Le Times
(Londres) :
Monsieur le Président, nous savons tous
que vous avez les pieds sur terre comme personne; mais depuis
votre trépas, on raconte ici ou là que vous étiez né avec le
télescope du réalisme vissé à l'œil et que votre cerveau
ascensionnel n'était qu'un prolongement naturel de votre haute
ossature. Comment racontez-vous l'histoire stellaire et
l'histoire physique d'Israël depuis 1948?
Le Général de Gaulle
: Le rideau des songes s'est levé
et abaissé trois fois au cours des soixante douze dernières
années de l'histoire corporelle et cérébrale d'Israël . Nous
abordons le quatrième et avant dernier acte de la tragédie des
squelettes et des âmes. On y verra Clio débarquer plus
résolument que jamais parmi les rêveurs bibliques du monde
entier, de sorte que les nouveaux paramètres du récit historique
et du récit sacré confondus enregistreront des collisions
théologiques d'une violence inouïe entre l' histoire
scripturaire du peuple élu et le nouveau récitatif d'une
civilisation mondiale partiellement convertie aux lois du
profane. En premier lieu, les péripéties en quelque sorte
préliminaires de l'histoire nouvelle des Hébreux illustreront,
certes, la dramatique inculture historique et diplomatique des
chefs d'Etat les plus puissants d'un nouveau Moyen Age. Mais
surtout, leur cécité anthropologique et philosophique occupera
le devant de la scène.
Vous remarquerez que le Président des
Etats-Unis avait compris rationnellement, semblait-il, que Jahvé
interdisait fermement à l'empire américain de tendre un jour la
main aux fidèles d'Allah et que le Nouveau Monde se trouverait
empêché de jamais battre les cartes nouvelles de la planète du
XXIe siècle. Mais si Washington se voit frappé de l'interdiction
définitive de sceller alliance avec les peuples du Coran, le jeu
des armes et des songes qu'on appelle l'Histoire ne saurait
rayer d'un trait de plume un milliard et demi de musulmans
tressautants sur la carte et encore moins au profit de
l'expansion territoriale illimitée d'Israël. C'est dire que,
faute d'une connaissance suffisante du fonctionnement cérébral
actuel du genre humain, ce Président s'est imaginé qu'il lui
suffirait de prononcer un beau discours sur les bords sacrés du
Nil pour régler le tic tac de l'horloge des vivants et des morts
sur les cinq continents. Néanmoins l'Amérique demeure un
nouveau-né. Il faut laisser à ce peuple au berceau le temps
d'apprendre à lire l'heure sur le cadran des siècles. Une
aiguille naine y trotte à petits pas. Elle égrène les jours et
les nuits d'une espèce plus obsédée que jamais par le sceptre et
les ciboires de ses dieux. L'autre aiguille est en folie. Les
minutes et les secondes y enregistrent à grandes enjambées le
tumulte précipité des évènements.
Aussi M. Barack
Obama a-t-il été surpris comme un néophyte des Olympes par la
découverte tardive qu'il a faite de la solidité cérébrale du
dieu d'Israël. Il faut lui apprendre que la science politique a
changé de longue vue et qu'il appartient désormais aux chefs
d'Etat de se saisir de l'instrument d'optique nouveau dont le
peuple juif s'est armé sous la faux des Parques. L'Amérique a
pris pour le moins un siècle de retard sur la connaissance
anthropologique de la carapace cérébrale de Jahvé. Elle ignore
encore, me semble-t-il, que la carcasse mentale des humains se
trouve scindée de naissance entre leurs ciels et leurs terres et
qu'il était bien inutile d'envoyer un certain George Mitchell,
irlando-libanais et chrétien maronite, vérifier sur place que M.
Netanyahou ne cèdera jamais un pouce du territoire de la
Cisjordanie, parce que, depuis près de soixante-cinq ans, le
peuple de Moïse est appelé par sa théologie à en conquérir un
par un les hectares. Sachez en outre que notre espèce est née
religieuse et qu'elle obéit tantôt aux chimères du ciel qu'elle
croit avoir enregistrées sur ses microphones, tantôt aux mythes
que sécrètent ses langages . Si vous n'apprenez à décrypter les
discours que nous tiennent nos idoles bicéphales, jamais vous ne
tiendrez les vraies clés des évadés de la zoologie entre vos
mains.
3 -
Controverse avec le Titan
Die Weltwoche
(Suisse): Mon Général, vous dites à la fois que la guerre
des dieux a débarqué à nouveaux frais dans l'histoire
théologique de la démocratie mondiale et qu'il est vain de
s'imaginer que la classe dirigeante d'une planète devenue
indocile retournera sur les bancs d'école des ancêtres afin d'y
réapprendre le sacré et ses songes. Mais alors, qui prendra en
mains la direction à la fois mythologique et neutralisée du
monde, qui en tiendra les rênes à la place des deux catégories
d'ignorants que vous avez identifiés?
Le Général de Gaulle
: Croyez-vous vraiment,
Monsieur, que la morale universelle est soudainement tombée en
quenouille, croyez-vous vraiment que les festins de Lucullus et
les tas d'or de Crésus l'ont réduite au silence? C'est tout le
contraire qui se passe sous nos yeux: la majorité des peuples de
la terre sait maintenant que l'heure sonnera bientôt non point
de ressusciter les dieux morts des ancêtres, mais de prendre
entre les mains le sceptre de l'éthique éternelle de l'humanité.
