" Ah ! qu'il est difficile de feindre
sans cesse la vertu ! ( Quam vero difficilis virtutis diuturna
simulatio !)" (Lettre de Cicéron à Atticus du 16
octobre de l'an 50 av. notre ère)
Comment le Moyen Orient
va-t-il illustrer le théâtre théologique le plus
fondamental de tous, celui où se joue le statut
physico-psychique de deux Etats et quels sont les enjeux
anthropologiques souterrains et secrets des "négociations
israélo-palestiniennes"?
Il n'est
pas de documents anthropologues plus précieux que les
doctrines religieuses, parce qu'on ne comprend rien au
Moyen Orient si l'on n'y spectrographie le corps et
l'esprit d'Israël verbalement ressuscité en terre sainte
en 1947 et relativement concrétisé en 1967 par la
reconquête de la moitié ouest de son ancienne capitale.
A l'heure où Israël joue
son destin terrestre et théologique confondus dans un
bras de fer avec les Etats relativement laïcisés de la
terre entière, à l'heure où Gaza dresse son Golgotha
face à l'Israël de Moïse, à l'heure où les recherches
archéologiques récentes désacralisent la bible avec les
armes au phosphore d'une science historique qui laisse
loin derrière elle les Renan et les Freud, on voit à
quel point la connaissance anthropologique de l'identité
onirique des peuples que leurs livres sacrés et leur
haute littérature ont forgée exige une tout autre
science du temps mémorisé que celle qui se nourrissait
de la postérité des dieux de l'Iliade.
1 - La
christologie politique
2 - Qu'est-ce
qu'expliquer et comprendre ?
3 - Comment
décoder les dogmes religieux ?
4 - Le
laboratoire commun du sacrificateur et de sa victime
5 - Une pesée
anthropologique du "compromis"
6 - Le conclave
des naïfs
7 - Une
généalogie des identités oniriques
8 - Les fruits du
jardin de la parole
9 - Les prophètes
des évidences
10 - Le tombeau
d'Israël
1 - La christologie politique
Est-il possible de vérifier la signification anthropologique
universelle du mythe chrétien de "l'incarnation de la vérité"
à la lumière du conflit palestino-israélien? Dans ce cas, la
scission cérébrale d'Israël entre son surmoi biblique et sa
vocation territoriale acharnée éclairerait l'histoire à une
profondeur psychobiologique inédite, parce que les évadés tout
partiels de la zoologie que nous sommes demeurés apparaîtraient
enfin sous les traits de personnages scindés de naissance entre
leur surréalité théologique et leur existence terrestre ; et
l'on verrait depuis les origines, les sociétés simiohumaines
hisser dans le "ciel de l'endroit", comme disait
Helvétius, les doubles mythiques qui leur serviront de chefs et
de guides dans le "temporel".
Mais alors,
l'anthropologie critique serait appelée à traquer l'ultime
secret de l'esprit magique. Le mythe de l'incarnation se
révèlerait-il le témoin de la sorcellerie fondatrice de
l'humanité et de toutes les civilisations, parce que ce serait
en tant qu'espèce appelée à se substantifier à l'école de son
langage schizoïde que le simianthrope vocalisé serait devenu le
singe dédoublé que l'on sait - donc l'animal hypertrophié par
ses vocables et accompagné sur la terre par ses dieux?
Attention, ce dialogue est piégé:
il met en scène les enjeux anthropologiques de la
laïcité française Périclès, Protagoras, Socrate,
21 décembre 2009
J'ai exposé les difficultés que Descartes avait rencontrées avec
la princesse Elisabeth, dont il n'avait pas réussi à attirer
l'attention sur l'évidence que les corps demeurent obstinément
des corps et que les mots s'entêtent à demeurer des mots, de
sorte que la scolastique dichotomique de l'époque avait grand
tort de définir le genre simiohumain comme un "mélange de
chair et d'esprit". Mais alors, comment conceptualiser le
mythe bifide de l'incarnation du "verbe" attribué à une divinité
bipolaire à son tour? Si vous conceptualisez une armée comme un
rassemblement de milliers de corps, si vous la concevez comme un
grouillement de bras et de jambes, si vous vous persuadez qu'on
doit qualifier d' armée des milliers d'hommes en ordre de marche
et prêts à partir en guerre, vous oubliez que le mot "armée"
demeure un vocable et qu'en tant que tel, jamais ce son ne
basculera du côté des musculatures et des squelettes: il se
contentera de désigner des masses cellulaires, de sorte qu'à
l'inverse une multitude armée jusqu'aux dents ne basculera pas
non plus dans le vocable qui lui sert d'étiquette.
