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Europolitique

Les funérailles de l'Europe
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Samedi 30 mars 2013

"Interroger les grands philosophes, c'est transformer les questions qu'on leur pose en instruments d'approfondissement de la connaissance du genre humain."
Jaspers

1 - Le balcon
2 - Dans l'attente d'un vrai regard sur le cerveau simiohumain
3 - Les idoles du tigre et du lion
4 - Les plumes du canard
5 - Une histoire à détoisonner
6 - Une démocratie en trompe-l'œil
7 - Le naufrage de la langue et les fonctionnaires au pouvoir
8 - Une classe dirigeante inapte
9 - Les racines simiennes de la politique
10 - Retour aux primates
11 - Une science politique en aval
12 - La science historique quadridimensionnelle

1 - Le balcon

Supposons un instant que Tacite se serait installé non plus au balcon de la République défunte, mais à celui de l'effondrement de l'empire romain sous Claude, Néron ou Tibère, supposons un instant que, sous Hadrien déjà, la science historique aurait renoncé à passer le vieil archet des nostalgies sénatoriales sur les "cordes du violoncelle de la démocratie". Du coup les thrènes mélancoliques qui ont jalonné le naufrage du peuple des Quirites auraient été présentés dans une exposition publique des péripéties dont les stands se seraient échelonnés tout au long de la voie appienne. Deux mille ans plus tard, ce type de surplomb du narrateur ne présenterait encore aucun équivalent dans aucune langue et aucune littérature, parce que les Montesquieu et les Gibbon eux-mêmes vous racontent seulement pas à pas l'effondrement du monde antique, puis tournent les talons et vous plantent là.

Certes, ils se veulent à la hauteur de leur sujet. Mais ces dramaturges aux bras courts manquent d'une science des désastres. De la première scène jusqu'à la chute du rideau, leur plume fait acte de présence et n'y met pas de façons. Quelquefois, ils vous signalent les circonstances bien alignées et par trop évidentes qui ont accompagné le déroulement de la tragédie; mais jamais ils n'éclairent la fatalité à laquelle l'histoire s'est pliée. Que n'ont-ils mis un peu plus tôt sous nos yeux les récifs sur lesquels le navire allait se briser! N'auraient-ils aperçu qu'au dernier moment les rochers dressés devant eux? Les auraient-ils contournés s'ils les avaient vus plus tôt? Mais si l'historien sans recul s'armait soudainement du télescope des Cassandre, comment raconterait-il jour après jour et quasiment heure par heure les mécanismes psychiques et politiques qui pilotent jusque dans le détail les dérobades des classes dirigeantes et les démissions au quotidien qui commandent les intelligences dans les décadences? La cécité rampe dans sa propre banalité. Comment la longue vue des visionnaires de l'immémorial enregistrerait-elle la démarche assurée des nations courant en aveugles vers le gouffre qui les attend?

2 - Dans l'attente d'un vrai regard sur le cerveau simiohumain

Dans un premier temps, les futurs historiens de l'agonie politique de l'Europe imiteront les philosophes de l'histoire qui, de Thucydide à Hippolyte Taine, racontaient l'itinéraire d'une civilisation en marche vers son sépulcre. Ces éclaireurs de la mort liront le scénario et les péripéties du destin sur la rétine des simples mémorialistes et des chroniqueurs de la mémoire superficielle des nations, ces narrateurs aveugles s'échelonneront entre des bornes clairement signalées, ces promeneurs ne sauront pas encore que le miroir millésimé dans lequel leurs ancêtres se regardaient évoluer sur la scène du monde venait tout juste de leur être livré par des miroitoirs dont Valéry disait qu'ils nous faisaient entrer dans l'histoire à reculons.

