RIA Novosti
Le Hamas à Moscou: un an après
Marianna Belenkaïa
La délégation du Mouvement de la résistance islamique (Hamas)
vient d'achever sa deuxième visite à Moscou. Si la première
avait eu lieu en mars 2006 sur l'invitation du président russe
Vladimir Poutine, les derniers pourparlers ont été initiés par
les Palestiniens.
Il y a un an, les diplomates russes cherchaient à comprendre
les intentions du Hamas qui venait de remporter les élections législatives
de janvier 2006. Il s'agissait d'épargner au mouvement islamique
un blocus international. Cette fois, la rencontre est axée sur
les moyens d'en finir avec le blocus. A l'époque, on échangeait
des vues; aujourd'hui, on coordonne les actions et on évoque les
moyens que le Hamas et les Palestiniens devraient mettre en oeuvre
pour mériter la confiance du Quartet de médiateurs
internationaux (Russie, USA, UE et ONU).
Beaucoup de choses ont changé au cours de l'année qui sépare
les deux visites de la délégation du Hamas à Moscou. Une nette
avancée est enregistrée aussi bien dans la position des
islamistes que dans leurs relations avec le Mouvement de libération
de la Palestine (Fatah). En outre, c'est l'approche russe - le
blocus économique des Palestiniens et du Hamas est sans avenir -
qui commence à s'imposer parmi les membres du Quartet. Les
diplomates russes en avaient parlé à leurs partenaires du
Quartet il y a un an, et la vie a montré qu'ils avaient plutôt
raison.
L'année dernière a été celle des erreurs tragiques qui ont
causé de nouvelles victimes. Rien de concret n'a été fait pour
faire progresser le processus de paix dans la région. Les médiateurs
se sont retrouvés dans une impasse. D'autre part, c'est sans
doute le pessimisme, la menace d'une guerre civile et la perte de
tout espoir de fonder leur propre Etat qui ont poussé les
Palestiniens à rechercher des compromis les uns avec les autres
et dans leurs relations avec le monde extérieur.
Les islamistes sont arrivés à Moscou quelques semaines après
les accords interpalestiniens de La Mecque où le Fatah et le
Hamas ont convenu de mettre fin à leur confrontation, de former
un gouvernement d'union nationale et - l'essentiel - d'élaborer
un programme commun d'action sur le plan international et,
notamment, vis-à-vis d'Israël. Les islamistes ont accepté de
respecter tous les accords antérieurs intervenus entre
l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël,
mais aussi ont reconnu au président de l'Autorité palestinienne
Mahmoud Abbas le droit de négocier avec les Israéliens.
Rappelons que la Russie a salué les accords de La Mecque dès
l'annonce de leur contenu. A l'issue de la rencontre avec le chef
du bureau politique du Hamas Khaled Mechaal, le ministre russe des
Affaires étrangères Sergueï Lavrov a souligné que ces accords
témoignaient sans ambiguïté d'une avancée vers le respect des
principes formulés par le Quartet à l'égard du Hamas:
renonciation à la violence, reconnaissance de l'Etat d'Israël et
de tous les accords israélo-palestiniens et disposition à
s'engager dans la voie de la paix.
La reconnaissance officielle d'Israël reste l'unique principe
non respecté par le Hamas, a notamment indiqué M. Lavrov, avant
d'avouer avoir ressenti lors de l'entretien avec les islamistes
que ces derniers reconnaissaient Israël comme une réalité.
C'est d'ailleurs ce qu'affirme depuis quelques mois Khaled Mechaal,
et c'est aussi ce dont témoignent les dernières démarches
politiques des islamistes, de leur participation aux élections législatives
organisées dans le cadre des accords israélo-palestiniens à
leur intention, affichée à La Mecque, d'adhérer à l'OLP. On
sait que cette organisation a officiellement reconnu en 1993 le
droit à l'existence de l'Etat hébreu.
Toujours est-il que cela ne signifie point que le règlement
pacifique du conflit au Proche-Orient devient plus réel. Les
contradictions israélo-palestiniennes n'ont pas disparu. La seule
différence est que les Palestiniens font désormais front commun,
tandis qu'en Israël les avis restent partagés.
Pour l'instant, il n'est pas question de paix, quoi que disent
les diplomates, mais des mesures de rétablissement de la
confiance entre les parties au conflit ainsi que de la confiance
des médiateurs internationaux envers le Hamas. C'est dans cet
ordre d'idées que la Russie a avancé quelques recommandations
sur les démarches à mettre en oeuvre par les islamistes.
"Nous avons évoqué la nécessité de respecter la "hudna"
(trêve) et d'éviter la violence", a relevé M. Lavrov. Les
parties ont également abordé la cessation des tirs de missiles
Qassam sur le territoire israélien et la libération du caporal
israélien Gilad Shalit retenu par les Palestiniens. De manière générale,
les conseils appelaient à avancer vers "le respect des
principes du Quartet, y compris la reconnaissance d'Israël".
Le Hamas, selon M. Mechaal, s'est engagé à étudier sérieusement
les recommandations de Moscou.
Cependant, selon la Russie, même si les problèmes en suspens
persistent, les progrès enregistrés à La Mecque "suffisent
pour lever les restrictions économiques qui pèsent sur la
Palestine".
Cela est nécessaire pour éviter de nouveaux obstacles qui
risquent de freiner le processus de paix. Rappelons qu'il y a
encore un an, à Moscou, les représentants du Hamas avaient laissé
entendre qu'ils étaient prêts à respecter les accords de paix
israélo-palestiniens antérieurs, à condition que le mouvement
soit réciproque. Autrement dit, les Israéliens doivent eux aussi
respecter leurs engagements. A l'époque, on ne les a pas crus sur
parole, et il est vrai qu'ils n'étaient pas précis dans leurs
affirmations. A La Mecque, la disposition du Hamas à accepter les
documents signés précédemment par l'OLP est non seulement
devenue évidente, mais aussi a été fixée dans un document
officiel.
Pour Israël, c'est peu, mais Moscou estime que le Quartet doit
laisser entendre aux Palestiniens que leurs dernières démarches
n'ont pas été vaines. Et c'est aussi la raison pour laquelle la
Russie réclame la levée rapide des sanctions économiques.
(L'avis de l'auteur peut ne pas coïncider avec celui de la
rédaction.)
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