RIA Novosti
Législatives libanaises : un échec du
Hezbollah ?
Maria Appakova
Lundi 8 juin 2009 De nombreux observateurs internationaux qui
ont suivi attentivement les élections parlementaires au Liban
ont poussé un soupir de soulagement : la coalition d'opposition
du 8 mars formée autour du mouvement chiite Hezbollah s'est
avérée incapable de remporter la victoire. L'alliance du 14 mars
dirigée par Saad Hariri a triomphé, tout comme lors des
législatives de 2005, en obtenant plus de 70 des 128 sièges du
parlement.
Peut-on pour autant considérer ce résultat comme une défaite
de l'opposition, compte tenu du fait que les 11 candidats du
Hezbollah ont été élus ? Ce sont ses alliés qui ont joué un
mauvais tour au Hezbollah, mais le mouvement, lui, n'a pas perdu
la face et il a conservé ses partisans.
Les élections libanaises ont constitué un grand jeu
géopolitique, opposant l'Iran à une coalition réunissant les
Etats-Unis, la France et l'Arabie saoudite. La mise était la
stabilité régionale. L'enjeu était si important que certains
acteurs internationaux, notamment les Etats-Unis, n'ont pas su
garder leur sang-froid, malgré les principes universellement
reconnus de la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un
pays, surtout à la veille d'élections. La victoire du bloc
dirigé par le Hezbollah était parfaitement possible, tout comme
le scénario d'un résultat égal entre les deux alliances.
Le vice-président américain Joseph Biden, qui s'était rendu à
Beyrouth deux semaines avant les élections, avait annoncé que
Washington "reverrait les conditions de l'octroi de l'aide
financière au Liban", au cas où le programme du futur cabinet ne
conviendrait pas à l'administration américaine. Une allusion qui
concernait en premier lieu une victoire du Hezbollah, ce
mouvement figurant sur la liste américaine des organisations
terroristes.
La perspective de devenir une nouvelle bande de Gaza,
laquelle s'est trouvée isolée, au plan international, après le
triomphe du mouvement palestinien du Hamas lors d'élections
législatives, ne pouvait tenter de nombreux Libanais. Une telle
situation aurait été une véritable catastrophe pour un pays dont
les revenus proviennent du tourisme et de l'intermédiation
financière. Un blocus international en lieu et place de l'aide
promise des donateurs serait bien sûr à l'opposé de ce que les
Libanais souhaiteraient obtenir.
Il ne serait pourtant pas juste d'affirmer que leur choix a
été dicté de l'étranger. Le Liban est un des pays les plus
politisés de la région : il est difficile d'y trouver des
citoyens ne sachant pour qui voter, et aucune force extérieure
n'est en mesure d'influer sur leur choix.
La bataille électorale a eu lieu pour gagner les voix de la
partie de la population déçue par la politique de la coalition
du 14 mars et l'instabilité, mais qui se méfiait du Hezbollah.
Il était donc important pour l'alliance du 14 mars de persuader
ces citoyens de se déplacer pour aller voter. Et ils ont répondu
à cet appel : la participation électorale a été supérieure de
près de 10% à celle des législatives de 2005.
Bien que la victoire de l'alliance du 14 mars soit
incontestable, les résultats des élections font que l'on doit
tenir compte de la voix de l'opposition.
Il convient notamment de prêter attention aux propos du
député Hassan Fadlallah, membre du mouvement Hezbollah. Ce
dernier estime, a-t-il dit, que le Liban sera fondé sur la
diversité et le pluralisme et non sur les principes de la
majorité et de la minorité. "Aucune des parties n'est en mesure
d'obtenir la majorité dans tous les secteurs", a-t-il déclaré
dans une interview à l'agence France-Presse.
Nombreux sont ceux à qui la victoire du bloc du 14 mars
facilitera les choses : ainsi, les Occidentaux ne seront pas
obligés de tourner le dos au Liban ni, aussi étonnant que ce
soit, à la coalition perdante. Cette dernière est du reste
toujours prête à coopérer avec ses adversaires politiques (alors
que si le résultat avait été inverse, l'alliance du 14 mars
serait devenue un groupe d'opposition radical, qui aurait ruiné
l'espoir d'une réconciliation politique dans le pays). Il ne
faudrait cependant pas verser dans l'euphorie : le Liban demeure
un pays profondément divisé, dans lequel la situation politique
requiert toujours une grande prudence.
Cela vaut en premier lieu pour ceux qui l'observent de
l'étranger. Ce sont eux qui doivent faire en sorte que les
hommes politiques libanais poursuivent le dialogue et ne
construisent pas de barricades. Le résultat des élections ne
facilitera la réconciliation et la recherche d'un compromis que
si les Occidentaux, et avant tout les Etats-Unis, ne donnent pas
à pas croire aux vainqueurs qu'ils sont invulnérables et parés
de toutes les vertus. Bref : les vainqueurs doivent faire preuve
de sagesse.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2008 RIA Novosti
Publié le 10 juin 2009
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