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Poutine au Moyen-Orient: plus qu'une visite de courtoisie
Marianna Belenkaïa
Les 11, 12 et 13 février prochain, le président russe
Vladimir Poutine est attendu en Arabie saoudite, au Qatar et en
Jordanie, un déplacement qui s'annonce historique: jamais
auparavant un chef d'Etat russe ne s'était rendu dans ces pays,
si ce n'est le premier président Boris Eltsine qui a assisté en
1999 aux obsèques du roi Hussein de Jordanie. Toutes les parties
- aussi bien la Russie que les pays arabes - s'attendent donc à
une visite substantielle et fructueuse.
Il est à noter que la coopération entre la Russie et les
trois pays susmentionnés n'a connu un développement actif qu'au
cours des dernières années sous le président Vladimir Poutine
dont la visite est attendue avec impatience. Le roi Abdallah II de
Jordanie s'est rendu en Russie à six reprises depuis 2001. La
Russie a également reçu la visite de l'émir du Qatar, Hamad Bin
Khalifa Al-Thani, en 2001 et celle du prince héritier et
actuellement roi d'Arabie saoudite, Abdallah Bin Abdulaziz
Al-Saoud, en 2003. C'est en 2001-2003 qu'a commencé une coopération
économique intense et que s'est noué un dialogue politique étroit
entre la Russie et les pays en question.
Ces années ont marqué un important tournant dans l'histoire
du Moyen-Orient. Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis,
le renversement du régime de Saddam Hussein en Irak, l'écroulement
à partir de 1991 du processus de paix au Proche-Orient... Le
monde évolue, et on voit évoluer l'équilibre des forces dans la
région, les relations réciproques entre les pays du
Moyen-Orient, leur attitude à l'égard du monde extérieur et -
l'essentiel - leur perception de leurs propres problèmes intérieurs
désormais étalés au grand jour. Il s'agit essentiellement des
programmes de réforme de l'organisation politique des pays arabes
et de la radicalisation de l'islam.
Des processus intéressants ont également touché la Russie:
diversification de la politique étrangère et abandon de la
politique étrangère exclusivement pro-occidentale caractéristique
des années 1990, aspirations à la stabilité intérieure, y
compris grâce à l'équilibre interethnique et interconfessionnel
où l'islam joue un rôle majeur. La Russie se positionne avec de
plus en plus de persévérance en tant que médiateur entre
l'Occident et l'Orient. Il est difficile de dire si ce
positionnement connaît un succès, mais il n'en reste pas moins
que la politique russe des dernières années est profondément
marquée par un rapprochement sans précédent avec le monde
musulman et un souci d'intensifier les relations économiques avec
les pays arabes. La Russie suscite la confiance au Moyen-Orient,
et ce n'est pas un hasard si la Russie a obtenu en 2005 le statut
d'observateur à l'Organisation de la Conférence islamique, et
qu'un groupe de réflexion stratégique Russie-Monde musulman a été
mis en place en 2006.
En réalité, il est question d'une tentative de concerter
l'approche des crises régionales, à savoir du conflit israélo-palestinien
et de la situation en Irak, en Afghanistan, au Liban et autour de
l'Iran. Il s'agit aussi d'harmoniser les intérêts dans le
Caucase et en Asie centrale. Moscou salue l'assistance des pays
islamiques dont bénéficient les musulmans russes, pourvu qu'ils
n'utilisent pas le facteur ethnique et religieux contre la Russie.
Le monde musulman a également besoin du soutien de Moscou dans la
lutte contre l'islamophobie. Certains souhaiteraient même que la
Russie fasse contrepoids à l'influence américaine dans la région.
"Nous n'avons pas l'intention de rivaliser avec tel ou tel
Etat dans telle ou telle région, a déclaré le président russe
Vladimir Poutine. Nous voulons coopérer. L'intérêt pour la région
du Golfe persique et le Moyen-Orient en général a toujours été
grand en Russie, c'est pourquoi nos relations avec les pays de
cette région sont historiquement très fortes et profondes. Avec
certains d'entre eux, la coopération est sur le point d'acquérir
une dimension qualitativement nouvelle. Nous percevons l'intérêt
de la part des milieux d'affaires désireux de promouvoir la coopération
avec leurs partenaires russes. Nous ressentons aussi que les
positions de la Russie et des pays du Golfe persique, comme disent
les diplomates, sont très proches ou identiques sur toute une série
de problèmes internationaux importants et aigus."
Cela veut dire que la Russie bâtira ses relations avec les
pays de la région, y compris historiquement ancrés dans la zone
d'influence de l'Occident (notamment, le Qatar, l'Arabie saoudite
et la Jordanie), sur une base mutuellement avantageuse aussi bien
dans la politique que dans l'économie, quoique ce dernier volet
accuse un retard sur la coopération politique.
Le chiffre d'affaires des échanges commerciaux avec le Qatar
s'élève à seulement 55 millions de dollars, dont 50 millions grâce
aux livraisons de camions russes Kamaz. Avec la Jordanie, le
volume des échanges n'est pas exceptionnel non plus (140 millions
de dollars), même s'il a triplé en 2005. Le chiffre d'affaires
du commerce avec l'Arabie saoudite a atteint le montant record de
250 millions de dollars au cours des onze premiers mois de 2006.
Sur les trois pays visités par le président Vladimir Poutine,
c'est l'Arabie saoudite qui offre les perspectives les plus
prometteuses sur le plan de la coopération économique. Dans les
hautes sphères du pouvoir des deux pays, on espère augmenter le
chiffre d'affaires des échanges jusqu'à 2 ou 3 milliards de
dollars, même si on n'en parle pas officiellement. Des
perspectives de coopération existent aussi avec d'autres pays, et
la Jordanie propose aux entreprises russes de grands projets
concrets.
Il ne fait aucun doute que le secteur pétro-gazier et la
coordination de la politique en matière de livraison
d'hydrocarbures seront le principal domaine de coopération. Mais
des possibilités intéressantes s'ouvrent aussi dans d'autres
secteurs, notamment l'électricité, les transports, le bâtiment,
la recherche et peut-être même l'espace. Des contacts
technico-militaires, habituels dans les relations avec nombre de
pays du Moyen-Orient, dont la Jordanie, pourraient également
jalonner les relations avec le Qatar et l'Arabie saoudite.
Ainsi, la visite du président Vladimir Poutine qui suscite
beaucoup d'espoirs, n'est donc pas une simple formalité, ni
seulement une visite de courtoisie.
© 2005 RIA
Novosti
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