Monde
Chroniques chinoises
Marc van Campen
Lotus - Photo amitabha-terre-pure
30 juillet 2008
Pour le
moment, on peut voir de nombreux reportages ou lire de nombreux
articles sur la Chine, vu la proximité des jeux olympiques. Du
très (très) hostile au modérément amical, il y a de tout, pour
dire que là-bas c’est la misère, les inégalités, les injustices,
etc. Pour un pays sur lequel plane une surveillance de tous les
instants (d’après ce que je lis), je n’ai jamais vu autant
d’informations sur les « disfonctionnements » du régime chinois.
Mais de
temps en temps sortent des infos, sous forme d’entrefilets, en
pages secondaires, à côté d’autres nouvelles apparemment
anodines, qui remettent en cause des clichés.
Un exemple :
un avocat de renom en Belgique, spécialiste des causes liées au
sport, Me Misson est interrogé sur le rôle des sportifs en Chine
pendant les jeux olympiques. J’ai épinglé cette déclaration :
« les Chinois sont sous-payés depuis des années ». Cette
affirmation est répétée également à longueur d’année. C’est
indubitable que les salaires sont plus bas que chez nous. Mais
qui peut penser qu’un pays qui se développe va payer 2000 euros
par mois ses travailleurs, tout simplement pour éviter de
concurrencer les salaires occidentaux. Il y a des inégalités de
salaires, c’est évident (chez nous aussi). J’ai visité en Chine
des usines où les ouvrier(e)s travaillaient pour 90 à 100 € par
mois, dans de bonnes conditions de travail. C’est un bon salaire
là-bas. Mais dans une grosse boîte de la sidérurgie, c’était 600
€, ce qui est un très bon salaire. Mais ça reste toujours
inférieur aux nôtres, en chiffres absolus.
Certaines
catégories sont (ou étaient) certainement sous-payées. Mais les
choses changent. De nouvelles lois sur le travail (contrats,
salaires, etc.). font que les entreprises peuvent de moins en
moins faire ce qu’elles veulent. La présence de l’ACFTU
(syndicat officiel) pèse, malgré toutes les critiques adressées
à son égard par les médias occidentaux.
Et voici
donc la seconde partie de mon argumentation. Toujours dans Le
Soir du 29/07/08, cet entrefilet en page économique :
« TEXTILE
Adidas
retire progressivement sa production de Chine
Le
numéro deux mondial des équipements sportifs, l’allemand
Adidas, juge le niveau des salaires en Chine dorénavant trop
élevé et va transférer une partie de sa production vers des
pays encore plus compétitifs, a déclaré son patron Herbert
Hainer. Adidas va transférer sa production en Inde, au Laos,
au Cambodge et au Vietnam, mais aussi dans les pays de
l’ex-URSS et en Europe de l’Est. »
Les
entreprises occidentales ne vont donc pas dans un pays pour
l’aider à se développer (ce n’est pas nouveau) mais pour en
tirer un max de profit (ça s’appelle diminuer les coûts). La
Chine était un bon filon, elle commence à ne plus l’être.
La Chine a
sorti la majorité de sa population de la pauvreté extrême.
« La
population chinoise dans son ensemble a très largement bénéficié
de ce décollage puisqu’en vingt-cinq ans, le revenu par habitant
a été multiplié par cinq ! Il était, d’après la Banque mondiale,
de 190 dollars l’an en 1978, il est de 1000 dollars environ en
2004 ; Cela a permis à 400 millions de Chinois de sortir de
l’extrême pauvreté-moins d’un dollar par jour. Réservés à
l’élite pendant un temps, le réfrigérateur, le vélo et le
téléphone sont devenus des biens de consommation courante pour
des centaines de millions de personnes. Globalement, les Chinois
ont aussi accru, au cours de ce quart de siècle, d’un tiers au
moins leur consommation moyenne de calories-ce qui n’est pas
sans expliquer l’allongement de leur espérance de vie….
Cela étant,
…la Chine reste un pays pauvre, très pauvre même. Près de la
moitié de la population vit encore avec moins de deux dollars
par jour. Le revenu moyen a augmenté, mais à 1000 dollars par an
(à peine 800 euros), il reste à des années-lumière de celui des
pays qui ont fait leur révolution industrielle il y a un ou deux
siècles-trente fois moins qu’en France, quarante fois moins
qu’aux Etats-Unis…Le Chinois trouvera peut-être quelque source
de satisfaction en apprenant que son revenu moyen est deux fois
supérieur à celui de l’Indien…
Si l’on
prend le PIB calculé en volume plutôt qu’en valeur, en pouvoir
d’achat plutôt qu’en monnaie courante donc, l’écart de la Chine
est moindre : en termes de « parité de pouvoir d’achat », la
Banque mondiale estime à 4000 dollars le PIB par habitant, dix
fois moins « seulement » que celui des Etats-Unis. »
Ce dernier
extrait est tiré de « Quand la Chine change le monde », d’Erik
Izraelewicz (chez Grasset en 2005).
Pour
conclure ce commentaire, on peut reprocher les pires choses aux
Chinois ou plutôt à la Chine et son gouvernement, et certains ne
s’en privent pas. Mais d’autres qui étudient la Chine depuis
longtemps, qui y ont séjourné essaient de garder un esprit
ouvert (et critique mais sans hostilité rabique). Tout ne me
plaît pas, mais au vu d’un pays gigantesque, avec une population
d’une telle ampleur, je reste très modeste. J’ai été très
impressionné par la taille des villes (de 10 à 20 millions
d’habitants) et sincèrement (très sincèrement), je ne voudrais
pas être à la place des dirigeants.
Ce que
confirme d’une certaine manière une journaliste belge qui y a
vécu six ans. Elle est interrogée dans « Télémoustique » (2 au 8
août). A la question « Notre vision de la Chine est-elle
simpliste ? », Rachel Delcourt répond ceci : « Oui,
presque forcément. Ne fût-ce qu’à cause de sa taille. La Chine
n’est pas cette réalité monolithique de plus d’un milliard
d’habitants. C’est avant tout une diversité géographique et
culturelle incroyable, riche de plus de 50 ethnies différentes.
Prenons un thème qui revient beaucoup dans nos médias, celui de
la Chine du grand écart, entre très riches et très pauvres.
C’est une réalité, mais parmi d’autres…Ce n’est qu’en passant un
certain temps sur place que vous pouvez vous rendre compte de la
difficulté pour un gouvernement, quelle que soit son orientation
politique, de gérer une telle complexité. »
Marc van
Campen
( à suivre).
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