Dites-vous bien que nous assistons aux premières péripéties de
la guerre que les masses tout fraîchement jaillies de l'ombre
vont mener contre leurs élites en voie de délitement.
Etonnez-vous plutôt, Monsieur, de ce que ce spectacle se déroule
déjà sous nos yeux. Songez que vingt siècles seulement se sont
écoulés depuis le clouage retentissant d'un juste sur la potence
qu'on appelle l'histoire. Nous sommes entrés dans la logique du
monde de demain. Mais ce n'est plus à la France seule de
rappeler à la terre entière que les nations d'hier ne forgeaient
l'éthique du genre humain qu'avec une grande lenteur. Il
appartient maintenant aux nouvelles générations de
l'intelligence et de l'éthique d'attirer la planète de la
lucidité politique à venir sur le champ de bataille de la raison
et du cœur.
Der Spiegel
(Allemagne):
Mon Général, pourquoi pensez-vous que l'interprétation de
l'histoire cryptée de l'encéphale de notre espèce va débarquer
dans la politique mondiale?
Le Général de Gaulle
: La vocation de la
géopolitique moderne à conquérir une lucidité anthropologique
sera rendue nécessaire du fait que les évènements les plus
chaotiques en apparence ne manqueront pas de se placer comme
d'eux-mêmes au centre d'un décodage des songes religieux du
simianthrope, de sorte qu'on découvrira la vanité de s'essayer à
les replacer sous les feux de la connaissance traditionnellement
qualifiée d'historique. Voyez ce qui s'est passé à Gaza :
contraint de battre piteusement en retraite et de quitter sans
gloire le champ de bataille du récit historique banalisé depuis
Thucydide - son discours du Caire était censé l'avoir illuminé à
nouveaux frais - M. Barack Obama est allé jusqu'à collaborer
avec une coupable frénésie à la construction d'un mur d'acier de
quatre mètres de profondeur autour d'une ville d'un million et
demi d'hommes, de femmes et d'enfants assiégés et affamés par
Jahvé.
Croyez-vous que
l'intelligibilité historique étriquée d'autrefois puisse rendre
compte des paramètres réels de cette histoire semi mythologique?
Car, quelques semaines seulement plus tard le cerveau de ce chef
d'Etat a été conduit à raconter ou à réciter un scénario qui
plaçait le même événement cinématographique dans un éclairage
radicalement opposé au premier et à déclarer à la presse
internationale que le spectacle filmé sur la pellicule de
l'incarcération de l'immense population de Gaza n'était " pas
tenable ". Comment se fait-il que M. Ban Ki-moon, Secrétaire
général de l'ONU, se soit trouvé contraint de souligner, lui
aussi, que l'immoralité de cette politique était insoutenable
aux spectateurs? Comment se fait-il, que M. Cameron, Premier
Ministre de sa Majesté la reine d'Angleterre, ait déclaré à son
tour que la morale du gentleman anglais se rangeait du côté
d'une éthique minimale du genre humain? Quel est le personnage
hollywoodien, à votre avis, qui a fait déposer une couronne
aussi inattendue que celle d'une éthique universelle sur la tête
de ces trois dirigeants de la planète de la Metro Goldwyn Mayer?
Quel est l'acteur des âmes qui a fait rendre le même verdict à
la Commission mondiale des droits de l'homme à l'ONU le 24
septembre 2010?
Certes, quelques missionnaires de l'image
avaient affrété des cargos sous les yeux d'une espèce ahurie,
mais surtout sous le regard des caméras du monde entier ;
certes, ces apôtres spectaculaires avaient tenté d'apporter des
centaines de tonnes de vivres, de médicaments et de biens de
première nécessité aux affamés, certes encore, ils avaient payé
leur expédition du tribut bien réel de neuf cadavres bien frais
dans leurs rangs. Mais croyez-vous que si l'opinion publique
mondiale du singe estomaqué par le spectacle de son sang n'était
pas déjà devenue le siège véritable de l'éthique des saints
secouristes, leur expédition relayée par satellite aurait fait
changer de bésicles au globe oculaire de la planète ?
Croyez-vous que si notre espèce prosternée le nez dans la
poussière depuis l'âge de pierre n'avait pas été sidérée par une
immolation aussi sanglante sur les autels des démocraties
néroniennes, les sacrifices au dieu de la Liberté auraient
triomphé des foudres de Jahvé sur l'offertoire de Gaza?
L'histoire gravée sur la rétine d'Isaïe n'est pas l'histoire
racontée dans les livres scolaires, l'histoire écrite par les
prophètes est celle où l'humanité se donne en spectacle à
l'école de la vie et de la mort de ses dieux.
4 -
L'avenir du sceptre de l'opinion mondiale
El Pais
(Madrid)
: Monsieur le Président, quel déroulement de l'histoire
théologique des égorgements annoncez-vous à l'espèce ailée?
Le Général
: Voyez-vous, Monsieur, il est des heures où les anges de
l'histoire séraphique et carnassière du singe nu déplacent
soudainement de quelques centimètres leurs ailes de fer et de
velours. Alors les oligarchies gangrenées cessent subitement de
tenir la plume de la véritable histoire du sang. Alors, quelques
héros de l'éthique d'un monde à venir jaillissent de l'humus de
notre espèce. Est-il une démonstration plus éclatante de ce que
l'histoire cérébrale de l'humanité n'est plus pilotée par le
glaive et les ciboires des trois dieux autrefois qualifiés
d'uniques, mais par leur exécuteur testamentaire et leur
légataire universel, le jugement d'une opinion publique mondiale
devenue le nouveau pédagogue de l'humanité? Croyez-vous que la
pellicule de la mémoire éthique de l'histoire ne se déroule pas
d'ores et déjà devant un nouveau tribunal de la moralité et de
l'immoralité futures de notre espèce?