Mais quand le cortège des huissiers aura défilé en bon ordre, des anthropologues un peu plus avertis observeront les configurations de Clio dans leurs rétroviseurs et ils commenceront d'observer l'encéphale du monde de leur temps sur la pellicule des cinéastes déjà relativement informés des règles universelles qui commandent le déclin des nations et la chute des empires dans leur propre poussière. Leurs bivouacs les feront encore camper à une faible distance de l'enceinte des cuisiniers et des majordomes les plus fatigués de Clio; mais leur recul, quoique modeste et dont ils n'auront pas à se vanter, les remplira pourtant de stupéfaction de ce que toutes les décadences aient dans l'œil une seule et même poutre, mais qui suffit à cacher à la vue de tout le monde les forêts les plus denses et les plus étendues.

Puis l'étonnement enfantin des premiers greffiers de la mort des civilisations engendrera pour la première fois une stupéfaction atterrée de ce que le débat public qui accompagnait la descente inexorable de l'Europe des XXe et XXIe siècles au tombeau ne portait jamais sur la présence honteuse de cinq cents forteresses américaines implantées sur le sol du continent des humiliés et de ce que les classes dirigeantes fossilisées de l'époque géraient sans sourciller la prétendue normalité de leur auto-asservissement militaire, alors que le spectacle de leur sujétion aurait dû provoquer un ahurissement continu des élites rougissantes sous leur livrée. Mais il aura fallu attendre la troisième génération des historiens assis au balcon du funèbre pour que leur stupeur cérébrale portât ses premiers fruits politiques.

3 - Les idoles du tigre et du lion

Ce premier type d'ébahissement demeurera pourtant pré-anthropologique par nature: certes, il tranchera sur l'infirmité mentale des historiens d'aujourd'hui. Mais le recul des futurs coperniciens de la raison historienne ne naîtra qu'à la génération suivante, quand l'heure aura sonné de remonter aux sources du cancer généralisé qui, depuis 1945, frappait les nations et les peuples du Vieux Monde, parce que seuls les historiens dont l'ambition épistémologique entrera dans la véritable postérité de Darwin et de Freud auront des hauts le cœur et des vomissements. Ce sera à l'école de la cécité d'une espèce vouée à demeurer semi animale sans seulement le savoir qu'il s'agira de décrypter les chemins secrets d'une contamination galopante des nausées. Il faudra donc attendre l'apparition du type d'intelligence nouveau qui caractérisera la troisième génération des précurseurs d'une science historique méditante et contemplative. Car, pour apprendre à dérouler le tapis de la mémoire d'une bête sui generis, il faut connaître la pathologie dont elle souffre.

Quelle est la nosologie spécifique d'un fauve à demi cérébralisé, quel est le type d'acuité mentale que ce petit carnassier partage avec les idoles qu'il a façonnées à son " image et ressemblance"? De même que les Céleste du tigre et du lion sont construits sur le modèle des tyrans, de même ceux des confituriers de l'éternité dont ils dotent leur propre ossature gavent leurs adorateurs des sucreries de l'immortalité, mais infligent à leur squelette des tortures atroces et perpétuelles dans une géhenne souterraine et posthume.

4 - Les plumes du canard

Pour l'instant, l'insistance de l'appel de quelques intelligences à la bienveillance d'un Zeus plus civilisé que le précédent demeure pathétique de ne rencontrer aucun écho. L'Europe s'était prise pour la première civilisation de la pensée rationnelle que la planète eût jamais vu naître. Mais la cécité d'une espérance aussi universelle n'est évidemment explicable que si l'encéphale collectif du début du XXIe siècle demeurait dépourvu de toute spectrographie, même embryonnaire, des ressorts abyssaux des fuyards de la zoologie. En 2012, Jacques Julliard, un journaliste célèbre de ce temps-là, diffusait sur les ondes de France Inter un éditorial indigné à l'intention des centaines de milliers d'auditeurs de la station la plus écoutée du pays. Il y dénonçait la corruption généralisée de la classe politique de la France, parce que seule une putréfaction irréversible avait permis deux ans auparavant de porter Mme Aubry à la tête du parti socialiste, puis à M. François Copé de remporter les élections internes non moins truquées de la droite.