C'est pourquoi il
est si nécessaire d'étiqueter une armée à l'aide de signes et de
signaux censés rendre visibles un vocabulaire privé de corps et
qui seuls permettront de la matérialiser à l'aide d'une
signalétique convenue - uniformes, fusils, casques. Et voilà que
tout cet apparat corporel échoue à son tour à donner au mot
armée une ossature, des nerfs et des estomacs. Et maintenant,
portons le regard sur les armées qu'on appelle la magistrature,
le barreau, le corps judiciaire, le corps électoral, le corps
doctrinal. Quel sera le statut physique des corps qui feindront
d'avoir émigré dans le royaume de la parole et d'y avoir acquis
je ne sais quelle substance vocalo-cérébrale ? Pourquoi le corps
judiciaire a-t-il besoin de robes noires afin de signaler ses
régiments en tant qu'appareil de la justice?
Décidément
l'espèce immergée dans son langage se révèle le singulier animal
qui s'identifie viscéralement aux vocables qu'il prononce, parce
que son discours n'est autre que sa véritable demeure. Mais si
son domicile est construit, comment le construit-il? Car voici,
par exemple, le corps du droit. Qu'en est-il des corps
abstraits, qu'en est-il des personnages grammaticaux de la tête
aux pieds, si je puis dire? Car j'aurai beau mettre des
caporaux, des colonels, des généraux à la tête des légions,
j'aurai beau hiérarchiser cette masse afin d'exercer sur elle un
commandement aussi efficace qu'impérieux, les mots et les choses
ne voudront rien entendre : les premiers persévèreront à camper
dans les têtes, les autres dehors.
C'est pourquoi le mythe de l'incarnation d'un "verbe divin"
est la sorcellerie verbale fondatrice de la politique et de
l'histoire de l'humanité, celle sans laquelle notre espèce ne
serait pas devenue une interlocutrice d'elle-même, un corps
verbal, un acteur construit de ses propres mains, un animal
artificiel et qui, à substantifier ses artifices langagiers, se
bâtit des armées, des corps judiciaires, des Etats.
C'est également à
ce titre que l'histoire des avatars de la christologie me
servira de document anthropologique central, parce que nul autre
n'est en mesure de conduire une analyse du psychisme schizoïde
de notre espèce; car sitôt évadés du règne animal, les peuples
ont commencé de marcher à la fois sur la terre et dans des
mondes vocaux. Leur élévation identitaire à un surmoi
sacralisateur et réputé purificateur les vaporise dans un
langage substantifiant - un surmoi éthéré, mais qui fournit à
une population son être collectif dûment lessivé et qu'elle
tient à la fois pour national et pour religieux . Ce transport
dans le royaume du sonore n'est autre que le cœur battant de
toute la doctrine du salut et de la rédemption des chrétiens.
2 - Qu'est-ce qu'expliquer et comprendre ?
On
sait que cette mythologie a connu deux hérésies aussi focales,
donc aussi révélatrices l'une que l'autre des apories de la
condition humaine et dont chacune éclaire la signification
anthropologique universelle qu'il convient d'accorder à
l'intercession fabuleuse d'un "homme-Dieu" doublement
idéalisé - donc lumineux dans un ciel dont il est censé promener
les rayons sur la terre. D'un côté, les ariens soutenaient
mordicus que le "fils" parfait d'un créateur non moins
parfait du cosmos n'était rien de plus qu'un médiateur "adopté"
par la volonté du démiurge et dont les mérites suréminents lui
avaient valu, sitôt né, de se trouver délivré du péché, mais
nullement des autres traits caractéristiques de notre espèce.
Son père divin se serait donc contenté de l'affubler du titre
céleste, et purement honorifique de "fils unique", à la
manière dont les Etats distribuent à tout vat épaulettes et
rubans.
C'est qu'il fallait s'appliquer à légitimer à nos propres yeux
un signe distinctif surajouté par miracle ; mais si cette faveur
paraissait à la fois pleinement méritée et seulement décorative,
la virginité d'une parturiante fécondée par un sperme purement
verbal faisait difficulté. Aussi, les théologiens ariens de
cette grossesse merveilleuse se sont-ils fermement attachés à en
démontrer le cours le plus naturel du monde, quittes à passer
l'éponge sur le caractère extraordinaire de son origine
mythique, parce qu'il fallait que "l'homme-dieu" fût
pleinement homme pour que le terme d'incarnation eût un sens -
ce qu'affirme également l'orthodoxie romaine.