Certes, Israël a
aussitôt démontré qu'il tenait les sénateurs du Nouveau Monde
par leurs basques et que non seulement le parti démocrate
perdrait les élections de mi-mandat, mais que M. Barack Obama ne
serait pas réélu s'il refusait de se plier aux volontés du
peuple à la main de fer - et l'on a vu le prophète du Caire se
renier pour la troisième fois avant que le coq eût chanté. Mais,
à compter de ce jour, la Résistance française se situe au cœur
de la philosophie et de la politique des âmes et des têtes. J'ai
été le premier contempteur de l'immoralité mondiale des
dirigeants gangrenés de mon temps, et maintenant, ce n'est pas
de ma faute si je vois naître en tous lieux une réflexion
anthropologique d'une logique rigoureuse sur les scansions
théologiques qui écrivent l'histoire des relations schizoïdes
que les peuples entretiennent avec leurs élites politiques.
5 - La
terrasse d'Elseneur
Il vous suffira donc, je le répète, d'enregistrer la suite des
évènements qui ponctuent une histoire universelle bicéphale pour
constater que les circonstances se placent comme d'elles-mêmes
dans la problématique qui leur donnera leur sens trans
anecdotique. Vous remarquerez, primo, que le Premier
Ministre israélien s'est précipité à Washington, secundo,
que c'est sous le nez du Président des Etats-Unis qu'il a
exhorté ses fidèles à suivre les directives de Jahvé, tertio,
qu'il a aussitôt fait capituler le Dieu de M. Barack Obama,
quarto, que non seulement la Maison Blanche a dû renoncer
sur l'heure à demander l'arrêt de l'expansion armée des colonies
du Grand Israël en Cisjordanie, mais que la pestifération
intensive de l'Iran y a trouvé un nouveau souffle, au point que
votre Europe asservie a assumé la relève des sanctions qu'elle
avait déjà prises dans un premier élan un mois plus tôt contre
Téhéran. Mais, dans le même temps, la démonstration de ce que
les prêtres d'Israël ne tiendront pas longtemps les rênes de
l'histoire mi-politique, mi-mythologique de la planète entre
leurs mains illustrera la logique interne qui commande
aujourd'hui le véritable destin des droits d'une raison laïque
approfondie jusqu'au vertige.
La preuve en a été aussitôt apportée par
l'indignation rationaliste que tous les peuples du monde ont
manifestée au spectacle de l'immoralité abyssale du subterfuge à
la fois onirique et ubuesque selon lequel l'Iran menacerait
Israël de pulvérisation atomique s'il disposait du feu
nucléaire. Il est donc d'ores et déjà devenu impossible de
soumettre le récit des événements et leur interprétation sur le
long terme à une grille de lecture superficielle de leur
immoralité, premièrement parce que l'opinion mondiale est un
zoologue qui a compris depuis plus de quarante ans que deux
nations armées de la foudre de leur extermination réciproque
neutralisent leurs sacerdoces du meurtre payant et que tel est
précisément le gage d'une paix durable entre leurs enfers
respectifs, secondement, parce que le bon sens populaire sait
depuis belle lurette qu'il s'agit seulement de perpétuer le faux
prestige militaire des prêtres de la mort, donc l'hégémonie
politique illusoire qui s'attache encore dans quelques esprits
abêtis à brandir l'arme mythologique par nature et par
définition d'un auto-anéantissement prétendument héroïque des
deux auto-sacrificateurs, alors que leurs géhennes se tiennent
réciproquement en respect, troisièmement parce que les hautes
instances de la civilisation semi animale d'aujourd'hui
constatent qu'Israël ne disposera que fort peu de temps du
pouvoir de ses zoologues d'égarer le jugement de quelques
simianthropes dont la masse fond à vue d'œil et de troubler
l'entendement des sots dont la proportion devient de plus en
plus minoritaire au sein de l'humanité.
6 - Les
cinq scansions de l'histoire des peuples
El Mundo
(Madrid):
Monsieur le Président, vous soutenez que
deux adversaires dont chacun aura posé le canon de son arme sur
la tempe de son adversaire ne vont pas appuyer sur la gâchette;
vous dites que le pacte conclu entre la santé d'esprit la plus
ordinaire de tous les peuples de la terre et les exigences
morales élémentaires que tout le monde se partage est devenu une
évidence saisissante. Mais je constate que le bon sens de la
terre entière n'a pas jugé à la fois immorale et politiquement
suicidaire la volte-face diplomatique de la Russie, qui, l'été
dernier et hier encore a fait annoncer à M. Medvedev que "les
vrais intérêts" de son pays seraient désormais exclusivement
industriels et commerciaux. Comment appliquez-vous à la logique
de votre démonstration de l'absurdité militaire d'un suicide à
deux une diplomatie qui, dans son ordre, défie tout autant le
bon sens le plus élémentaire?