Or, cet éditorial de la colère était tombé dans un silence qui aurait pu, du moins, ressortir à la consternation de la presse et du public. Mais ce langage a passé sur la fourrure de l'animal comme l'eau sur les plumes d'un canard. L'étude en laboratoire de la psychophysiologie d'Adam est donc la seule assise scientifique à partir de laquelle la méthode historique de demain pourra s'élever au rang d'une discipline étonnée; et ce socle de la méthode rationnelle ne saurait se révéler autre que celui d'une autopsie sur la table d'opération du chirurgien de l'animal mémorieux.

5 - Une histoire à détoisonner

Des démocraties encore placées dans l'enceinte d'une mémoire à peine détoisonnée et demeurées à cent lieues de la stupéfaction intellectuelle de demain attendent avec impatience un scannage et une problématique de l'Histoire qui permettraient de mettre en évidence les traits hérités de la zoologie d'une espèce au sein de laquelle la raison du plus fort était toujours demeurée la meilleure. J'ai déjà suggéré que le narrateur éclos de la troisième couvée en découdra avec une bête dont le décodage de son aveuglement proprement mental exigera une vivisection de l'encéphale du genre simiohumain actuel, donc une pesée de l'infirmité psychobiologique d'un organe poussif et que la nature avait mis en état de marche à grand peine au cours de plusieurs millénaires de son évolution psychobiologique.

Mais quand un puissant empire feint de tendre une main secourable à un estropié et réussit, primo, à faire croire à cet infirme qu'il s'agit d'inaugurer un compagnonnage chaleureux et durable entre leurs musculatures respectives, secundo, que le fort et le faible associeront leurs charpentes sur le modèle d'un partenariat entre des jumeaux pleins d'égards l'un pour l'autre, tertio que Goliath et David, gentiment assis côte à côte, en deviendront deux ou trois fois plus grands et plus forts sur la planète des anges et des séraphins de la démocratie catéchétique mondiale, quarto, que le nouveau royaume des cieux laissera tout éblouis et les yeux embués des larmes de la reconnaissance la classe de feu le continent de Copernic et de Darwin, de Newton et de Freud, de Platon et d'Einstein, on comprend que la boîte osseuse des évadés partiels du règne animal ait si peu progressé dans l'ordre politique au cours des âges qu'il faille apprendre à construire une balance entièrement nouvelle, afin de s'essayer à la pesée de la raison simiohumaine en tant que telle. Sinon, comment existerait-il un jour une science historique explicative, comment la mémorisation du passé conjuguerait-elle demain le verbe comprendre ?

6 - Une démocratie en trompe-l'oeil

D'un côté, la perspicacité des anciens historiens-philosophes n'est plus heuristique, de l'autre, la méthode historique qui observera les décadences au jour le jour et sous la lentille des évènements n'est pas encore suffisamment expérimentée pour fournir aux apprentis de l'anthropologie transcendantale du XXIe siècle les instruments opérationnels dont elle a besoin. C'est pourquoi il est de bonne méthode de commencer par observer la bête semi réflexive dans son habillage politique proprement dit et à l'échelle de l'appareillage dont ses Etats se revêtent.

Dans un premier temps, on filmera le fonctionnement de la machine administrative de l'anthropoïde épilé et l'on constatera que la classe politique des démocraties bureaucratiques ne saurait se composer de citoyens effectivement élus par le "peuple souverain", mais seulement d'agents de la machine de l'Etat, qui parviennent à se glisser en grand ombre au sein des Assemblées Nationales et se rendent les vrais maîtres du pouvoir législatif en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Quatre-vingt dix pour cent des députés ne sont que des fonctionnaires dont la campagne électorale a été stipendiée sur les fonds de leur employeur, donc sur les ressources fiscales du pays. Ce personnel du peuple retournera en régiments serrés dans les rouages de l'administration s'il n'est pas reconduit dans ses fonctions par le prochain "suffrage populaire". Les agents du peuple-roi ne perdent donc jamais que sporadiquement leur siège de représentants officiels censés avoir supprimé la monarchie. Comme les revenus somptuaires des nouveaux courtisans du trône restent à la portée de la nouvelle démocratie d'une législature à l'autre, il s'agit d'une milice à la disposition des gouvernements successifs et qui compte actuellement six cent soixante mille fantassins.