De
leur côté, les hérétiques d'en face pensaient, au contraire,
qu'en raison des conditions fabuleuses de cette embryogenèse, le
corps visible et tangible du Christ n'était nécessairement qu'un
fantôme et que ce spectre trompait les yeux de chair d'une
humanité abusée en ce qu'il cachait le Jésus non moléculaire à
la vue des fidèles naïf; car, en tant que Dieu, disaient-ils,
l'homme de Nazareth demeurait fatalement un personnage
radicalement invisible, et cela par nature, comme la "vraie
France", celle qu'il faut considérer en son essence "spirituelle",
n'est pas visible en sa substance charnelle et ne se matérialise
en aucun support physique
-
L'humanisme
du XXIe siècle. Comment le simianthrope se construit ses
signifiants, 25
janvier 2010
Il
en résulte que le mythe bipolaire de l'incarnation d'une
divinité souligne les traits de la condition proprement vocale
du genre simiohumain et en porte la singularité jusqu'à la
caricature ; car un magistrat n'est pas davantage un magistrat
au sens corporel que Jésus-Christ n'est physiquement Dieu, mais
la société a besoin de le croire incarné et, pour cela, d'y
surajouter les adjuvants décoratifs indispensables aux rétines,
donc à la substantification du "verbe judiciaire".
On
voit que si les péripéties qui ont ponctué l'histoire de la
christologie se révèlent d'emblée des documents anthropologiques
et politiques de premier ordre, comme il est dit plus haut, il
convient d'observer les hérésies au titre de constructions
psycho-cérébrales greffées sur l'aporie focale de la condition
magique de l'humanité, celle qu'hypertrophient les orthodoxies.
Car toute théologie renvoie aux deux globes oculaires de
l'animal parlant, puisque tous les Etats du monde se présentent
sous l'apparence d'un corps physique et vocal arbitrairement
confondus. Mais ils ne siègent jamais que dans l'imaginaire
d'une identité collective conceptualisée, donc décorporée par
définition et chargée, précisément à ce titre, d'élever le
statut ectoplasmique des peuples et des nations à leur
surréalité para religieuse. C'est pourquoi, depuis vingt-cinq
siècles - de Platon à Kant et au-delà - la philosophie se
demande quelles relations les "corps théoriques"
principiels, donc spectraux par nature qu'on appelle la
physique, les mathématiques, le droit ou "la philosophie"
entretiennent avec l'intelligence à la fois absentifiante et
substantifiante du simianthrope. Qu'est-ce qu'expliquer si toute
explication renvoie à la dichotomie cérébrale de notre espèce,
qu'est-ce que comprendre si la parole et le monde se mêlent
inextricablement dans l'imagination simiohumaine?
3 - Comment décoder les dogmes religieux ?
Et
pourtant, le décryptage anthropologique de l'inconscient
politique des mythes religieux demeurera peu heuristique aussi
longtemps qu'on se contentera d' observer leurs édifices
cérébraux du dehors et qu'on les tiendra pour des témoins
faciles à décoder du dédoublement mental de l'espèce
simiohumaine entre des corps muets et des personnages
psycho-mentaux volubiles - on les appelle des dieux. Pour que la
connaissance de la dichotomie originelle dont souffre la boîte
osseuse d'une espèce vocalisée, donc scindée à ce titre et de
naissance entre le visible et l'invisible, pour que la science
anthropologique, dis-je, en vienne à féconder la politologie
d'un animal ensorcelé pour le magicien qu'il est devenu à
lui-même, il faudra recourir à l'éclairage d'une spectrographie
des alliances que la "chair" conclura avec l'"esprit"
; et il sera nécessaire, primo, de lire l'histoire des
formulations successives des dogmes que les théologiens ont
progressivement vaporisés et secundo les apories
anthropologiques que leur contenu charnel et langagier confondus
a rencontrées au cours des siècles de leur laborieuse
élaboration doctrinale. Alors seulement, on observera sur le vif
non seulement comment la "vie religieuse", comme on dit,
se trouve livrée à de difficiles exercices de substantification
de la parole, mais comment l'observation au microscope de la
conque crânienne de cette espèce aboutit à la mise en évidence
des significations psychogénétiques et politiques secrètes, mais
toujours à la fois physiques et conceptuelles des cosmologies
mythiques dont accouche le simianthrope.