Le Général de Gaulle
: L'opinion populaire de la planète a tout de suite compris
qu'une Russie qui perdrait de vue ses véritables intérêts se
ferait sauter la cervelle sur la scène internationale, parce que
la sauvegarde de la dignité du peuple russe et la préservation
de son rang de grande puissance sont une question de survie
politique de l'ex-empire des Tsars. Si le déshonneur se vend
pour un plat de lentilles, l'honneur, lui, ne s'achète jamais à
si bas prix.
Aussi a-t-il
suffi, l'été dernier, de deux jours à M. Poutine pour rappeler
son poulain inexpérimenté au bon sens politique le plus
élémentaire et vingt-quatre heures seulement à la Chine pour
prendre le chemin du même redressement diplomatique face à une
Maison Blanche qui criait déjà victoire à tue-tête. C'est que
l'arbitre du destin politique des grandes nations se révèle
désormais à ce point de l'ordre d'une éthique transanimale que
leur chute dans le précipice de la décadence est la rançon
zoologique immédiate d'un instant seulement d'oubli des devoirs
attachés à la santé d'esprit des grands Etats.
En vérité, l'escalade de la pente opposée a
commencé avec la flottille de la Liberté, puisque le blocus de
Gaza est devenu le test mondial de l'avenir des démocraties dans
le royaume de l'éthique des civilisations. Ou bien elles
triompheront de l'abaissement de l'humanité dont Jahvé leur
réclame le tribut ou bien elles traîneront le boulet de
l'immoralité sanglante d'Israël jusqu'à leur disqualification
politique définitive sur la scène de l'histoire de la justice.
Le Corriere della serra
(Rome) :
Monsieur le Président, pouvez-vous nous
détailler l'itinéraire et les étapes d'une renaissance de
l'éthique de la civilisation?
Le Général de Gaulle
: Vous me demandez rien de
moins que de préciser le rythme des scansions, la nature des
basculements et la signification des mutations brusques de la
politique événementielle et sacerdotale de l'histoire du meurtre
humain; vous me demandez rien de moins que de clarifier les
causes de la disqualification morale et intellectuelle des
ecclésiocraties meurtrières et leur remplacement par des élites
régénérées.
Le premier
pourrissement mondial des élites de la morale politique s'est
produit à Rome à l'heure où le délabrement des institutions de
la République a fait applaudir à tout rompre au peuple des
Quirites le franchissement du Rubicon par le conquérant de la
Gaule; la seconde putréfaction générale de la morale politique
est celle qui a conduit un christianisme de ploutocrates de
l'autel à vendre le sang de leur divinité contre espèces
sonnantes et trébuchantes et à perdre le guidage des
intelligences aux guichets d'une immortalité des corps tarifée
et proclamée achetable en bons de caisse aux bureaucrates de
l'éternité; la troisième liquéfaction générale de la morale
politique s'est produite à l'heure où la putréfaction de
l'administration du ciel par l' aristocratie monarchique a dû
céder la place à l'aristocratie prometteuse des guerriers
nouveaux de la Liberté et de la Justice - l'heure où la classe
nobiliaire de la raison a dressé son clergé juvénile sur les
ruines d'une orthodoxie religieuse pétrifiée; la quatrième
résurrection de la morale politique est celle qui a suivi le
naufrage des prodiges les plus sots du christianisme romain, ce
qui m'a permis de renoncer aux ressources politiques de la foi
et de ses miracles alors en usage et de légitimer à la seule
école de la morale rationnelle la lutte armée des peuples
vaincus contre l'occupant.
Depuis lors, le
patriotisme a perdu son assise dans le surnaturel et seule la
résistance citoyenne permet aux nations de mettre en accusation
devant leurs tribunaux les dirigeants qui auront capitulé sur le
champ de bataille de l'éthique civique. Ce point sera décisif
pour légitimer au pénal le châtiment des dirigeants européens
actuels qui auront autorisé des troupes étrangères à stationner
en pleine paix sur leur territoire, et cela pendant trois quarts
de siècle. Je rappelle qu'il s'agit d'une violation ouverte et
continue du droit de la guerre en vigueur aujourd'hui. Le
cinquième effondrement de la morale politique résulte du
débarquement d'une théocratie en armes sur les terres du peuple
palestinien et la sacralisation d'un Etat mi-religieux, mi-laïc,
mais fondé sur la délégitimation radicale des principes moraux
de la civilisation mondiale de la liberté politique.
Je rappelle également que, par définition, tout pouvoir fondé
sur le sacré est condamné à réfuter le principe même de la
résistance armée des peuples à l'occupant, et cela du seul fait
que si les désastres militaires d'une nation n'étaient pas
censés répondre aux desseins impénétrables d'une idole sur tous
les champs de bataille du monde, ce type de divinité s'en
trouverait réduit au rang d'une potiche impuissante. C'est
pourquoi le dogme fondamental des théologies enseigne que "tout
pouvoir vient de Dieu", c'est-à-dire que le créateur du
cosmos est un chef d'Etat au timon des affaires et responsable
de l'histoire du monde.
