagneront la
guerre contre la terreur (accroissement de 9%) et plus de 80%
s'attendent, dans les dix prochaines années, à une attaque
analogue, par sa férocité, aux attentats terroristes du 11
septembre.
Les experts critiquent pratiquement toutes les actions
entreprises par les Etats-Unis sur le plan international: de la
politique à l'égard des détenus de Guantanamo aux efforts déployés
en vue de régler le conflit au Proche-Orient, sans parler de la
guerre en Irak qui, comme l'estiment 92% des sondés, se répercute
négativement sur la sécurité des Etats-Unis.
En ce qui concerne les autres orientations de la politique
orientale des Etats-Unis, le tableau n'est pas meilleur. Le
Pakistan, un des pays sur lesquels Washington a misé ces dernières
années, arrive en tête de la liste des pays considérés comme
un refuge potentiel pour Al-Qaïda. 35% des experts ont cité le
Pakistan, 22% l'Irak, 11% la Somalie, 8% le Soudan et 7%
l'Afghanistan.
Le Pakistan se trouve également en tête de la liste des pays
(74%) par l'intermédiaire desquels des groupes terroristes
pourraient accéder aux technologies nucléaires dans les 3 à 5
ans à venir. La Corée du Nord est classée deuxième (42%),
ensuite viennent la Russie (38%), l'Iran (31%) et les Etats-Unis
(5%).
Les avis sur les évaluations des experts peuvent différer,
mais les résultats du sondage témoignent, d'une manière ou
d'une autre, de la déception qui règne à Washington quant à la
politique américaine. Un échec est essuyé en Irak et au
Pakistan, on ne sait que faire de l'Iran (pour l'essentiel, selon
l'avis qui prédomine pour l'instant, il faut lutter contre les
ambitions nucléaires de Téhéran par la voie diplomatique et au
moyen des sanctions). Autrement dit, une révision de toute la
politique proche-orientale s'impose.
Bien entendu, on ne le dit pas ouvertement, mais cela découle
des évaluations des experts. Par exemple, la majorité des sondés
jugent nécessaire de coopérer, dans telle ou telle mesure, avec
les groupements qualifiés par Washington de terroristes, s'ils
jouissent d'un soutien de la population de tel ou tel pays. Il
s'agit, avant tout, du mouvement palestinien Hamas et du mouvement
libanais Hezbollah. Il est à noter que cela impliquerait un
revirement à 180 degrés de la politique proche-orientale de
Washington.
Comme il ressort de l'analyse des réponses des experts, l'élite
américaine est entièrement désorientée. La vieille stratégie
s'est avérée vaine, et la nouvelle n'a pas encore été inventée.
En découle la question suivante: où sont les amis, et où sont
les ennemis?
Il convient d'attirer l'attention sur un autre point du
sondage. A la question de savoir quel allié sert le moins les intérêts
des Etats-Unis, la plupart (34%) ont désigné la Russie, ensuite
viennent le Pakistan (22%), l'Arabie Saoudite (17%), Israël
(14%), le Mexique (5%) et l'Egypte (5%).
Comment expliquer une opinion aussi peu flatteuse sur la
Russie? Certainement, par ses objections contre les projets américains
de déployer le système de défense antimissile en Europe qui ont
été, comme on le sait, l'un des plus graves épisodes récents
dans les rapports bilatéraux, si grave que les médias ont même
parlé d'une nouvelle guerre froide. Cela ne s'explique nullement
par un "abandon de la démocratie" en Russie, ce que
Washington reproche souvent au Kremlin. Les raisons de la méfiance
envers Moscou se réduisent à ceci: il "se prononce souvent
contre la guerre en Irak, condamne le leadership mondial des
Etats-Unis et refuse de soutenir les sanctions les plus dures
contre l'Iran".
Est-ce que la majorité des citoyens américains ne considèrent
pas la guerre en Irak comme une erreur? Est-ce que les réponses
des experts dans cette étude récemment publiée ne l'attestent
pas? En ce qui concerne les ambitions nucléaires de l'Iran,
Moscou s'est prononcé, avant tout, contre une résolution musclée
de ce problème, les sanctions ne sont qu'une tactique, et non une
stratégie. De plus, il est peu probable que les sanctions contre
l'Iran contribuent à l'établissement des contacts avec le Hamas
et le Hezbollah, ce que les experts jugent utile. D'ailleurs, ce
n'est qu'un détail du tableau complexe des rapports entre Téhéran
et Washington. Moscou n'y est pour rien.
Enfin, ce n'est pas la Russie qui conteste le leadership
mondial des Etats-Unis, la vie elle-même prouve que le monde
unipolaire est en échec. Les réponses des experts le démontrent
éloquemment.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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Novosti
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