A
ce titre, on a vu que le dogme schizoïde de la naissance
virginale d'un homme-dieu s'éclaire à la lumière de
l'inconscient, dichotomisé à son tour, du mythe moderne de
l'incarnation, celui qui met désormais en scène une politique de
la Liberté que les démocraties réputées auto-purificatrices sont
censées concrétiser à l'échelle planétaire. Comment ces
vectrices de leurs propres Ecritures substantifient-elles leur
parole réputée "délivrante"? Comment leur verbe censé "libérateur"
enfante-t-il une humanité qualifiée de "corps du Christ"
dans l'Histoire? On sait que, depuis saint Ambroise, l'Eglise
catholique se proclame le corps du Christ sacrificiel, donc le
médiateur physique de la parole baptisée de rédemptrice du "péché
du monde". Mais alors, comment le Moyen Orient va-t-il
illustrer le théâtre théologique le plus fondamental de tous,
celui où se joue le statut physico-psychique de deux Etats et
quels sont les enjeux anthropologiques souterrains et secrets
des "négociations israélo-palestiniennes" ?
4 - Le laboratoire commun du sacrificateur
et de sa victime
Observons de plus près les enjeux politiques et psychogénétiques
qui sous-tendent l'inconscient religieux du sacrificateur et de
sa victime. Pour en comprendre la véritable nature, commençons
par décrire les difficultés proprement doctrinales que l'Eglise
romaine a rencontrées sur les chemins de sa théologie bipolaire,
ainsi que les efforts herculéens auxquels elle s'est livrée pour
tenter de préciser, à l'aide de raisonnements serrés, donc de la
logique impavide d'Aristote, l'association ou le mariage
nécessaires des deux "natures" d'un dieu supposé s'être
incarné, donc devenu moléculaire. Ne fallait-il pas que ce
Céleste parût à la fois aussi pleinement cellulaire et aussi
pleinement une divinité que les Etats ont besoin de paraître des
corps et des oracles confondus?
On
sait que cette promotion titanesque de la confusion originelle
ente les mots et les choses s'est prolongée durant de longs
siècles. On sait également qu'elle était fatalement appelée à
s'achever par une rechute aussi inconsciente que soigneusement
camouflée du christianisme dans le polythéisme le plus cru, et
cela du simple fait que si vous divisez un acteur biphasé du
cosmos entre un "ciel" séraphique et une terre limoneuse,
vous vous rendrez coupable du sacrilège, autrefois jugé digne du
bûcher, d'adorer un Dieu rendu bicéphale, donc que vous aurez
ridiculement privé d'unité psychique ; et si vous unissez
résolument les "deux natures", la divine et l'humaine,
vous renverrez nécessairement le mythe de l'incarnation à la
bancalité irrémédiable des dieux de l'Olympe, qui avaient, comme
tout le monde, une rate, des poumons et des intestins.
Comment un Jésus universalisé, vaporisé et conceptualisé par le
langage serait-il doté d'organes physiques dûment divinisés? On
sait qu'après des siècles de flottement, cette dernière solution
a été expressément retenue par l'Eglise romaine dans son
Catéchisme tragiquement schizoïde de 1992; mais, une
anthropologie ambitieuse de peser les personnages angélisés par
la démocratie que sont non seulement les chefs d'Etat, mais tous
les peuples et toutes les nations de la terre, une telle
anthropologie, dis-je, bénit le laboratoire théologique du Moyen
Orient, qui se révèle bicéphale à souhait et qui contraindra
notre politologie et notre science historique infirmes à
radiographier les "sacrilèges" d'une humanité censée
incarner sa "vérité" vocalisée par les idéaux de la
démocratie. Pourquoi la rechute évidente dans le paganisme du
mythe de l'incarnation des chrétiens, donc dans la
substantification des dieux sur l'échiquier des siècles est-elle
universellement ignorée ou refoulée, sinon parce qu'il s'agit de
l'enjeu anthropologique central dont témoignent tous les Olympe
? Voyons comment Israël va tenter de matérialiser un mythe
rebelle à sa substantification, comme tous les mythes
simiohumains.