Je rappelle, dans le même esprit, que
c'était en toute logique théologique que Vichy légitimait le
Dieu des chrétiens à châtier une France vaincue, parce que
pécheresse. C'est pourquoi, plus d'un demi siècle après la
promulgation de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de
1905, j'ai donné à la Révolution française son véritable contenu
en fondant la culpabilité politique des citoyens sur leur seul
devoir à l'égard de leur pays, ce qui a exigé la rédaction de
manuels scolaires déniaisés et une législation qui a imposé leur
usage exclusif jusque dans l'enceinte des écoles religieuses; et
pour cela, il fallait également se résoudre à ne qualifier que
des professeurs titularisés par des diplômes de l'Etat laïc, et
enfin, pour plus de sûreté encore, se résoudre à interdire aux
enseignants de ces écoles de corriger les épreuves du
baccalauréat. Pourquoi cela, sinon parce que seule une politique
résolue du contenu et du fonctionnement rationnels des cerveaux
permettra aux nations européennes de résister à leur
vassalisation par les messies de l'étranger. Voyez l'Italie,
l'Allemagne, l'Espagne asservies à une théologie des démocraties
apostoliques dictée par un empire étranger, voyez la France
actuelle, qui a reconduit la République laïque sous le joug
parallèle de l'étranger et d'une religion fondée sur la
souveraineté du plus fort sous le masque évangélique du
protestantisme et vous comprendrez que le combat pour le
véritable contenu cérébral de la laïcité française est un combat
pour la souveraineté de la nation. Et c'est pourquoi le
véritable enjeu des négociations au Moyen Orient est de
substituer à l'expansion politico-religieuse de Jahvé le droit
des Palestiniens de se fonder sur un Allah que le Hamas a rendu
compatible, lui, avec la politique mondiale de la France de la
raison, parce qu'une religion née au VIe siècle jouit
nécessairement d'une grande avance intellectuelle sur des mythes
centraux tels que la transsubstantiation eucharistique, selon
laquelle les paroles du prêtres changeraient du pain en viande
divine ou la naissance d'un homme d'une vierge fécondée par un
Dieu. Ce n'est pas avec de telles absurdités qu'on forge une
nation de la Liberté.
7 -
Tartuffe à Gaza
Mais il y a plus : la révolution
anthropologique de la géopolitique répondra au débarquement de
l'astronomie de Copernic dans celle de Ptolémée en ce qu'elle
interprètera l'histoire mondiale de l'alliance de l'éthique et
de la raison politique depuis la chute de l'empire romain dans
une optique semi-zoologique; et cette révolution méthodologique
deviendra encore plus rétroactive quand elle conduira les futurs
chefs d'Etat des démocraties européennes à une interprétation
rationnelle, donc à un scannage accusatoire de la
psychophysiologie qui a piloté les classes dirigeantes depuis
deux millénaires et qui les a conduites à leur déliquescence
intellectuelle d'aujourd'hui. Car les élites subissent un
délitement cérébral lié à la bipartition native de leur
encéphale entre le réel et des cosmologies délirantes. Vingt
siècles d'évangélisation tartuffique de l'Occident ont conduit
l'oligarchie planétaire contemporaine à arborer conjointement ou
tour à tour deux masques sacerdotaux associés et complémentaire,
celui d'un panégyrique officiel des idéaux que la démocratie
planétaire confesse pieusement, mais toujours du bout des lèvres
et celui d'un apostolat de type évangélique dont le thème de
l'amour de tout le genre humain retentissait autrefois du haut
de la chaire et aujourd'hui au sein du polyculturalisme
décérébré des décadences.
Mais pour mettre en scène ce type de
dyarchie cérébrale au profit de l'empire dominant du moment, il
a fallu faire monter un Lucifer de la dernière cuvée sur les
planches usées de l'histoire du Bien et du Mal: le Démon qui
attisera le feu sous les marmites de la damnation universelle
s'appellera l'Iran. Les inquisiteurs de la démocratie
messianisée par l'Amérique feront monter cet hérétique idéal sur
la scène de la pestifération universelle des modernes ; et les
magistrats qui siègeront au tribunal des assermentés du Nouveau
Monde rendront leurs verdicts au nom des idéalités pseudo
séraphiques dont ils auront fait leurs idoles. La dichotomie
parareligieuse de tout le théâtre de la religion des droits de
l'homme reproduira fidèlement la schizoïdie des ancêtres dont
les serviteurs scindaient leur foi entre les fausses dévotions
de leur clergé et les profits du culte qu'ils appelaient les
bénéfices ecclésiastiques. C'est pourquoi le monde moderne
exerce deux faux sacerdoces à Gaza, celui des idéaux déconfits
de la démocratie et celui du guerrier dont le nom est Jahvé.
Le Quotidien du peuple
(Chine ) : Monsieur le Président, depuis deux décennies,
votre pensée politique ne cesse de s'étendre et de se ramifier
sur la scène internationale. Le spectacle de la gesticulation
désespérée d'une classe dirigeante mondiale prise en étau entre
la honte de son péché à Gaza et l'alibi de ses fulminations "
vertueuses " contre les damnés de Téhéran illustre la postérité
féconde de votre analyse de la schizophrénie d'une humanité que
nous voyons osciller entre ses rédemptions et ses pénitences.
Puis-je vous demander de bien vouloir vous étendre encore
quelques instants sur cet aspect de votre anthropologie
politique et religieuse?
Le Général de Gaulle
: Je n'ai rien inventé; tout cela est dans
le Tartuffe de Molière. Mais les faux dévots de la démocratie ne
joueront pas longtemps le rôle biface qui les dédouble dans la
maison d'Orgon qu'est devenue la République. M. Cameron aura
beau se proclamer tout ensemble sioniste et palestinien, M.