Aussi le 14 juillet de chaque année, les journaux publient-ils une liste de plusieurs centaines de fonctionnaires et d'obscurs petits chefs de bureau décorés de la légion d'honneur par leur maître, de sorte que la cour se procure à chaque génération une foule immense et en progression constante de quelque deux cent cinquante mille exécutants dociles. Ces légions prébendées forment un noyau de privilégiés d'Esculape dont la santé fait l'objet des soins les plus attentifs d'Hippocrate et de Galien. Deux siècles après la chute des Bourbons, le peuple français se trouve donc scindé en deux catégories d'habitants séparés par la Faculté elle-même entre Versailles et le parterre: d'un côté les Diafoirus du petit peuple, dont les ordonnances guérissent les vrais malades, de l'autre, les signataires de diagnostics à l'usage des malades aussi innombrables qu'imaginaires que sécrète la paresse des agents de l'Etat.

Il est évident qu'une République armée jusqu'aux dents par la fainéantise de ses propres organes et dans laquelle le pouvoir de promulguer les lois est tombé entre les mains des domestiques que nourrit le suffrage universel ne mérite plus la dénomination de démocratie citoyenne. Il faudra user d'un autre vocabulaire de la souveraineté et de la servitude des nations pour cerner la spécificité d'un Etat issu du vieillissement du génie insurrectionnel qui lui avait donné son assise et son élan, donc d'une histoire en marche. Un peuple signe son arrêt de mort à s'immobiliser. Mais, pour le comprendre, observons seulement un instant les premiers effets du règne des valets à gages sur l'usage quotidien de la langue.

7- Le naufrage de la langue et les fonctionnaires au pouvoir

L'agent au service du pouvoir s'avance avec un bâillon sur la bouche et d'un pas hésitant sous le regard mi-respectueux, mi-craintif de ses compatriotes. Et pourtant la peur n'est pas du côté que l'on croit: c'est lui qui n'ose plus s'exprimer avec l'aisance et le naturel de la population domiciliée hors de la Curie, c'est lui qui marche sur des œufs dans l'enceinte de la société civile, c'est lui que paralyse la puissante effigie du maître qui se dresse dans son dos.

Mais le chef d'un tel Etat s'empêtre, lui-aussi dans le filet de la langue.

- Le retour du fléau des e e e e e e e e - Un dialogue imaginaire avec M. Alain Rey, 30 octobre 2011

On le voit confiné à son tour dans le gigantesque séminaire de l'administration publique qu'il dirige. Du coup, on l'entend aligner tous les deux ou trois mots des eu, eu, eu, du coup, il hachera de ses hoquets son discours de bureaucrate corseté. Mais l'esprit d'imitation que Gabriel Tarde ( 1843-1904) a mis en évidence il y a plus d'un siècle et que René Girard s'est contenté de rebaptiser "rivalité mimétique", se propagera avec une constance et une continuité sidérantes au sein d'un gouvernement ânonnant à son tour - et aucun ministre n'échappera à la contamination de la maladie du langage qui fera tomber de sa bouche la syllabe inutile et imposée par l'air du temps. Le petit Poucet jalonnait de pierres son chemin - mais les cailloux ministériels sont pathologiquement superfétatoires et révérenciels. Il faut ressembler au fonctionnaire sommital, et cela tant par le geste que par la voix et le débit; mais il convient néanmoins de s'y exercer en tapinois, afin d'éviter de choir dans un ridicule trop public. Comme dit Molière: "On supporte la répréhension, mais non la raillerie".