Mais, d'ores et
déjà, on aura compris que l'avenir de la psychanalyse est dans
le décodage de l'inconscient psychobiologique de la politique et
de l'histoire et que ni Freud, ni Lacan, ne sont entrés dans le
décryptage anthropologique du sacré .
5 - Une pesée anthropologique du "
compromis "
Le décryptage de
l'inconscient politique qui sous-tend la bancalité existentielle
du compromis se poursuivra à l'école des enseignements
anthropologiques de la postérité qui attend Darwin et Freud. La
continuation de la guerre en Afghanistan, par exemple, ressortit
au modèle courant du compromis politique en ce qu'elle résulte
de la pression conjuguée des généraux du Pentagone et d'un
complexe militaro-industriel qu'enrichit le premier empire
militaire à l'échelle de la planète. De même la pression
diplomatique illusoire sur la Chine
-
M. Barack
Obama est-il un homme d'Etat? (2) L'heure de vérité au Moyen
Orient : Le retard scientifique de la classe dirigeante
mondiale, 21 mars
2010
demeure dans la
tradition des chancelleries en ce qu'elle est destinée à
diaboliser l'Iran aux yeux de la planète entière, alors que tout
le monde comprend que le futur armement nucléaire de cette
nation ne saurait menacer Israël, qui feint seulement de se
trouver corporellement en grand danger face à l'épouvantail
qu'elle a fignolé, puisque deux Olympes se neutralisent
physiquement sitôt qu'ils disposent de la même foudre de Zeus -
celle d'une dissuasion réciproquement tétanisante.
En
revanche, le "compromis" théologique qui sous-tend une
politique de la dissimulation tartuffique des enjeux
anthropologiques secrets et communs à Guantanamo et aux "négociations
israélo-palestiniennes" n'a pas encore trouvé sa définition
dans les dictionnaires de psychanalyse, parce qu'il se révèle
d'une autre nature . Voyons comment sa signification renvoie à
une bipolarité du psychisme humain que Freud n'a pas expliquée ,
parce que la "sublimation" d'un "père" réputé
musculaire du cosmos et explicitée dans L'avenir d'une
illusion de 1927 n'explique pas la sincérité viscérale
de la croyance du sujet en l'existence dite "réelle" d'un
"père céleste" autrefois doté d'une ossature, puis de
plus en plus vocalisé.
On
sait que la théologie romaine se trouve de plus en plus
"dangereusement" idéalisée et désubstantifiée, mais à ses
risques et périls, si je puis dire, tandis que les dieux des
Grecs sont demeurés résolument campés sur leurs deux jambes et
fort ripailleurs sur l'Olympe, de sorte qu'ils "existaient"
bel et bien à la manière du Jésus incarné de l'Eglise romaine
que saint Thomas prive de nourriture et de boisson au paradis,
mais exclusivement afin de "prouver sa résurrection".
Quelle est la spécificité du règne de ce personnage cosmologique
dans les esprits?
Si
vous voulez comprendre les embarras alimentaires que le genre
simiohumain rencontre avec le mythe de sa résurrection physique,
lisez les chapitres que saint Thomas d'Aquin consacre aux
problèmes de nutrition et de digestion de Jésus et des autres
ressuscités au paradis - puisque le concile de 1962 s'est bien
gardé de priver le "docteur angélique" de son rang
officiel au sein de la théologie romaine.
Mais on voit à nouveau qu'il n'est pas de
documents anthropologues plus précieux que les doctrines
religieuses, parce qu'on ne comprend rien au Moyen Orient si
l'on n'y spectrographie le corps et l'esprit d'Israël
verbalement ressuscité en terre sainte en 1947 et relativement
concrétisé en 1967 par la reconquête de la moitié ouest de son
ancienne capitale.
Depuis lors, la conquête par cet Etat, de sa "substance"
physique se déroule sous les yeux de notre anthropologie infirme
sans que la question de l'identité physico-psychique du peuple
hébreu n'apparaisse encore clairement, alors qu'il s'agit bel et
bien de la parturition d'une nation terrestre par le songe
céleste dont elle est gravide. Quel combat titanesque que de
tenter d' incarner la grossesse de la parole biblique sur cette
terre!
C'est pourquoi l'enfantement de la notion même de réalité
appliquée pêle-mêle à une divinité, à une nation, à un Etat, à
une science, à un art ou à des objets matériels renvoie au
décodage des idoles devant lesquelles une espèce cérébralement
scindée entre le concret de l'abstrait s'agenouille. C'est que
le langage abstrait de cet animal le vaporise dans l'atmosphère
et, à ce titre, c'est sans relâche qu'il peuple son encéphale de
personnages à la fois idéaux et censés physiquement agissants.