Sarkozy et Mme Merkel auront beau lui emboîter le pas, leur
claudication partagée sur la scène internationale fait peine à
voir, tellement ces acteurs d'une éthique politique contrefaite
scindent la démocratie mondiale entre un porte-à-faux jésuitique
et les derniers soupirs d'une Liberté agonisante.
Mais voyez comme
Tartuffe se fait tirer l'oreille, voyez comme il rechigne à
condamner le camp de concentration de Gaza, voyez comme il
légitime la présence d'Israël sur les terres qu'il a volées,
voyez comme il porte à bout de bras les cierges de la religion
épuisée des droits de l'homme, voyez comme il se garde d'ouvrir
le dossier du retour des réfugiés, le dossier du retrait du
peuple juif à ses frontières de 1967, le dossier de la conquête
de Jérusalem en violation du droit international. Mais elle est
imminente, croyez-moi , la citation de la civilisation mondiale
à comparaître devant le tribunal de la cohérence mentale de la
France de la raison.
Certes, le monde politique moderne a élevé
une casuistique de la démocratie au tragique reniement
international des idéaux de la justice et du droit. Mais comment
la planète se blanchirait-elle à l'école d'une pestifération
truquée de la Perse ? Comment donnerait-elle le change sur des
béatifications et des damnations artificielles?
8 - Le
rendez-vous des peuples avec l'éthique
Déjà l'histoire vivante pousse des
pseudopodes prometteurs hors de la geôle de son enfermement
théologico-politique entre Gaza et Téhéran, déjà ce tentacule se
change sous nos yeux en tête de pont de l'intelligence politique
de demain, déjà ce débarquement se propage et s'installe au
milieu du nouveau paysage du monde, déjà il rassemble le
troupeau effaré des Etats schizoïdes , déjà ce noyau se
cristallise et fascine la troupe effarée des fuyards, déjà il
divise les inquisiteurs et les bénisseurs en deux camps, déjà un
gouvernail, un pilote, une direction apparaissent, déjà la
Turquie, le Brésil et l'Iran se sont réunis à Ankara, déjà la
Russie multiplie des signes de repentance, déjà la Chine a
mesuré la perte de prestige d'avoir lâché un instant la proie
pour l'ombre, déjà la question la plus décisive se place sous
une crue lumière, celle de savoir si Israël réussira à jeter
par-dessus bord la civilisation mondiale du droit et de la
justice.
Depuis les
origines, l'Histoire de la politique raconte l'alliance secrète
que les classes dirigeantes simiohumaines concluent avec le
meurtre que bénissent leurs autels et que glorifient les
sacrifices dont le Dieu de la zoologie est censé les rémunérer.
Ne vous étonnez pas, Messieurs, de la fatalité darwinienne qui a
conduit la démocratie sacrificielle mondialisée à accoucher,
elle aussi, de prévaricateurs, d'offertoires prébendés et d'un
clergé acheté. Mais voyez comme la plus vieille prêtrise du
monde boite sous le soleil de Gaza, voyez comme l'éthique
politique des peuples relève la tête parmi les ruines des idéaux
de la liberté et de la justice. Peut-être verra-t-on s'installer
un instant en Judée un Etat fondé sur le reniement des valeurs
fondatrices de la civilisation des évadés partiels du règne
animal; mais cet Etat de guerriers et de conquérants sera plus
éphémère que tout autre, parce qu'il aidera l'Occident de la
pensée à plonger dans les ultimes secrets religieux du meurtre
sacré auquel le Moyen Orient sert d'autel. L'heure d'Antigone
sonnera à Gaza.
9 - Le
bateau ivre
Monsieur le Président,
la Frankfurter allgemeine die Zeit, die Welt, Bild,
Süddeutsche Zeitung
sont convenus de vous poser ensemble une
question que nous formulons en ces termes : le 15 septembre, la
haute représentante des vingt-sept nations membres de l'Union
européenne, Mme Caherine Ashton, a annoncé à la presse qu'elle
achevait de mettre en place le réseau diplomatique mondial qui,
à l'entendre, conduira d'un pas résolu la politique étrangère de
l' Europe vers un radieux avenir. Ses services compteront plus
de huit mille fonctionnaires. L'Allemagne a tout de suite obtenu
l'ambassade de Chine, fort convoitée, dit-on, et l'Autriche
celle de Tokyo, tandis que la France s'est contentée des
Philippines, du Tchad et de la Zambie. Mme Ashton vient de se
voir confier les négociations de l'Europe avec l'Iran qui les a
demandées au quartet. Que pensez-vous des chances de succès de
la future diplomatie mondiale de l'Europe, et, si vous croyez en
son destin glorieux, quelles seront sa nature, son ambition et
les limites de son indépendance à l'égard de Washington ?
Le Général de Gaulle
: Le bateau ivre de Rimbaud
n'avait ni pilote, ni gouvernail, celui de l'Europe compte cinq
navigateurs fantômes dont aucun ne tient un timon entre les
mains. Le premier de ces faux capitaines s'appelle l'Assemblée
de Strasbourg, qui se préoccupe comme d'une guigne du
quadrillage de l'Allemagne par deux cents places fortes de
l'étranger armées jusqu'aux dents sur son territoire et de celui
de l'Italie, occupée par cent trente sept forteresses encore en
cours d'expansion soixante cinq ans après la fin de la dernière
guerre. Cela me rappelle un passage de Tacite. Sous Néron, un
senatus consulte ridicule avait tranché d'une broutille - la
ville de Syracuse serait autorisée à produire davantage de
gladiateurs dans le cirque que le nombre prescrit par la loi. Un
sénateur courageux avait ri de tant de futilité législative.