8 - Une classe dirigeante inapte

Comment une classe dirigeante de type bureaucratique de la tête aux pieds, comment une élite politique que sa livrée empêche de s'exprimer naturellement s'armerait-elle d'un regard de visionnaire de l'histoire, comment porterait-elle un regard d'aigle sur les rapports de force qui commandent les relations entre les grandes puissances, comment des locuteurs embarrassés, craintifs et placés jour et nuit sous la surveillance du maître étranger qui s'est emparé de leur raison et de leur conscience entreraient-ils en dissidence, comment dénonceraient-ils la domestication craintive qu'un continent hémiplégique est appelé à subir? Une monarchie de fonctionnaires de carton ne sera jamais qu'une noblesse de robe qu'il serait vain de déguiser en phalanges macédoniennes, parce qu'un Etat coupable d'avoir anéanti le débit autrefois assuré de la langue du pays et rendu la raison elle-même hésitante, un tel Etat, dis-je, a oublié que l'esprit et l'âme d'une civilisation passent non moins par le rythme de la parole d'un peuple libre que par la grammaire et la syntaxe. Les langues sont les symboles sonores des identités nationales.

Le désastre politique le plus viscéralement attaché à la dégaine empruntée d'une classe dirigeante de professionnels bégayants n'est autre que le ratatinement de la vie politique et sa réduction aux tracasseries des guichets, donc à l'omnipotence rabougrie d'une bureaucratie. Le ministre d'apparat qu'une Europe ennuyée a élevé au rang de Talleyrand du Vieux Continent a engagé d'un seul coup plus de huit mille fonctionnaires surgis de nulle part et dont la fainéantise s'est aussitôt mise à l'école de vingt-sept nations dépourvues à titre statutaire de toute volonté politique observable sur la scène de leur propre myopie. Des patries vassalisées à titre constitutionnel par des traités bilatéraux qui les lient à un empire d'outre-Atlantique incrusté sur leur territoire depuis sept décennies ne peuvent se voir dirigées que par un personnel anonyme et placé sous les ordres d'un souverain aussi anonyme qu'elles-mêmes.

Mais les vassalités légalisées sous leur accoutrement administratif font également un chassé-croisé tragi-comique entre leurs chasubles respectives: nommer une Anglaise à la tête d'une prétendue " diplomatie européenne " relève d'une méconnaissance titanesque de la psychophysiologie des peuples insulaires: depuis Jules César, l'histoire de l'Angleterre est jalonnée de guerres inexpiables avec un continent qui menace sans cesse de s'unifier face à ses rivages. Par bonheur pour les Iles britanniques, un ramassis de peuplades attachés à leur folklore ne font pas un Tamerlan redoutable.

9 - Les racines simiennes de la politique

Il se trouve que les décisions à prendre pour retenir par ses basques une civilisation décidée à se précipiter dans le gouffre en appelle au génie politique le plus sommital; et si les insectes que le suffrage universel a hissés au pouvoir ânonnent et trébuchent dans la syntaxe et la grammaire de leur propre idiome, jamais on ne verra surgir du marais une phalange ardente de guerriers de l'histoire et jamais une caste de fonctionnaires aux yeux fermés et aux oreilles bouchées n'imposera tout soudainement les verdicts du bon sens le plus simple à un continent de dormeurs debout.

Aussi les méthodes d'une science historique articulée avec une anthropologie offensive ne saurait-elle s'arrêter sur un chemin dont les bornes ne sont pas encore placées. Car la cécité politique de l'Europe et les tournures trébuchantes de la langue du pouvoir sont devenues telles que les régiments serrés de fonctionnaires dormant à poings fermés ne voient pas le piège que le Goliath d'outre Atlantique leur tend avec des mines tour à tour rusées et hilares. Il faut aller bien au-delà du scannage actuel des encéphales pour tenter de s'interroger sur les secrets d'une évolution neuronale qui, depuis le paléolithique, n'a pas fait progresser d'un iota l'intelligence proprement politique de la bête, mais seulement sa raison manœuvrière, mécanicienne et tacticienne - celle que les psychologues du siècle dernier qualifiaient déjà de combinatoire.