L'existence proprement mentale d'un vivant à la fois socialisé
par sa parole et réputé se trouver transporté corporellement
dans des identités collectives vocalisées à souhait le condamne,
comme il est dit plus haut, à mêler le concept au réel et à
confondre l'universel qui le vaporise avec le singulier qui
l'attache à la glèbe.
La
psychanalyse anthropologique du mythe central de l'incarnation,
donc des relations variables en intensité qu'un acteur tout
verbal - mais qu'on croit dûment substantifié, tel que
Jésus-Christ - entretient tantôt avec sa réplique terrestre,
tantôt avec sa duplication mythologique dans le "ciel",
cette étude de la double attache du simianthrope schizoïde se
situe au cœur de la pesée de l'histoire bipolarisée de l'espèce
simiohumaine actuelle; mais le Moyen Orient va illustrer sur le
vif non seulement le mythe chrétien de l'incarnation des
signifiants, mais les impasses anthropologiques qu'illustre le
drame eucharistique de la pseudo substantification de la vérité
et qui sous-tend désormais de toute sa symbolique l'échec fatal
des négociations politiques en cours. Car dans l'état actuel de
son évolution cérébrale, notre espèce s'imagine encore que les
signifiants se chosifient, que le vrai se substantifie, que la
parole se matérialise et que l'Israël biblique aura débarqué au
Moyen Orient quand il aura rayé la Palestine de la carte et que
les chancelleries du monde l'accueilleront dans le temple des
idéalités de la démocratie.
6 - Le conclave des naïfs
Pour comprendre le Moyen Age à nouveaux frais, c'est-à-dire sur
le terrain anthropologique, il faudra disposer d'une balance à
peser les relations supposées "substantifiques" que le "naturel"
entretient avec le "surnaturel", parce que ces relations
caractérisent le dichotomie cérébrale propre à telle
civilisation à telle heure de son voyage dans sa propre
bipolarité psychobiologique. Seule la balance à peser ce dosage
mi-cérébralisé et mi-matérialisé permettra de comprendre quel
est l'enjeu anthropologique abyssal du transport antinomique du
peuple d'Israël en Palestine en 1947. Nous n'avions pas de
méthode pour étudier ces questions in vivo - et voici que
s'ouvre un laboratoire de la condition cérébrale simiohumaine
qui promet de se révéler sanglante à l'école du scannage des
sacrifices bipolaires auxquels se livre le singe ambitieux
d'éterniser son corps. Mais ne fallait-il pas des circonstances
extraordinaires pour que la civilisation mondiale apprît à peser
l'âme meurtrière et le cerveau biphasé que l'humanité met au
service des crimes qu'elle commet sur l'autel de l'Histoire?
D'ores et déjà, il crève les yeux qu'il sera aussi peu question
d'une négociation rationnelle et sereine entre deux parties
légitimement attachées à défendre des avantages chiffrables sur
un champ de bataille qu'il n'était question, au Concile de
Chalcédoine en 450, de s'entendre posément sur un partage "raisonnable"
entre les statuts humain et divin confondus ou séparés de
Jésus-Christ, parce qu'une négociation guerrière de ce genre
n'est pas du ressort de la rationalité interne qui commande la
diplomatie traditionnelle, mais renvoie aux enjeux théologiques
souterrains et inconscients dont témoigne l'irrationnel et
l'émotionnel religieux aux yeux de l'anthropologie critique dont
accouchera notre siècle.
C'est pourquoi l'échec inévitable du conclave des naïfs ouvert
par M. Obama sera tragique. Mais combien ce drame même se
révèlera scientifiquement fécond sur le long terme, on le
comprendra à l'examen des discussions conciliaires entre les
coperniciens et les géocentristes, les darwiniens et les
créationnistes, les monophysites et les ariens, les jansénistes
et les partisans de la Bulle Unigenitus. Certes,
ils n'en appelaient pas encore à des arguments pesables sur la
balance des peseurs et des radiographes des dogmes. Et pourtant,
la spectrographie psychobiologique des compromis de type théo-politique
est en marche.