Pourquoi, se demandait-il, cette haute autorité se
réservait-elle des bagatelles, des niaiseries et des
enfantillages, sinon parce qu'il s'agissait de cacher sous un
épais silence la peur de l'assemblée de traiter des grandes
affaires de l'empire?
Le second amiral d'un vaisseau sans mât ni voilure s'appelle la
Commission européenne de Bruxelles, que dirige un fervent
partisan de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis en 2003 et
de l'occupation des Açores par l'armée de terre, de mer et de
l'air de l'empire américain. Ah! que cet administrateur de la
servitude de l'Europe demeure un pion polyglotte sur lequel la
diplomatie de Washington peut compter pour tenir les rênes d'un
continent attelé au char de ses chimères! Le troisième timonier
de la flotte est le président belge d'une planète artificielle,
errante et désarmée. On dit qu' il attend désespérément un coup
de fil bénisseur du Président des Etats-Unis et que son vœu
n'est pas près de se trouver exaucé, bien qu'il n'envisage le
pieux avenir du Vieux Continent qu'en comparse dévot de l'empire
d'outre-Atlantique. Par bonheur, son salaire de nabab est à la
mesure de la fonction décorative que le traité de Lisbonne lui a
assignée. Comment cette marionnette enrubannée réveillerait-elle
des Etats européens qu'un abus de langage qualifie encore de
souverains? Comment ce fantôme ne demeurerait-il pas pieds et
poings liés, puisque sa mise en service n'a même pas jeté aux
oubliettes l'autre chœur des poupées mécaniques, celui qui
défile en dentelles sur la scène et qu'on a baptisé la "Présidence
tournante", parce qu'il s'agit d'un manège? La nomination à
grand tapage d'un majordome grassement rémunéré à la tête de
l'Europe est purement nominale ; mais pour s'en assurer, il
était utile de ne pas mettre hors d'usage le second cocher d'un
attelage illusoire.
C'est à cette flotte privée de voiles et de
gouvernail que Mme Ashton est censée ajouter un navire de
plaisance. Aussi a-t-elle demandé tout de suite qu'on veuille
bien l'inviter à prendre le thé à Tel Aviv. Mais cinq ministres
des affaires étrangères européens ont aussitôt voulu prendre
place dans le même carrosse, tellement ils craignaient qu'une si
audacieuse entreprise leur ravît les cuillères, la théière et la
nappe. On a évité la guerre des préséances: les ministres ne
courront pas sur les brisées de la poupée. La garden party du
Moyen Orient a été remise à la fin de ce mois.
10 - La vassalisation de la diplomatie
européenne
Vous me demandez,
Monsieur, quelle politique une Europe couronnée de têtes creuses
va proposer à la Russie, à la Chine et au reste de la planète.
Sur ce point votre information est incomplète. L'Elysée a obtenu
que l'ambassadeur actuel de la France à Washington, un très
dévoué serviteur des intérêts des Etats-Unis d'Amérique en
Europe, occupe le poste-clé de Secrétaire général auprès de Mme
Asthon, ce qui, en clair, signifie rien de moins que
l'installation officielle des instances du Comité représentatif
des institutions juives de France dans les institutions de la
République. Israël s' est déjà infiltré au cœur de tous les
organes de l'Union européenne. Il est donc d'ores et déjà exclu
que le Vieux Monde conduise jamais une politique résolue de
rapprochement avec les peuples du Coran, la Russie, la Chine,
l'Inde et l'Amérique du Sud. Israël a trouvé l'assise de son
autorité politique définitive au cœur de la République quand, il
y quelques mois, le gouvernement de M. Nicolas Sarkozy a
solennellement proclamé à Biarritz par la voix de son Ministre
de la justice que le Comité israélien susdit jouirait dorénavant
du rang et des apanages officiellement attribués à un Etat
étranger, donc que les prérogatives d'un interlocuteur officiel
et à part entière de la France et de son Etat se trouveraient
désormais expressément reconnues à l'AIPAC français, de sorte
que notre pays compte maintenant deux gouvernements sur son
territoire. Comment se partageront-ils la souveraineté
nationale?
C'est dans cette configuration des passerelles diplomatiques
entre l'Etat d'Israël et les vingt-sept Etats de l'Union
européenne que vous demanderez instamment à l'ambassadeur de
nationalité allemande que le Vieux Monde accréditera à Pékin
quel gâteau Confucius partagera avec l'autre ambassadeur, celui
de la nation des Germains dans cette capitale. Je me demande en
outre quelles prérogatives annexes les jumeaux allemands vont se
partager entre eux en coulisses ou sur le devant de la scène, je
me demande de surcroît comment deux excellences en provenance de
Berlin vont évoluer côte à côte sur le théâtre du burlesque que
l'on baptisera la "diplomatie européenne" si l'une des
faces de ce mythe politique tendra son assiette vide à l'autre
et s'il n'y a ni cuisinier, ni plats à mettre sur la table.