10 - Retour aux primates

Par bonheur, les observations les plus récentes dont les déficiences mentales de la bête ont fait l'objet et dont l'empreinte se révèle indélébile nous apprennent que le type d'entendement dont use cet animal renvoie à la psychophysiologie du primate originel. Savez-vous que l'astuce de ce quadrumane lui permettait de décoder avec une célérité stupéfiante les mécanismes qui commandent les fermetures les plus compliquées d'une cage remplie de bananes? Ne pensez-vous pas que des dispositions natives aussi prometteuses préfiguraient l'invention, une centaine de millénaires plus tard, du moteur à explosion et du téléphone portable? Il faut constater sous la lentille de nos microscopes que le creuset du fonctionnement politique propre aux hordes de chimpanzés répond au même moule que celui de nos démocratie: un détoisonné aussi juvénile qu'ambitieux rassemblait des mâles de son âge autour de sa charpente et sapait allègrement l'autorité du chef vieilli - et cela sur le modèle du harcèlement quotidien dont nous avons pris le relais. Il suffira de quelques semaines pour que le primate régnant rende les armes. Réduit à l'exil dans la solitude de la jungle, il y deviendra rapidement la victime d'un fauve aux aguets de sa proie. Mais le transit de sa chair par l'estomac d'un carnassier sera seulement plus rapide que de nos jours.

Un rapport public de l'inspecteur général des prisons de France vient de poser sans fards la question du statut semi carcéral de la masse fort coûteuse - mais pour leur propre bourse - des hébergés en attente de leur trépas massif dans un enfermement de leur charpente hérité de nos ancêtres quadrumanes. Savez- vous que, depuis des années, l'Allemagne de Goethe et de Kant déporte ses vieillards ? On en estime actuellement la masse à quatre cent mille spécimens.

De toute façon, une espèce suffisamment cérébralisée pour industrialiser ses funérailles n'est pas près de se doter d'un gouvernement aussi stable et rationnel que celui des Houhnhnms de Jonathan Swift ou des habitants de l'île d'Utopie de Thomas More. On sait, depuis Montesquieu, que les monarchies tombent dans la tyrannie, les oligarchies dans le népotisme et les démocraties dans la démagogie. Mais l'anthropologie critique de demain fera les gorges chaudes d'une politologie demeurée si longtemps inapte à observer l'encéphale théologique de la bête.

Le Général de Gaulle savait que l'empire américain siège principalement dans les têtes. Mais en bon catholique, il ne pouvait fonder l'anthropologie politique du IIIe millénaire sur une connaissance scientifique des méthodes messianiques, apostoliques et rédemptrices que la foi religieuse partage avec l'idéalisme démocratique, l'eschatologique marxiste et tous les finalismes idéologiques. Il est saisissant que tout le XXe siècle n'ait pas donné naissance à un seul spectateur de la boîte osseuse d'un animal scindé entre le réel et le sacré.

La fossilisation inévitable de l'aristocratie dans des privilèges héréditaires préfigurait la pétrification du régime bureaucratique dans la rigidité administrative. Aussi personne n'imagine-t-il un seul instant que des fonctionnaires sommeilleux porteront un jour un regard sur le destin cérébral de la "civilisation européenne", comme on dit encore - ce qui compte le plus à leurs yeux, c'est de quitter le marécage à cinquante ans avec un viatique de survie minimal de neuf mille euros par mois jusqu'à leur mise en bière.