7 - Une généalogie des identités oniriques
Mais pour comprendre la nature de l'aporie qui fera échouer le
conclave des naïfs évoqué plus haut, encore faut-il se mettre en
mesure de comprendre la généalogie de l'identité onirique des
peuples et des nations. Car cette espèce mémorise ses
itinéraires dans l'univers de son langage. Si le chimpanzé et
l'homme appartiennent tous deux à des espèces socialisées ab
ovo, il faut se demander comment la parole biblique a enfanté la
surréalité mythique d'Israël. Certes, les mots sont les premiers
instruments de la parturition et des métamorphoses des identités
oniriques. Les patries en sont venues à se reconnaître au simple
énoncé des vocables qui leur servent à la fois de clés et de
fétiches et qu'elles gravent sur les frontons de leurs temples.
La France se reconnaît dans la proclamation solennelle du règne
de trois concepts insubstantifiables - la Liberté , l'Egalité
et de Fraternité ; l'Allemagne d'hier se regardait dans le
miroir qui lui renvoyait l'image de son "Deutschland über
alles", l'Angleterre pavanait sous le ciel de son "God
save the King" et l'Amérique se glorifie encore sous nos
yeux de se placer sous l'aile du Dieu de l'Amérique.
Mais le véritable véhicule du statut mental du genre simiohumain
actuel est le récit mythologique. C'est à l'école des
interprétations "théologiques" de leur propre histoire
que les Etats se transportent encore de nos jours dans
l'identité surréelle que leur forge le langage des dieux qu'ils
sont devenus à eux-mêmes. Aussi la Révolution française se
trouvera-t-elle racontée tantôt comme une épopée de la
délivrance de l'humanité tout entière du despotisme
multiséculaire de la royauté, tantôt comme la rébellion
assassine d'une racaille ennemie du ciel, le marxisme narrera la
levée de l'espérance des fils d'Adam ou la démonstration
tragique de l'incapacité politique et intellectuelle de la
classe ouvrière mondiale à prendre son destin entre ses propres
mains. Mais c'est toujours leur identité onirique que les évadés
de la zoologie se forgent à l'école des récits dramatiques ou
candides qui les transportent dans leur légende et qui fait
d'eux des témoins pathétiques de leur propre mémoire portée au
sacré ; et c'est cette postérité-là de Renan que les historiens
actuels d' Israël commencent seulement de comprendre (Voir
La Bible et l'invention de l'histoire de Mario
Liverani, 2003 et 2007, trad. Ed. Bayard 2008).
8 - Les fruits du jardin de la parole
Mais Israël présente une particularité inimitable : son récit
pseudo biographique, son paradis de la parole sacrée, son
royaume céleste trouvent leur support onirique dans un monument
de l'écrit qu'on appelle l'Ancien Testament et qui sert
encore de temple à la surréalité mythologique de l'humanité
croyante d'aujourd'hui. C'est avec cette identité fabuleuse que
se déroulera une négociation politique qui n'a aucune chance
d'aboutir dès lors que les négociateurs ignoreront que les
cartes du jeu sont surréelle. Les récits fondateurs de
l'identité rêvée des autres peuples de la terre demeurent
partiels et livrés à des lectures non moins contradictoires que
celles de la Révolution française. Rome se racontait son
histoire à l'écoute d'Enée, dont Virgile a fait le héros
national et le fondateur de l'empire de la Louve, mais l'abbé
Barthelemy écrivait déjà en 1788 dans son Voyage du jeune
Anacharsis en Grèce: "Dans ce temps-là vivait un
homme qui s'appelait Enée ; il était bâtard, dévot et poltron .
(…) Son histoire commence la nuit de la prise de Troie. Il
sortit de la ville, perdit sa femme en chemin, s'embarqua, eut
une galanterie avec Didon, reine de Carthage, qui vivait quatre
siècles après lui… ".
A l'heure où Israël joue son destin
terrestre et théologique confondus dans un bras de fer avec les
Etats relativement laïcisés de la terre entière, à l'heure où
Gaza dresse son Golgotha face à l'Israël de Moïse, à l'heure où
les recherches archéologiques récentes désacralisent la bible
avec les armes au phosphore d'une science historique qui laisse
loin derrière elle les Renan et les Freud, on voit à quel point
la connaissance anthropologique de l'identité onirique des
peuples que leurs livres sacrés et leur haute littérature ont
forgée exige une tout autre science du temps mémorisé que celle
qui se nourrissait de la postérité des dieux de l'Iliade.