Voyez-vous, les
empires bicéphales portent un regard vague sur leur maigre
pitance. Je vous lis le menu : une France étroitement solidaire
d'un interlocuteur en acier trempé sur ses propres arpents - un
Comité représentatif des institutions juives de France dont un
conseiller binational assiste d'ores et déjà un ministre des
affaires étrangères binational, lui aussi - une telle France
occupe depuis belle lurette les mêmes arènes de la politique
étrangère qu'Israël et Washington. La République sera le
mercenaire du corps diplomatique des vingt-sept poupées
mécaniques censées représenter l'Union européenne sur la scène
du monde. Quelle sera la politique de Washington à l'égard de
Pékin, de Tokyo, de New Delhi, du Caire et du monde arabe, sinon
celle d'Israël ? Une Europe doublement vassalisée par son maître
d'outre-Atlantique et par Tel-Aviv demandera à Pékin de
réévaluer le cours du Yuan et de marginaliser la Russie. Mais si
l'Europe de Mme Ashton tentait de ne pas plier l'échine et de
défier les directives de Washington et de Jérusalem, la Maison
Blanche lui ferait clairement comprendre qu'elle veut bien lui
concéder les broderies dont les grands couturiers attiffent
leurs mannequins, mais non davantage. Le Pentagone et le
Département d'Etat, lui diront-ils sans détours, sont en mesure
de faire fi du siège de velours que l'Europe lui réclame et de
négocier seuls non seulement avec Moscou et Pékin, mais avec la
planète tout entière.
Voilà la vraie
donne du monde. Voyez-vous, Messieurs, une Europe pilotée par
les vassaux d'une puissance étrangère ne sortira pas de la rade
et ne gagnera jamais le grand large. Mais le monde moderne est
celui d'une accélération foudroyante du temps de l'histoire. Si
nous ne nous attelons pas à la tâche d'éveiller l'opinion
publique des peuples arabes, nous ne disposerons jamais du seul
levier qui permettrait à l'Europe de se changer en Christophe
Colomb de la politique internationale du XXIe siècle.
11 -
L'éthique politique de la souveraineté
Les Izvestia
(Russie): Monsieur le Président, dans les décadences, le
choix des vaincus n'est-il pas de participer le mieux possible
et même modestement, s'il le faut, à l'histoire réelle du monde
sous le sceptre d'un triomphateur devenu inamovible ou de
quitter l'arène avec armes et bagages? Sparte s'est fièrement
tenue à l'écart des aigles romaines victorieuses du monde
hellénique et son destin s'est réduit à celui d'un village
oublié au bord de l'Eurotas. Athènes a collaboré avec tous les
Césars et sa culture a fécondé non seulement la civilisation des
légions, mais à partir de la Renaissance, celle d'une Europe
retombée dans l'ignorance. Comment théorisez-vous la présence
durable ou l'absence définitive de l'Europe d'une scène
internationale qui l'a placée sous la houlette de l'empire
américain depuis 1945?
Le Général de Gaulle
: Rome a triomphé de l'esprit
public au sein des nations asservies à sa loi et elles ne s'en
sont remises qu'à l'heure de la ruine de l'empire. Mais, à
partir de Tibère, c'est son immoralité politique qui a conduit
la civilisation de la louve à sa perte. Cette immense leçon de
l'histoire universelle est encore celle qui se rappelle à l'
Europe de notre temps : en 1940, il fallait bien que la France
gardât les contours d'une apparence d' Etat sur les cartes
topographiques, il fallait bien que sa géographie eût une ombre
de gouvernement qui représenterait des kilomètres carrés à
défaut des citoyens d'une nation. Mais quand Hitler a franchi la
ligne de démarcation entre la France occupée et la France de
Vichy, le chemin du devoir civique était clairement tracé aux
yeux de tous les patriotes.
De nos jours, un gouvernement de la France qui ferme les yeux
sur un empire où la torture a été non seulement rétablie en
fait, mais dûment légalisée trois siècles après son abolition
dans tout le monde civilisé, un gouvernement de la République
qui approuve le blocus de Gaza où quinze cent mille hommes,
femmes et enfants subissent la loi d'Israël et de son complice
d'outre-Atlantique, un gouvernement de la France qui a envoyé un
navire de guerre renforcer le blocus de l'occupant de Gaza dont
l'assaut aérien et terrestre avait fait mille quatre cents
morts, un gouvernement qui a collaboré à la construction d'un
mur d'acier autour de Gaza aux côtés de Washington, un tel
gouvernement ne se trouve pas seulement disqualifié aux yeux de
l'éthique politique du monde, un tel gouvernement se trompe en
outre de balance à peser l'intelligence des Etats. La honte de
la France d'aujourd'hui est dans un mot terrible de Mirabeau: "Il
existe pire que le bourreau, son valet".
La vraie politique prononce les verdicts de
l'esprit de justice, la vraie politique est la science de l'âme
des nations, la vraie politique rend les arrêts infaillibles de
la raison. Trahir, c'est seulement se mettre un bandeau sur les
yeux. La civilisation occidentale entrera en résistance ou
mourra. Mais le temps de l'héroïsme des lucidités solitaires est
déjà révolu, l'heure de l'intelligence morale du politique est
de retour; et cette intelligence-là nous enseigne que l'Amérique
ne portera pas longtemps à bout de bras le double fardeau de
plus de mille camps fortifiés sur les cinq continents et d'une
monnaie fictive qui s'essouffle à porter les armes et les songes
d'un vaste empire. Je ne suis pas prophète; j'ai seulement tenté
de tenir le langage de la logique supérieure qui commande
l'histoire secrète du monde et qui raconte le destin de la
morale au cœur de la conscience politique de l'humanité.
12 - Le
Hamas