11 - Une science politique en aval

Mais, encore une fois, si l'encéphale proprement politique des évadés bancals de la zoologie avait grossi parallèlement et au même rythme que le cubage de leur boîte osseuse de mécaniciens ingénieux évoqués ci-dessus, l'Europe ne courrait pas au tombeau les yeux fermés. C'est donc faute d'une balance qui permettrait de peser de siècle en siècle le crâne d'une espèce socialisée de travers que nous ne disposons encore en rien d'une politologie fondée sur une psychobiologie, alors que notre avenir cérébral dépend plus que jamais de la remise en marche du "Connais-toi" socratique. L'anthropologie critique tente d'introduire des clés nouvelles dans les serrures d'une science de notre évolution cérébrale demeurée en rade - mais, pour cela, il lui faut construire au préalable la balance appelée à peser les sépulcres que cette bête se construit.

Comment cela? Par un approfondissement transanimal de la réflexion sur la nature même et sur le contenu de la notion de recul intellectuel. Car il n'est pas de science de notre espèce qui ne se prétende distanciée de notre charpente, et qui "n'objective" notre ossature précisément à ce titre. Mais c'est la qualité de notre distanciation de nous-mêmes qu'il faut apprendre à radiographier et, par conséquent, la méthodologie et la problématique qui commandent notre champ de vision qu'il faut apprendre à poser sur la balance. Car l'astronomie de Ptolémée ne se trompait qu'à titre collatéral. Son éloignement était suffisant; elle ne manquait que des paramètres du savoir rationnel qui lui auraient permis de dépasser le regard de la science de l'époque.

Il faut donc convaincre l'observateur de renverser son champ de vision natal, il faut lui faire remplacer le code mental de Ptolémée, il faut substituer le vagabondage du soleil autour de la terre par celui des planètes autour d'une étoile. La notion de recul propre à l'astronomie d'une époque s'enracine toujours dans une connaissance scientifique dûment millésimée, mais devenue viscérale - et cette propriété collective commande toute la problématique et toute la méthodologie de l'interprétation du savoir.

Naturellement, l'héliocentrisme supposait un embryon de regard de l'extérieur sur le géocentrisme casqué; mais l'encéphale simiohumain a besoin de centaines de preuves visuelles pour seulement se résigner à faire changer de place à son télescope - et Copernic lui-même n'a pas manqué d'immobiliser à son tour le soleil dans le même espace que les astronomes grecs . Il ne pouvait savoir qu'il faisait voler en éclats les notions mêmes d'espace et de temps et qu'il conduisait les heures et l'étendue à l'errance et à l'éparpillement de la relativité générale.

12 - La science historique quadridimensionnelle

Il en est de même d'une science historique dont l'agonie politique de l'Europe révèle la configuration tridimensionnelle. Le recul du regard de la simianthropologie générale sur les horloges et les hectares de la mémoire ptolémaïque modifie la nature même de la connaissance explicative du passé. C'est le savoir expérimental logé sous les os frontaux qui émigre en direction d'un territoire où le spectacle semble demeurer identique à celui dont le télescope de Copernic reproduisait seulement celui de Ptolémée; mais la mise à distance de la théologie tridimensionnelle bouleverse la mise perspective à laquelle procédait le concept même de distanciation, parce que le réel a radicalement changé de paramètres mentaux: l'ancien code qui pilotait le regard des interprétations de Clio se trouve anéanti avec toute la méthodologie et toute la logique de l'observateur ptolémaïque de la condition simiohumaine.

Si le miroir du télescope placé en amont réfléchit désormais l'encéphale même d'un l'animal onirique à titre congénital, la classe sociale des fonctionnaires situés en aval se placera sous la lentille d'un microscope que Balzac, Swift, Kafka et d'autres avaient commencé de construire. Mais les nouveaux anthropologues feront basculer toute la science historique classique dans le scannage de la semi-zoologie qui guide notre espèce. Lisez Les Employés de Balzac : cet anthropologue de l'imaginaire vous apprendra que les visionnaires d'autrefois avaient encore besoin des ressources de la fiction littéraire pour mettre en scène l'animal socialisé. Mais quand la fiction littéraire débarque dans une histoire semi zoologique du monde actuel, elle déroule son tapis sous les yeux d'une simianthropologie engrangeuse de ses premières moissons.

C'est ce que nous observerons le 5 avril 2013

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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