9 - Les prophètes
des évidences
Comment calculer le montant de la facture que réclamera la peur
de penser la bipolarité cérébrale de notre espèce? Pour cela, il
convient de se demander pourquoi les prophètes ont toujours
raison : c'est que ces logiciens sans peur et sans reproche ne
sont que les modestes chevaliers de leur propre droiture
d'esprit. A ce titre, ils se contentent de promener sur les
platitudes du sens commun cartésien la lanterne des lumières
naturelles les plus répandues de l'entendement artisanal de leur
temps, celles sur lesquelles l'auteur du Discours de la
méthode a bâti son fameux : "Je pense donc je suis".
Si
j'existe suffisamment pour "penser", dirait aujourd'hui
le Diogène des Méditations métaphysiques, je dois
me demander en tout premier lieu ce que "penser veut dire".
Que signifiait ce verbe du temps où un gouvernement soviétique
construit sur l'utopie évangélique tentait d'interdire à notre
espèce de consommer la pomme gâtée du profit? Savait-on que ce
langage enfanterait nécessairement une fainéantise de masse
messianisée et d'apparence vertueuse et que cette piété
porterait la hotte des idéalités rédemptrices les plus
mirifiques que le langage simiohumain est capable de sécréter?
Savait-on que ces vapeurs travailleuses allaient engendrer une
ecclésiocratie redoutablement salvatrice et que les goulags du
salut par l'intercession de cette grammaire se rempliraient à
nouveaux frais de victimes du dernier-né des paradis de la
parole sacrée?
Puis, plus raisonneur en diable que jamais, le logicien-prophète
saura de science non moins certaine que le capitalisme
triomphant ne manquera pas de s'imaginer que ses victoires sur
la terre incarneraient la vérité politique et qu'elles
donneraient raison à l'argent-roi tant au ciel des anges que sur
la terre des marchands. Puis, non content de se reposer sur ses
lauriers, sa Majesté le Profit se convaincra que bien mal acquis
se rend édénique et que l'auto-sanctification de ses bienfaits
se nourrira de plumer en règle un prolétariat terrassé pour
longtemps. Alors, ce trophée de caissiers s'hypertrophiera dans
le vide ; et l'on verra une gesticulation boursière
internationale et un chômage planétaire se substituer à
l'industrialisation raisonnée de l'Ile au trésor
imaginée aux XVIIIe et XIXe siècles par les Robert Louis
Stevenson du capitalisme.
10 - Le tombeau d'Israël
Entre les
mémoriaux respectifs du zoo et de la jungle - entre l'utopie
ensanglantée et le chaos - qu'adviendra-t-il d'Israël? L'empire
américain, diront les logiciens du destin, connaîtra le même
sort que les empires britannique et ottoman, qui ont sombré dans
la pénurie financière engendrée par leur extension territoriale
inconsidérée. Combien de temps, se demanderont les Cassandre de
la dialectique, la charge titanesque d'entretenir une flotte de
guerre acharnée à promener ses falots et ses bouches à feu sur
toutes les mers du globe et de desservir jour et nuit plus de
mille places fortes disséminées sur les cinq continents, combien
de temps, se demanderont les Isaïe des évidences, faudra-t-il
pour que le navire et tout son équipage coulent pavillon haut,
combien de temps pour que les masses arabes se réveillent et se
dressent contre leurs gouvernements corrompus, combien de temps
pour que de nouveaux capitaines du Coran prennent la relève de
l'éthique des navigateurs d'Allah en haute mer?
En
fin de parcours, on verra la fureur et le mépris de l'opinion
internationale clouer Jérusalem au pilori de l'ubiquité de
l'image et du son; puis la crucifixion de Gaza sur la croix du
monde divisera Israël entre les deux partis que Flavius Josèphe
décrivait au 1er siècle, celui des "modérés" et celui des
"zélotes". Mais les zélotes disposeront de l'arme
nucléaire. Alors, les nouveaux guerriers de Massada menaceront
de pulvériser la terre entière. Chacun retiendra son souffle. Il
y aura des retards de la foudre. Mais comme il sera impossible
que les roitelets David et Salomon retrouvent leur empire
imaginaire, la planète épouvantée dansera quelque temps au bord
du gouffre. Aucune force, ni celle des armes, ni celle de la
raison ne convaincront le peuple hébreu d'abandonner la terre de
ses songes ; et l'heure de l'ultime "Connais-toi" sonnera au
beffroi de la folie éternelle ou de la sagesse tardive du monde.
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